Conte russe

Evgueni Poderenkov était dans sa chambre d’hôtel à Moscou, pas très loin du Kremlin, en train de s’allumer une dernière cigarette avant de dormir. Il craqua une allumette pour ce faire, et apprécia la première bouffée de fumée. Sa cigarette terminée, il alla se coucher. Il ne remarqua pas que l’allumette avait projeté une particule incandescente sur le tapis, et que celui-ci commençait doucement à brûler, comme un simple rougeoiement tout d’abord, qui s’étendit lentement jusqu’à former une tache. Au milieu de la nuit, un courant d’air attisa la flamme, et le rougeoiment devint une flamme qui ne parvint pourtant pas à réveiller Evgueni Poderenkov. Ce ne fut que lorsque la braise se fut muée en véritable feu que Evgueni Poderenkov fut tiré de son sommeil, suffoquant du fait de la fumée. Il tenta maladroitement d’éteindre le sinistre, mais devant l’inanité de ses efforts, il sortit de sa chambre en pyjama et donna l’alarme dans l’hôtel.

Le personnel mit quelque temps à réagir, laissant ainsi au tapis en flammes l’opportunité de devenir incendie. Un incendie suffisamment important pour que les modestes extincteurs du personnel de l’hôtel, enfin réveillés, s’avèrent inefficaces, Le feu se propagea rapidement dans les étages dépourvus de protections pare-feu. Les pompiers, avertis trop tard, arrivèrent quand l’hôtel était déjà en flammes; ils ne purent qu’essayer de protéger les bâtiments avoisinants contre la propagation du brasier.

Ils ne furent en revanche pas en mesure d’empêcher le feu de se propager aux conduites de gaz du quartier; les conduites n’étaient pas de la première jeunesse, et les vannes de sécurité destinées à éviter la propagation du feu dans le circuit d’alimentation n’étaient pas toutes entièrement fonctionnelles. De plus, de nombreux établissements avaient, à l’époque des restrictions d’énergie après la chute de l’URSS, constitué des réserves de gaz clandestines dans des réservoirs moyennement sécurisés, si bien que les conséquences s’avérèrent désastreuses. Le quartier tout entier explosa, et le nuage de poussière fut visible loin à la ronde, arborant une forme de champignon bien connue et redoutée.

Le commandant en chef des armées était exceptionnellement à Moscou cette nuit-là, où il avait passé la soirée en compagnie du ministre de la Défense pour une soirée de travail qui s’était prolongée tard dans la nuit, et avait nécessité beaucoup de vodka pour soutenir la réflexion. Le commandant avait, en guise d’expérience du combat, le souvenir de films d’archives à la gloire de l’armée rouge lors de la Deuxième Guerre Mondiale, ainsi qu’une connaissance approfondie du contenu des réserves du bar servant de mess aux officiers supérieurs supervisant l’opération militaire spéciale en Ukraine. Le serviteur de l’Etat quant à lui, avait trouvé son portefeuille de ministre dans le slip de sa jeune sœur qu’il avait présenté à un moment opportun au président de la Sainte Russie. Ils étaient dans un hôtel en bordure de la zone de déflagration, et leurs compétences réunies permirent aux deux personnages de conclure à une attaque ennemie; alors que le commandant penchait pour une attaque venant d’Ukraine, le ministre penchait plutôt pour une attaque venant de l’OTAN, vu le caractère sans doute nucléaire d’un missile capable d’occasionner une telle déflagration. Comme ni l’un ni l’autre n’avaient jamais assisté à l’explosion d’une bombe atomique (sauf dans des films d’archives ennuyeux et mal filmés, souvent même en noir et blanc), et n’avait que rarement assisté à l’explosion d’une bombe conventionnelle (même s’ils étaient à l’origine de nombre d’explosions de ce genre, mais c’était sur les têtes de civils de la partie adverse, alors c’est moins grave, n’est-ce pas ?), être soudain confronté à une grosse explosion leur faisait songer spontanément au pire. D’autant que les miasmes de la vodka de la soirée précédente ne tendaient pas à améliorer les capacités de discernement de ces deux hauts fonctionnaires. Les offices chargés de la défense n’avaient rien vu venir, et les rapports de police faisant état d’un incendie suivi d’une explosion de gaz furent balayés (les flics sont notoirement incompétents, c’est bien connu), et on avertit finalement le chef de l’Etat d’une probable attaque (peut-être nucléaire) de la Mère Patrie par les troupes de l’OTAN. Le président, en repos dans sa modeste datcha au bord de la Mer Noire, après avoir longuement écouté les explications de ses deux hauts fonctionnaires, décida de rentrer immédiatement à Moscou, et donna l’ordre, au moyen d’une procédure simplifiée qu’il avait lui-même mise sur pied aux débuts de l’opération militaire spéciale, de lancer deux missiles tactiques à ogive nucléaire sur Kiev et sur la base de l’OTAN la plus proche, en Pologne. Il précéda ces tirs d’une annonce sur la télévision d’Etat, mais ne prit pas contact avec les forces armées adverses, puisque ces dernières avaient selon toute probabilité utilisé l’arme nucléaire sans avertissement préalable, au mépris des conventions. Conventions qui par ailleurs étaient commodes quand elles pouvaient servir vos propres arguments, mais sources d’ennuis (et donc à balayer) en toute autre circonstance.

C’est ainsi que la Russie entra en guerre nucléaire avec l’OTAN. Dans la foulée, la Corée du Nord déclara la guerre à la Corée du Sud et aux Etats-Unis, et la Chine fut contrainte de suivre le mouvement. La pollution générée par cette conflagration mondiale fit probablement davantage de morts que les explosions atomiques elles-mêmes, en dépit de la brièveté du conflit proprement dit. La planète Terre expérimenta un hiver nucléaire qui allait durer suffisamment longtemps pour que la civilisation ne soit plus jamais ce qu’elle avait été avant que Evgueni Poderenkov n’allume sa cigarette dans cet hôtel au centre de Moscou.

Moralité :


Ce conte est fortement inspiré d’une chanson de Mani Matter, « I han es Zündhölzli azündt« . Mani Matter est un chanteur, auteur et compositeur bernois très célèbre décédé en 1972, assez peu connu dans les pays francophones en raison de sa volonté de s’exprimer en dialecte bernois (Bärndutsch). Stephan Eicher a repris une chanson de son répertoire (« Hemmige« ) pour lui rendre un hommage mille fois mérité.


Highway to Hell

Je me suis réveillé l’autre matin sur les accords rugueux de ce morceau de hard rock mythique du groupe AC/DC. Un des tout meilleurs morceaux de hard rock de l’histoire, à mon humble avis, avec des « Smoke on the Water » de Deep Purple ou certains tubes de Led Zeppelin. A six heures du matin, ça réveille et ça met de l’ambiance. Mais c’est vrai que dans le cas de AC/DC, c’est une ambiance un peu apocalyptique…

Je dois avoir quelques dizaines de blogs esquissés dans le répertoire « brouillons » de mon site web. Ils n’ont pas été publiés parce que :

  • Ils sont mauvais
  • J’ai déjà abondamment parlé de ce sujet auparavant
  • Ils ne sont pas drôles
  • J’ai l’impression de me prendre au sérieux
  • Un journaliste vient de dire exactement la même chose (mais en mieux)

L’actualité est assez désespérante par les temps qui courent. Quel que soit le sujet abordé, on a l’impression qu’on va plus ou moins rapidement dans le mur. On est averti, il y a plein de signaux qui nous disent « stop!« , mais on continue; c’est un peu la thématique de « Highway to Hell ». « Pas de limitations, on se fout des interdictions, des risques, on veut la vie facile, tant pis si on en crève, c’est l’autoroute vers l’enfer ».

Qu’on en juge :

Climat. Ce début de juillet 2023 nous rappelle très efficacement que les progrès en matière de réchauffement climatique sont quasi inexistants, n’en déplaise à d’incorrigibles optimistes (que j’admire d’ailleurs très sincèrement) comme M. Piccard. On essaie timidement de renoncer aux énergies fossiles, mais on aura besoin d’électricité. Beaucoup. Alors on compte par exemple sur l’hydroélectrique, mais zut! les glaciers fondent et il n’y a plus d’eau. J’en passe et des meilleures que j’ai déjà mentionnées par le passé. « Highway to Hell…« 

Paix dans le monde. J’aimerais me réveiller un matin sans entendre parler de Poutine, de Progojine, d’Ukraine ou de Russie. Mais je suppose que le jour où cela arrivera, on sera en plein guerre civile au Sénégal ou que la Chine aura agressé Taïwan. « Highway to Hell…« 

Ultraconservateurs. Partout, les partis politiques ultraconservateurs gagnent de l’importance. Aux Etats-Unis d’Amérique, les Républicains ont oublié qu’ils avaient fondé l’Amérique moderne, non-esclavagiste, et sont désormais devenus (enfin, la majorité d’entre eux) un groupe de personnes rétrogrades, opposées à toute nouveauté ou ouverture sur le monde, plus près de ce qu’ils croient être Dieu que des femmes, surtout si ces dernières sont de couleur. En Suisse aussi, nous avons nos poupées qui disent non; c’est d’ailleurs le plus grand parti de Suisse, et comme il dit toujours non, rien n’évolue. « Highway to Hell…« 

Dictatures. On se disait dans les années 70-80 que le monde allait évoluer vers la démocratie, ce système inauguré probablement par les citoyens athéniens en 750 av J.C. (non, J.C ne signifie pas Jules César). Populariser les systèmes démocratiques était même l’un des objectifs affichés lors du déploiement d’Internet ! En réalité, les dictatures restent nombreuses, et les dictateurs ont appris à manipuler les systèmes d’information à leur bénéfice; les Etats-Unis d’Amérique ont d’ailleurs failli vivre un coup d’Etat instauré par leur propre président, le chimpanzé hypertrophié à poil roux appelé Trump. Mais ce n’est que partie remise, il se représentera, contre un Joe « Lagaffe » Biden, un défenseur de la démocratie âgé de 80 ans. La démocratie aura besoin d’un déambulateur, je le crains. « Highway to Hell…« 

Je passe sur la biodiversité, les inégalités sociales, et toute cette sorte de choses; c’est consternant et tout le monde connaît ces problèmes évoqués tous les jours dans le cadre des informations diffusées sur les médias traditionnels. C’est trop déprimant, à force d’être répété.

Voilà pourquoi mes blogs en sont resté à l’état de brouillon, ces derniers temps. Je n’ai plus trop envie de parler de choses sérieuses, mais je ne trouve pas grand-chose de drôle comme sujet de déconnades. Même le sport ne me fait plus sourire, entre les salaires (est-ce le terme approprié ?) délirants de M’Bappé, les performances surhumaines de Pogacar (au fait, y a-t-il encore quelqu’un pour prendre au sérieux Jonas Vingegaard ou autre cycliste qui se dit « propre » ?) ou les victoires algorithmiques de Djokovic qui doit probablement s’être fait greffer une IA (si c’est le cas, alors bravo pour l’équipe informatique : beau boulot !).

Dernière actualité, mais ce n’est pas non plus un scoop : je prends de l’âge, ou, dit plus crûment, je vieillis. « On va pas vers le beau« , comme disent certains de mes amis. C’est peut-être de là que vient mon pessimisme et mon discours grincheux de vieux con qui ne s’assume pas ? « Highway to Hell…« 

L’école des médiocres

Le conseil fédéral en Suisse est formé de sept sages (ou considérés comme tels) qui président collégialement aux destinées du pays. Enfin, c’est l’idée générale. Sauf que le terme « collégial » implique généralement une certaine collaboration, un apport mutuel fondé sur la complémentarité et une saine et constructive émulation, et que ce n’est guère l’impression qui se dégage de cet aréopage ces derniers temps.

On aurait pu espérer que le départ à la retraite du peu collégial ministre des Finances Ueli Maurer améliorerait l’entente entre les différents ministres, mais à vrai dire, ce n’est pas vraiment évident. Ce ministre des Finances (qui se passionnait à vrai dire davantage pour les sonneurs de cloches qu’il fréquentait affublé d’un T-shirt ridicule) était en exercice depuis 2016 (il avait auparavant dirigé le département militaire entre 2009 et 2015); il a de ce fait eu le temps de suivre pas à pas la déchéance du Crédit Suisse qu’il était censé surveiller au travers de l’autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA). Il a d’ailleurs probablement suivi de près cette déconfiture, suffisamment en tous cas pour juger en septembre 2022 qu’il était temps de partir à la retraite et de refiler la patate chaude à son successeur. Courage, fuyons ! C’est madame Karin Keller-Suter qui a eu le privilège d’improviser avec les cadavres découverts (ou redécouverts) dans le placard, et de fusionner deux dinosaures pour constituer un monstrosaure dont tout le monde se demande pendant combien de temps il restera viable, et à quel prix.

Bien que l’on ne puisse guère me suspecter d’admiration pour le peu regretté Ministre des Finances, force est de constater qu’il n’est hélas pas le seul à afficher une attitude pour le moins passive face aux évènements qui secouent la période actuelle. Aussi lentement que possible, et moins vite que nécessaire, pourrait-on dire pour parodier le Ministre de l’Intérieur.

Parce qu’il y a aussi Poutine, bien sûr, qui incite certains à poser la question de la neutralité suisse ! Et pourtant, c’est si bien la neutralité : on ne se fâche avec personne, on fait des affaires avec tout le monde, et les guerres permettent de s’enrichir ! On en veut pour preuve la Deuxième Guerre Mondiale, où on était copains avec tout le monde et où on a fait des bénéfices avant, pendant et après le conflit. En fait, surtout pendant. Alors on ne va pas trop se dépêcher de vouer aux gémonies l’agression de Poutine, non ? D’aucuns diront que la neutralité permet à la Suisse de jouer un important rôle de médiation; mais ce n’est pas très convaincant. Depuis 2006, la Suisse joue le rôle de représentation des Etats-Unis envers l’Iran; l’actualité montre que le régime des mollahs n’a pas beaucoup évolué depuis; et il semble même que cette représentation soit moyennement appréciée par le gouvernement américain… Cela permet au moins à l’ambassadrice de Suisse à Téhéran de s’afficher avec son plus beau tchador, au mépris des femmes iraniennes qui se battent pour s’en débarrasser.

Nombre de pays européens fustigent la Suisse qui interdit la réexportation d’armes; il est difficile de ne pas leur donner en partie raison lorsqu’il leur semble absurde de fabriquer et d’exporter des armes que l’on n’a pas le droit d’utiliser : tant qu’à faire, autant ne pas exporter d’armes du tout, le discours sera plus cohérent. Et puis allons jusqu’au bout du raisonnement, ne fabriquons pas d’armes, et la question ne se posera plus, et même M. Jean-Luc Addor n’aura plus d’objections à faire valoir (ce qui serait, soit dit au passage, dramatique pour l’ego de cet ancien militaire).

Les Helvètes ont pris l’habitude de la situation confortable dans laquelle ils sont protégés par leurs voisins européens, profitant de leurs infrastructures et de leur marché, mais n’en font pas partie, ce qui au passage leur évite de devoir se plier à certaines règles en vigueur dans l’Union Européenne. Ainsi, un sondage récent montre que les citoyens suisses continuent à se bercer de l’illusion qu’ils pourront continuer à vivre dans le monde des accords bilatéraux, même si l’UE a clairement dit que ces accords tomberaient en désuétude et devaient être remplacés par un accord-cadre dont ls premiers travaux datent de 2008. Accord-cadre dont une première version a été déchirée en 2021 par le Conseil Fédéral (sous l’impulsion de l’UDC et de l’USS, frères ennemis unis par des forces négatives), et dont aucune nouvelle version n’est mise en chantier jusqu’à maintenant. Il aura fallu une initiative privée pour que M. Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne soit convié en Suisse; coïncidence sans doute, on nous annonce la reprise des négociations avec l’UE pour le mois de juin courant !

Gouverner, c’est réagir aux évènements quand on ne peut vraiment plus faire autrement. (Le Conseil Fédéral de la Suisse, quelque part au vingt-et-unième siècle)

Dernière manifestation du niveau minable de la politique en Suisse : la gauche vaudoise (socialistes et verts) qui attaque une adversaire politique sur des vétilles fiscales, faute de disposer d’un projet susceptible de mobiliser un électorat depuis trop longtemps lassé par la morosité du discours politique purement électoraliste et désespérément vide qu’on lui propose. A court d’idées, on attaque des personnes… Si au moins la critique s’adressait aux compétences professionnelles, mais non, c’est des à-côtés anecdotiques qui sont mis en exergue pour tenter de faire tomber une personne par ailleurs légitimement élue par le peuple censé être souverain (même si le souverain peut aussi se tromper parfois). Notons au passage que sa fraude fiscale supposée s’élève à quelque CHF 175.-, alors que l’expertise qui a permis d’établir ce fait a dû se chiffrer en pas mal de milliers de francs pour le contribuable vaudois !

J’espère que l’on a touché le fond, là, parce que plus médiocre que cela, j’ai de la peine à concevoir. Mais je suppose que l’un ou l’autre politicien de renom ne tardera pas à me détromper. M. Nydegger, peut-être ? Sa dialectique de qualité, sa rhétorique brillante et ses réparties bien huilées par sa profession d’avocat dissimulent très efficacement une absence de vision consternante : ne rien changer, restons cachés, les étrangers sont le danger, l’Europe est toxique, etc…

La scène politique suisse est devenue un conglomérat de personnes majoritairement médiocres. On ne se préoccupe pas de l’avenir (ca fait peur, l’écologie, la guerre, tout ça), mais juste du présent; nos enfants ? Bôf, ils se débrouilleront, on verra ça en temps utile, d’ici là on trouvera des solutions. Des projets ? Pourquoi faire, on est bien comme ça, non ?

Lorsque j’exerçais encore comme enseignant, et que j’encourageais mes étudiants à entreprendre, je leur expliquais systématiquement qu’il ne faut jamais craindre l’échec d’une entreprise : le seul moyen de ne pas risquer l’échec est de ne rien entreprendre; et les Américains (que je n’admire pas forcément) ont cette qualité de considérer que quelqu’un qui a entrepris quelque chose et s’est planté a appris de son échec; en Suisse, on tend plutôt à le traiter de loser. Du coup, ce sont ceux qui n’entreprennent rien (et qui donc ne courent pas le risque de se tromper), qui sont promus aux postes à responsabilité. Ceci favorise peut-être la stabilité dans une certaine mesure, mais quelle école de la médiocrité !

L’anorak à mon pote

C’était il y a bien longtemps, lorsque je pouvais encore escalader des montagnes skis et peaux de phoque aux pieds, en compagnie d’amis enthousiastes. L’un de ceux-ci, en compagnie duquel j’ai vécu bien des aventures palpitantes et heureuses sur les sommets, possédait un anorak tout à fait remarquable. Il avait dû l’acquérir à l’époque de son adolescence, et le portait encore la quarantaine passée. Il avait été rouge à l’origine (du moins on le suppose), mais les rayons ultraviolets lui avaient conféré une teinte délavée tendant vers l’indéfinissable. Et surtout, il avait été maintes fois reprisé, raccommodé, réparé, rafistolé et recousu, si bien qu’il n’y avait plus guère de tissu d’origine sur cette vénérable pièce vestimentaire; mais mon pote tenait fermement à cet anorak, et je suppose que s’en séparer dut constituer pour mon ami un déchirement traumatisant. Lui seul pourrait décrire le drame qu’il a vraisemblablement vécu le jour où il n’a plus trouvé personne pour repriser la déchirure du raccommodage d’il y a trois ans, lui-même consécutif à une couture réparatrice antérieure ayant subitement lâché.

Je repense très souvent à « l’anorak à mon pote« . En fait, j’y repense chaque fois que j’utilise du matériel informatique ou téléinformatique, c’est-à-dire plusieurs fois par jour. En effet, les logiciels qui forment l’infrastructure de base de notre société numérique sont très semblables à l’anorak en question, et probablement nettement plus décrépits. Permettez moi de m’expliquer brièvement :

La transmission d’informations est basée sur le protocole IP (Internet Protocol) dont les prémisses datent de 1972, et la première version publiée (la version 4) de 1981. Dans le courant des années 1990 fut définie la version 6 (IPv6), mais actuellement encore les deux versions coexistent, et ce sont les anciennes adresses qui sont le plus utilisées. Chose intéressante, IP fut défini à l’origine pour le transfert asynchrone de paquets de données entre ordinateurs, mais est actuellement très largement utilisé pour la transmission de données synchrones comme la voix ou le streaming de vidéos; ceci n’est possible qu’en surdimensionnant largement le réseau de transmission pour minimiser les différences de temps de propagation entre les divers paquets, et en introduisant des mécanismes de compensation des écarts de temps de propagation à la réception de l’information. Certaines applications maîtrisant plus ou moins bien la compensation des distorsions de propagation se caractérisent parfois par un parasitage excessif des conversations téléphoniques, comme What’s App par exemple, lorsque le débit est plutôt faible. C’est un peu comme si « l’anorak à mon pote » était utilisé comme robe de soirée; mais je ne crois pas que mon ami ait été aussi loin dans l’utilisation de son cher vêtement.

Windows (les versions que nous connaissons actuellement) est basé sur Windows NT, qui est lui-même une évolution de VMS de Digital Equipment Corporation, soit des racines architecturales qui remontent à 1977 ! Combien de corrections, de réécritures partielles de morceaux de code, d’ajouts de fonctionnalités et de corrections de bugs (pardon, de « software updates ») ont elles été nécessaires pour en arriver à l’actuel Windows 11 ? Mac OS de son côté est basé sur UNIX BSD (1977) et sur NeXTSTEP (1989, lui-même dérivé de UNIX BSD). Là aussi, on ne compte plus les corrections, adaptations, mises à niveau nécessaires pour conserver à des systèmes vieux de plus de 40 ans un minimum de crédibilité. Et ce n’est pas LINUX, un avatar de Minix, lui-même une version amaigrie (micro-noyau) de UNIX, qui va briller par ses caractéristiques novatrices.

A l’heure des rançongiciels, comment est-il possible que ces systèmes d’exploitation réputés modernes soient incapables de détecter et d’interrompre un programme en train d’encrypter quelques térabytes de données, mais en revanche vous demandent vingt fois si vous êtes sûr de vouloir effacer le fichier tmp12324.tmp ? C’est parce que les rançongiciels n’avaient pas été prévus dans les années 1970, et ajouter cette fonctionnalité demande des modifications structurelles importantes. La notion de fichier date également des années 1970, et on n’a jamais cherché à la remplacer par quelque chose de plus utile, qui permette par exemple aisément de retrouver un contenu alors qu’on a oublié sa localisation physique. Alors, pourquoi ne pas écrire un nouveau système d’exploitation, à l’instar de mon pote qui a dû se résoudre à acheter un nouvel anorak à l’époque ? La réponse est évidente : ça coûte cher et cela ne rapporte pas grand-chose; jusqu’au jour où il y aura un gros, gros souci, comme ce que j’avais évoqué dans mon élucubration Exploit, ou comme ce qu’ont imaginé Philippe Monnin et Solange Ghernaouti dans leur roman « OFF« .

En attendant, c’est vrai que l’explorateur de fichiers ouvert sur mon écran dont le fond représente le Bryce Canyon enneigé au lever du soleil a de la gueule. « L’anorak à mon pote » ne peut pas rivaliser du point de vue esthétique, je crains. Mais du point de vue raccommodages et bidouillages, même tout à la fin de son existence, il était moins décrépit que nos systèmes informatiques. Beaucoup moins. Enfin bon, puisque vous lisez ceci, c’est que cela marche encore. Comme « l’anorak à mon pote » à l’époque…

Ski, Snow and Sun

Depuis plusieurs années, j’ai l’habitude de skier quelques jours dans le Lötschental, cette vallée valaisanne atypique, rive droite du Rhône. La petite station de Lauchernalp propose peu de pistes, mais quelques très belles descentes, et un point culminant à plus de 3000 mètres, ce qui semblerait garantir un enneigement d’une qualité raisonnable.

La vallée n’est pas un haut-lieu du ski, et n’est pas non plus très touristique, mais il y a quelques hôtels confortables, et l’une ou l’autre table qui permettent de déguster les produits locaux avec tout le soin que peut apporter un cuisinier avisé. Le restaurant de l’hôtel Nest- und Bietschorn mériterait, à ce point de vue, le déplacement à lui seul. Mais si Lauchernalp ne peut se comparer à Verbier ou à Courchevel, le domaine skiable est intéressant, propose des options de hors-piste variées (dont certaines vraiment somptueuses), et offre des points de vue rares sur les Alpes Valaisannes. Le panorama ci-dessous va des Mischabel au Mont Blanc, et comprend les principaux sommets des Alpes Pennines, dont le Mont Rose, le Cervin, la Dent Blanche et le Grand Combin.

Panorama du Hockenhorngrat, 2018

Ce panorama avait été composé en 2018, lors d’une visite sur les pistes de Lauchernalp avec des amis. On pouvait alors admirer cette vue depuis un promontoire facilement accessible depuis le sommet des pistes de la station; une table d’orientation permettait aux intéressés de se repérer dans la multitude de sommets proposés par le point de vue.

J’ai passé quelques jours (trop peu, hélas) dans cette vallée en février de cette année. Première surprise en montant en télécabine, malgré un enneigement certes parcimonieux, mais tout à fait suffisant et de bonne qualité, la piste noire, la plus intéressante pour les skieurs expérimentés, est fermée (bien que de nombreuses traces semblent démontrer que braver l’interdiction n’est pas absolument impossible). Arrivé au sommet, à plus de 3000 mètres, je m’apprête à gagner le fameux point de vue (un must, en ce qui me concerne, à chaque visite sur ces pistes), mais je me rends compte que l’accès n’est pas préparé, et qu’il faudrait en principe traverser hors piste, dans une pente raide entre des rochers, puis remonter vers le point de vue (alors qu’il y a une année, on gagnait facilement le point de vue par un schuss sur une piste bien damée). Une autre option serait de remonter à pied vers une arête que l’on pourrait ensuite suivre à la descente jusque vers le point de vue. Rien de très pratique, en résumé !

Le soir, entre deux plats, j’interroge le patron de l’hôtel qui me renseigne : le sommet des pistes est situé sur un glacier vestigial (le Milibachgletscher) qui a perdu 6 mètres de son épaisseur au cours du chaud été 2022. Comme il ne restait déjà plus grand-chose, ces six mètres ont suffi à dégager nombre de rochers qui rendent le travail nécessaire à l’accès au point de vue par les dameuses aléatoire, voire impossible, et par conséquent rend très malaisé cet accès aux skieurs. Accessoirement, la piste noire qui était située sur la branche inférieure de ce glacier a perdu son socle de glace, et dépend désormais de l’enneigement saisonnier pour sa préparation.

Cette évolution est logique, au vu du réchauffement climatique, et illustre si besoin était le péril dans lequel se trouve actuellement la pratique du ski : pendant combien de temps pourra-t-on encore skier ? Et comme on le voit à la lumière de l’exemple que je viens de décrire, même les sites en haute altitude voient les possibilités se dégrader rapidement.

Cette préoccupation touche également les professionnels du ski, qui demandent aux organisateurs de compétitions de sports d’hiver plus d’efforts environnementaux, en évitant des déplacements inutiles entre l’Europe et les Etats-Unis, par exemple, ou en choisissant des dates plus raisonnables que la mi-novembre pour des épreuves. La demande est raisonnable, mais un peu naïve, car personne ne demande aux organisateurs d’épreuves de courses automobiles de formule 1 d’alléger les déplacements entre les épreuves, ceci montre toutefois que la préoccupation est réelle, alors même que l’Arabie Séoudite va organiser des Jeux Asiatiques d’Hiver en plein désert.

D’aucuns diront que je me préoccupe de petits détails de confort (en l’occurrence, admirer une vue exceptionnelle), alors même que des personnes meurent en grand nombre victimes de catastrophes naturelles ou -pire- de psychopathes sanguinaires et assassins. Ils ont raison, en principe. Mais je préciserai tout de même que ces « détails de confort » cachent une réalité qui pourrait dans un avenir pas très lointain faire beaucoup plus de victimes que les plus sanguinaires des dirigeants criminels que l’on sait.

Qui c’est ?

… a pu se demander la grande championne de ski Mikaela Shiffrin après avoir été copieusement insultée, parfois de manière ordurière, suite à sa déconvenue aux Jeux Olympiques de Beijing en 2022. Des amabilités comme « tu supportes pas la pression »« tu as ce que tu mérites », « idiote de blonde »« prends ta retraite » et d’autres moins polies lui ont été adressées sur Twitter et Instagram, par exemple, par de courageux anonymes, protégés par les insuffisances sécuritaires des réseaux sociaux. Si ce genre de remarques peut s’avérer décourageant pour une grande championne et une célébrité, que dire des jeunes adolescents, pour qui le phénomène du cyber harcèlement peut s’avérer plus dommageable, voire parfois léthal? Remonter à la source de ces commentaires n’est jamais très simple, et peut s’avérer très compliqué et parfois même impossible. Pourquoi donc?


Les télécommunications ont connu un essor proprement invraisemblable depuis la fin de la deuxième guerre mondiale jusqu’à nos jours. Plus encore que l’informatique, les moyens de communication sont passés en quelques décennies de la transmission limitée de la voix aux transmissions multimédia à très haut débit que chacun utilise quotidiennement et parfois de manière abusive.

Les analogies ne sont pas forcément pertinentes, mais je me souviens que, dans les années 1980, j’effectuais mes paiements mensuels en utilisant un modem à 9600 bit/seconde sur une ligne téléphonique standard, avec une bande passante de 3.1 kHz. Beaucoup d’utilisateurs n’avaient que des modems à 1200 ou 2400 bit/seconde. Par contraste, je fais toujours actuellement mes paiements mensuels en utilisant des moyens téléinformatiques, mais les débits sont compris en 40 et 150 Mbit/seconde, soit grosso modo cent mille fois supérieurs. J’ajoute que je réside dans une région (littoral neuchâtelois) où les débits proposés sont corrects, sans être vraiment pharamineux, et que même si j’en éprouvais le besoin, je ne pourrais pas parvenir à des débits comparables à ce qu’expérimentent certains de mes amis mieux situés (région lausannoise, par exemple). Essayons simplement d’imaginer un progrès similaire pour l’automobile ou l’aviation : même la science-fiction n’a pas osé une telle extrapolation. Par quel miracle en est-on arrivé là ? Les progrès en traitement du signal et en microélectronique, diront les ingénieurs; la motivation de bénéfices de plus en plus juteux, rétorqueront les cadors de l’informatique mobile…

Par contraste, malgré les performances de nos réseaux de télécommunications, il semble qu’il devienne de plus en plus difficile d’en garantir un usage adéquat : failles sécuritaires, pourriels, messages non sollicités, rançongiciels, mobbing se disputent joyeusement l’utilisation des réseaux en relative impunité, grâce à un anonymat largement soutenu par les protocoles de communication sous-jacents. Pourquoi est-il donc si difficile de savoir qui est réellement à l’origine d’une information dans le monde Internet ?

Pour envisager une réponse à cette question justifiée, il faut comprendre comment s’est développé Internet, comment il est organisé, et cela impose quelques notions théoriques et historiques qui sembleront indigestes à certains : je ne leur en voudrai pas s’ils m’abandonnent en cours de route, promis !

A l’époque où j’étudiais les télécommunications à l’EPFL, Internet n’était qu’un projet (qui se nommait ARPANET, initié à l’origine par les militaires de DARPA) mené par quelques universités américaines. En 1976 (j’étais alors assistant à l’EPFL), j’avais passé quelque temps à l’université d’été à Lannion dans les Côtes d’Armor (France), au CNET, où étaient donnés des cours avancés en téléinformatique (on faisait à l’époque la distinction entre les communications entre humains et entre ordinateurs). Nous avions eu droit à un cours assez exhaustif sur ARPANET, et sur les travaux avancés de l’INRIA (qui s’appelait encore IRIA) qui cherchait à formaliser les développements récents en téléinformatique. C’est à cette occasion que j’eus une première description de la modélisation d’un système de communications, et un aperçu du modèle OSI dont la formalisation définitive intervint deux ans plus tard. OSI est l’abréviation de « Open Systems Interconnection », et désigne un modèle qui permet de séparer les fonctionnalités dans un système de télécommunications en « couches » matérielles ou logicielles, chacune remplissant certaines fonctionnalités nécessaires à la communication, de telle manière que l’implémentation d’une couche quelconque puisse être échangée contre une autre implémentation sans que la fonctionnalité de l’ensemble en soit impactée. En pratique, cela permet à votre navigateur Internet favori d’accéder de manière transparente à un site par le biais de votre réseau WiFi domestique ou depuis le train en utilisant votre smartphone comme passerelle de communication. Pour le navigateur, il n’y a aucune différence visible. Pour l’utilisateur, seule une éventuelle dégradation de la vitesse pourra indiquer le changement de média de transmission. Parallèlement à la communauté scientifique européenne, les universités américaines développèrent aussi un modèle de communications en couches, mais beaucoup plus simple, à la manière pragmatique des nord-américains.

L’image ci-dessous a été empruntée au site GURU99, mais on peut aussi consulter la référence sur Wikipédia pour obtenir un descriptif un peu plus exhaustif du modèle. A gauche, on a représenté le modèle OSI tel que défini en Europe, à droite, une correspondance avec le modèle américain; dans le modèle américain, la couche la plus basse (Network Interface) est souvent appelée MAC (Media Access Control), la couche Network est plus connue sous le nom de IP (Internet Protocol), et la couche Transport sous le nom de TCP (Transport Control Protocol).

Pour utiliser une analogie grossière, le problème est assez similaire au processus qui permet l’achat d’une livre de pain chez votre boulanger.

Physical layer : Pour communiquer avec le boulanger, vous utilisez votre organe phonatoire, l’air et vos oreilles. C’est le support physique de la transmission : fil, ondes électromagnétiques, fibre optique, relais satellite, etc…

Data Link Layer : Vous formez des sons qui assemblés, composent des phonèmes et des mots que le boulanger sera en mesure d’interpréter. C’est la segmentation en unités de transmission faciles à gérer et à contrôler.

Network Layer : Il s’agit d’identifier un interlocuteur susceptible de vous vendre du pain et de s’assurer que c’est bien lui qui vous écoute et vous sert. C’est la détermination de la destination et d’un chemin menant à celle-ci.

Transport Layer : Les différents phonèmes que vous avez générés forment une ou plusieurs phrases qui ensemble forment un message; genre : « Bonjour, je voudrais une livre de pain ».

Session Layer : L’ensemble des phrases émises par un requérant et des réponses du destinataire (chacune correspondant au résultat d’une opération de la couche Transport) forment une transaction; par exemple, le dialogue suivant :

  • Bonjour, je voudrais une livre de pain
  • Bonjour, voici votre pain, cela fait 2 Euros
  • Merci, voici 5 Euros
  • Merci je vous rends 3 Euros

Quel que soit le point dans lequel on interrompt cet échange, il y a une perte pour l’un des interlocuteurs; soit le pain n’est pas remis, soit il n’est pas payé, ou alors la monnaie n’est pas rendue : la couche session permet de s’assurer que les quatre messages sont tous transmis et reçus correctement dans l’ordre voulu.

Presentation Layer : Le dialogue ci-dessus pourrait se dérouler entre un client ne parlant que le chinois et un boulanger francophone, une tierce personne jouant les interprètes de fortune, ou les interlocuteurs utilisant des signes suffisamment expressifs ; le contenu sémantique et le résultat ne devraient pas changer pour autant.

Application Layer : Si vous utilisez une carte de crédit, ou avez une ardoise chez le boulanger, il faudra vous authentifier, implicitement ou explicitement, avec une identité (pièce d’identité ou ID électronique), la reconnaissance du boulanger ou un mot de passe.

Chose intéressante, pour acheter une livre de pain, il n’est pas nécessaire de connaître l’identité des protagonistes, sauf si le moyen de paiement le requiert. Si le moyen de paiement est anonyme (monnaie), alors le processus complet peut rester anonyme. Ceci correspond à l’expérience habituelle chez un boulanger chez qui l’on n’est pas forcément connu.

Nous vivons actuellement dans une galaxie régie par le modèle américain (TCP-IP), et il semble bien que cette situation soit appelée à perdurer encore quelque temps. Ceci implique que les couches supérieures (Session, Presentation et Application) ne font l’objet d’aucune définition ni d’implémentation standardisée. Chaque application est libre d’implémenter les services correspondants à sa guise. Les deux modèles ne sont en réalité pas si différents qu’on pourrait le penser de prime abord; simplement, les européens ont voulu modéliser l’ensemble du problème, alors que les nord-américains se sont contentés du problème de l’acheminement de bout en bout des éléments d’information. On l’a vu dans la modélisation précédente, la notion d’identification n’est prévue qu’au niveau de l’application; il s’ensuit, puisque nous sommes dans le modèle nord-américain, que rien n’est prévu dans le protocole de communication pour l’identification des utilisateurs.

Les deux modèles sont axés sur le problème d’ingénierie que représente l’acheminement fiable et sûr de l’information d’un point A à un point B en passant par un réseau arbitrairement complexe de relais de communication et de vecteurs de transmission hétérogènes. Cette problématique d’acheminement est en principe entièrement résolue au niveau Transport (OSI niveau 4, ou protocole TCP dans le modèle TCP-IP) : ce qui vient au-dessus concerne les applications et les utilisateurs. Il est intéressant de remarquer que l’acheminement ne fait aucun cas de l’identité des utilisateurs, sinon par une référence abstraite qui désigne le terminal utilisé (adresse IP ou numéro de téléphone, par exemple). C’est simplement que l’ingénieur n’a aucun besoin de cette identité, le terminal lui suffit amplement; si on désire restreindre l’accès à certains utilisateurs, ce n’est pas, au vu de l’ingénieur, un problème de télécommunications, mais le problème du terminal lui-même. Cela paraît logique et pertinent, mais cela a des conséquences que nous n’avons pas encore fini de subir.

La principale conséquence est que le réseau permet l’anonymat, sans toutefois le garantir. Il est possible, avec un minimum de précautions, de transmettre de l’information de manière raisonnablement anonyme à des personnes que l’on ne connaît pas forcément, simplement en détectant l’adresse d’un terminal auquel ils sont raccordés. Cela permet de protéger l’identité des personnes qui désirent critiquer le gouvernement sans finir leurs jours dans un quelconque goulag en Mongolie Inférieure, et c’est probablement, à ce point de vue, une assez bonne chose. Mais cela peut aussi protéger l’identité de certains harceleurs, ou diffuseurs de fausses nouvelles. Cela permet aussi à un utilisateur pas trop malhabile d’usurper l’identité de quelqu’un d’autre. C’est aussi la porte ouverte à la diffusion de pourriels ou à l’organisation d’arnaques plus ou moins sophistiquées, comme l’arnaque nigériane, par exemple, qui rapporterait, selon diverses sources, des centaines de millions de dollars annuellement aux utilisateurs malveillants (en Côte d’Ivoire, on les appelle des brouteurs).

Le réseau n’imposant pas l’identification des usagers, ce sont les applications qui doivent s’en charger; mais ce n’est pas simple : comment garantir que la personne qui ouvre un compte sur un site quelconque est bien celle qu’elle prétend être ? Ouvrir un faux compte sur Facebook n’est pas excessivement complexe et constitue un problème assez sérieux pour les opérateurs de sites de ce genre. Il en va de même pour le problème assez voisin qui est de vérifier que l’utilisateur d’une information le fait de bonne foi, et non pour nuire à la société : le CEO de META, Mark Zuckerberg, en sait quelque chose après le procès retentissant qu’il a perdu pour avoir permis l’exploitation de données par Cambridge Analytica. Exploitation qui a permis accessoirement à Donald Trump d’accéder au pouvoir, en tous cas, nombreux sont les experts qui le pensent. Ces mêmes mécanismes sont également utilisés pour la diffusion de fake news, qui foisonnent régulièrement en période électorale afin d’influer sur les électeurs en discréditant un candidat paraissant indésirable à un groupe industriel ou à un état malveillant. Si on ajoute à toutes ces opportunités de nuire impunément la gratuité des services de base (dont j’ai déjà parlé précédemment), Internet est un réel paradis pour les utilisateurs malveillants.

Il n’est pas certain qu’un accès au réseau authentifié permette d’éviter tous ces inconvénients; mais la fraude en serait à tout le moins rendue beaucoup plus complexe. Et certaines activités seraient du coup rendues plus sûres et plus faciles à réaliser.

Mais quels eussent été les prérequis, dans les années 1980, pour l’intégration de l’identité de la source dans les protocoles de communication ? Cela eût-il été possible ?

La réponse n’est pas forcément évidente à donner; il n’est d’ailleurs même pas certain que cela soit possible de nos jours. En prérequis, il est nécessaire de disposer d’une identité électronique. En 1975, cette exigence représentait techniquement une gageure; sa réalisation eût probablement retardé le déploiement d’Internet de plusieurs années : ni les connaissances théoriques (le chiffrement RSA, par exemple, date de 1983), ni les implémentations mathématiques, ni la puissance des processeurs n’étaient disponibles à l’époque. Actuellement, cette exigence serait vraisemblablement difficile à faire accepter aux utilisateurs, alors même qu’il semble compliqué de simplement définir une identité électronique fiable et ayant un caractère universel, même si techniquement, cela ne représente plus un problème insurmontable. De plus, comme il s’agit d’un prérequis global au niveau de la planète, on peut être raisonnablement certain que l’unanimité ne serait pas aisée à réaliser, et s’attendre à ce que nombre d’états s’opposent à une telle exigence.

Plus préoccupant, soumettre toute unité de communication à une identification électronique coûte très cher. Implémenter ceci au niveau IP (transmission de paquets élémentaires) implique une identification de l’utilisateur pour chaque paquet de données transmis, soit, techniquement, une redondance et un surcroît de traitement immense : il faut savoir que cette opération entraîne, dans l’état actuel de la technique, une algorithmique non triviale, impliquant de la cryptographie complexe. Implémenter l’identification au niveau 4 (Transport) serait certes moins lourd, mais outre le fait que nombre d’applications n’utilisent pas le niveau transport, il est des applications qui ne nécessitent pas d’identification, comme par exemple la consultation d’un horaire de chemin de fer, ou la lecture des prévisions du temps, voire encore la consultation de cet article. A quoi bon imposer une identification dans ces cas particuliers ?

On en conclut que le modèle OSI que nous avons très succinctement introduit plus haut n’est pas injustifié : l’identification des utilisateurs est un problème lié à l’application, pas à la communication. Nous n’avons en revanche pas adopté le modèle OSI, mais sa contrepartie américaine simplifiée. Il n’existe donc pas de « standard », ni au niveau de la définition, ni au niveau de l’implémentation, pour les trois couches supérieures du modèle, donc pour les services de Session, de Présentation et d’Application. Sans couche Application, pas de standard pour l’identification des utilisateurs, et c’est à chaque application d’implémenter sa propre cuisine en fonction de ses besoins. Ainsi, les banques en Suisse ont adopté pour la plupart un schéma basé sur un intelliphone qui sert aussi de dispositif d’acquisition pour les codes QR de facturation; les assurances, de leur côté ont opté pour un système basé sur un code dynamique, un TAN (Transaction Authentication Number) transmis par intelliphone. Mais ces deux acteurs n’ont qu’à identifier des utilisateurs connus, alors qu’un acteur comme Facebook doit aussi définir de nouveaux utilisateurs, et c’est le plus souvent à ce niveau que les fraudes apparaissent.

Pourquoi le modèle nord-américain, basé sur TCP-IP, s’est-il imposé ? Tout simplement parce qu’il avait l’avantage d’exister, et d’être déjà déployé au niveau de certains pays, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et une entreprise comme Cisco Systems avait pu déjà inonder certaines entreprises de routeurs IP bon marché; par contraste, les implémentations européennes basées sur le mode de transfert asynchrone ATM étaient loin de connaître un tel développement. En 1995, les fabricants d’ordinateurs portables avaient besoin d’un standard mécanique pour connecter les « laptops » au réseau informatique : ils ne désiraient pas devoir introduire des cartes réseau interchangeables, coûteuses et aux connecteurs fragiles. La norme de connecteurs RJ45 convenait parfaitement aux constructeurs comme HP, COMPAQ, Apple et autres qui favorisèrent en conséquence l’implantation des protocoles de la famille IP dans les administrations et les entreprises. Que ce soit pour des raisons économiques, ou par manque de clairvoyance, ou encore pour des raisons moins avouables, les politiciens européens ne tentèrent pas, à l’époque, d’influencer ces choix, ce qui provoqua, à terme, la ruine des télécommunications en Europe (Siemens, Ericsson, et surtout Nokia).

Refaire l’histoire n’a jamais amené grand-chose de positif, mais Internet eût-il été « meilleur » si un modèle à 7 couches fonctionnelles avait été introduit et implémenté ?

Une couche Session, au-dessus de TCP-IP, permettrait de garantir l’intégrité de toute transaction; ceci permettrait de remplacer, par exemple, les fameux cookies qui nous empoisonnent l’existence lors de la consultation de sites web, et accessoirement permettent un traçage de nos activités parfois à la limite du raisonnable.

Une couche Presentation, permettrait de normaliser la présentation de l’information à destination de personnes de langues différentes, ou présentant une déficience physique (malvoyance, incapacité d’utilisation d’un clavier, etc…)

Et la fameuse couche applicative permettrait, entre autres services, d’implémenter la notion d’identification, de manière unique et sécurisée. Dans le cas idéal, on pourrait même renoncer aux mots de passe, dans la mesure où une identité électronique universelle et fiable est disponible. Oui, bon : là, on est un peu dans le domaine de la science-fiction, car le problème n’est plus technique, mais politique et économique, voire un problème de société.

Malheureusement, il me semble peu probable qu’une telle évolution ait lieu dans un proche futur; on continuera encore longtemps à douter de l’identité réelle de l’expéditeur de ce courriel qui vous promet dix millions d’euros simplement en cliquant sur un lien proposé dans le corps du texte. Si des lois peuvent à court terme avoir un effet dissuasif sur certains, les vrais criminels continueront de sévir, certains de leur impunité.


Qui c’est ? C’est l’plombier, bien sûr, mais à l’instar du célèbre sketch de Fernand Raynaud, si Mikaela Shiffrin veut savoir qui est vraiment le plombier derrière la porte, elle va au-devant d’une longue procédure juridique et d’une enquête compliquée, sans garantie de succès.


C’est plus de la photo !

Je discutais il y a quelque temps avec un ornithologue amateur chevronné, et plus généralement un passionné de vie animale avec lequel j’avais eu le privilège de parcourir le parc Krüger il y a quelques années; il m’expliquait qu’il avait arrêté de faire de la photo lorsque les appareils numériques étaient apparus. J’avais eu l’occasion de voir certaines de ses prises de vue argentiques, qui étaient de grande qualité, et lorsque je me suis permis de m’étonner de sa décision, il m’expliqua de manière fort péremptoire que : « La photo numérique, tu peux tout faire avec l’ordi, bidouiller comme tu veux, recadrer, retoucher, c’est plus de la photo ! Ca ne m’intéresse plus. »

Le ton était si catégorique que je n’ai pas insisté, comprenant que cela pourrait s’envenimer si je me mettais à argumenter différemment. Mais je n’en pense pas moins, et j’ai tout de même fait quelques photos qu’il n’a pas jugé bon de commenter de manière par trop négative. Il est vrai que je ne suis pas photographe animalier (si tant est qu’un amateur puisse se targuer du substantif « photographe », bien sûr) , et que lorsque je photographie un animal, c’est plus le contexte et le ressenti de l’image globale que la mise en évidence du sujet qui m’intéresse. Lorsqu’il faisait de la photo argentique, mon interlocuteur se focalisait sur le sujet, préparait son piège ou son affût longuement à l’avance, cassait les branchettes gênantes, préréglait son appareil éventuellement posé sur un trépied, et ensuite comptait sur ses réflexes et sa connaissance des habitudes de l’animal pour déclencher au moment le plus esthétique. Il avait une bobine de 36 vues 35mm, ou un rouleau de 200 vues chargé, et quand il avait exposé l’intégralité de sa pellicule, il devait opérer le changement, une manipulation non triviale dans un affût.

Par contraste, les photographes animaliers modernes utilisent des boîtiers qui sont de véritables usines à manipuler des pixels, qui font la mise au point quasi instantanément et sont capables de suivre le sujet en déplacement, même rapide. Ils peuvent opérer en rafale (jusqu’à 50 images par seconde, voire davantage), parfois en anticipant le déclenchement, et en prenant encore des vues après le déclenchement, ce qui permet de choisir l’instant optimal parmi plusieurs dizaines d’instantanés, à posteriori, tranquillement installé derrière son écran d’ordinateur, Si il y a une branche un peu gênante dans le cadre, il est possible de l’éliminer après coup à l’aide de logiciels spécialisés. Les cartes mémoire modernes peuvent accepter des milliers de prises de vues en haute définition, quand l’appareil photo ne se connecte pas à un disque portable (ou même au cloud) installé à l’abri et au chaud dans la poche du photographe ou dans un boîtier séparé. Ces nouvelles possibilités doivent elles être rejetées simplement parce qu’elles apportent un confort et des opportunités inconcevables avec le matériel d’antan ?

Il suffit d’écouter l’un des meilleurs photographes animaliers du moment, Vincent Munier. Lors d’une expédition en Arctique, où il a réussi quelques remarquables vues du loup arctique le photographe s’est rendu seul avec son matériel photo et son équipement de survie (une pulka et un sac lourd et volumineux) dans le désert gelé de l’Arctique et en est revenu, après un long séjour en autarcie, avec des dizaines de milliers de photos. Il raconte avoir, dans un moment privilégié, effectué 3000 prises de vues en à peine une heure ! Il est vrai que ce résultat est pratiquement impossible à obtenir avec du matériel argentique, sauf à utiliser de la pellicule cinéma et du matériel correspondant. Mais bon : « ce n’est plus de la photo« … Corollaire : le meilleur photographe animalier du moment n’est -du moins selon certains points de vue – pas un photographe.

C’est vrai que Vincent Munier « bidouille » probablement ses photos, à l’instar de la plupart des photographes utilisant du matériel numérique. Je ne connais pas ses techniques, mais je suppose qu’il aime, comme d’autres, accentuer les ambiances en jouant sur les contrastes et en estompant certains détails qui pourraient nuire à ce qu’il désire exprimer. Des logiciels comme Adobe Lightroom ou DxO Photolab excellent dans ce genre de tâches.

Thomas Delahaye, par exemple, a interprété une image de deux chamois (celle de gauche sur la vingt et unième ligne de la référence web) pour accentuer le caractère hivernal de leur habitat du moment.

Il a certainement dû, pour parvenir à ce degré de graphisme, gommer certains détails qui auraient pu troubler la lecture de cette photo, et jouer sur les contrastes pour obtenir l’effet graphique souhaité. C’est ce qui fait dire à mon ornithologue amateur que « Ce n’est plus de la photo ». Pourtant, pour ce qu’il me souvient de l’époque où je faisais des agrandissements dans ma salle de bains, il est aussi possible de « bidouiller » une prise de vues argentique en masquant certains détails lors de l’agrandissement; mais c’est vrai que c’est moins facile.

Peu importe, finalement : l’important, dans la photographie, à mon sens, est l’ensemble des choses que l’on communique à travers une prise de vues. Car photographier, cela peut être se fabriquer un souvenir, mais c’est surtout partager un instant -qui nous semble privilégié- avec d’autres. Dans cette optique, transmettre les émotions et les sentiments que la scène a inspirés au photographe est important, et s’il faut pour cela recadrer légèrement, ou accentuer quelque peu un contraste ou une saturation de couleurs, cela me paraît non seulement légitime, mais éminemment souhaitable. Et lorsqu’un nouvel outil permet de faire mieux, alors cet outil est justifié. Point barre.

En revanche, et là j’aurais tendance à abonder dans le sens de mon ornithologue amateur, de nombreuses applications permettent actuellement d’incruster des photos de personnages dans des scènes où ils ne figurent pas à l’origine; ceci a permis (et incitera de plus en plus dans le futur) à fabriquer de faux « témoignages », particulièrement difficiles à identifier comme tels . De longues années durant, une photographie a fait office de preuve juridiquement recevable; ce n’est plus le cas désormais. Mais ce n’est pas une utilisation qui me concerne personnellement; et ce n’est pas non plus un sujet de préoccupation de mon ornithologue amateur, à ma connaissance du moins.

Je persiste donc à retoucher -avec toute la parcimonie nécessaire – mes prises de vue dans l’optique d’une meilleure mise en évidence de l’impulsion qui m’a poussé à prendre la photographie. Je laisse ceux qui voient ces images juger si ma démarche est justifiée ou excessive. Et tant pis pour les pisse-froid qui voudraient me culpabiliser pour cela.

Cher activiste…

d‘Extinction/Rébellion, de Renovate Switzerland ou autre organisation voulant persuader la société de faire des efforts dans le domaine écologique, je respecte sincèrement vos préoccupations et vos motivations, que je partage pour la majeure partie d’entre elles. Certains d’entre vous sont des personnalités scientifiques de premier plan, professeurs d’universités, prix Nobel même, coauteurs du sixième rapport du GIEC, et à ce titre parmi les personnes les mieux placées pour alarmer la population sur l’état déplorable de la planète et l’urgence qu’il y a de « faire quelque chose ». Je partage pleinement vos convictions, même si je suis loin de pouvoir me targuer d’une compréhension aussi précise que la vôtre des problèmes que vous soulevez et de l’urgence que vous dénoncez.

Mais je reste extrêmement dubitatif quant à l’efficacité des moyens que vous utilisez pour faire adhérer les citoyens et les dirigeants politiques à vos idées. J’ai déjà eu l’occasion, par le passé, d’exprimer mes doutes face à l’action consistant à se coller les mains au bitume pour exprimer ses idées, ou à crever des pneus de SUV pour fustiger les propriétaires. Je ne crois pas qu’un tel activisme soit constructif, ni même utile à la cause écologique : il ne suffit pas de faire parler de soi dans les médias pour rendre la cause que l’on veut défendre populaire. Bien sûr, c’est là l’avis d’une personne bien moins compétente que vous sur le plan de l’écologie, et de surcroît plutôt genre vieux con (même s’il m’arrive de croire le contraire), surtout par rapport à de jeunes et brillants scientifiques (ou confirmés, pour d’autres) comme certains d’entre vous. Mais permettez moi tout de même de développer quelque peu…

Je suis également partagé à l’idée de créer un parti politique pour défendre les idées écologistes. D’ailleurs, en Suisse, on en a crée deux (Les Verts et les Vert’libéraux); mais le discours est-il deux fois plus explicite pour autant ? Je crains plutôt que cela n’ajoute à la confusion que peuvent éprouver certains ! Donc je ne crois pas forcément à l’action politique directe non plus; une autre justification pour cette opinion est que l’écologie est l’affaire de tous, pas de la droite, ni de la gauche, ni du centre. Pire, un parti implique une certaine exclusivité. Un chef d’entreprise aux idées libérales mais possédant une conscience écologique affirmée doit-il voter PLR ou Vert’libéraux ? Un travailleur social convaincu mais amoureux de la nature et conscient des dangers qu’on lui fait subir doit-il voter PS ou Vert ? Certes, « c’est la confrontation  avec les autres qui vous permet de dévoiler toutes  vos  facettes » (Björk), mais une confrontation doit-elle nécessairement déboucher sur une opposition politique ? Imposer un choix n’est pas forcément une bonne solution, car cela fait perdre des voix à l’un ou l’autre parti. Ben oui, me direz vous, c’est le principe de la démocratie ! Juste, mais si l’écologie est le problème de tous, alors c’est l’écologie qui semble, statistiquement du moins, être le principal perdant dans le processus, puisque tous sont concernés mais que des voix seront perdues dans toutes les mouvances politiques.

Mais alors, me direz vous : que suggérez vous ?

Je reste toujours étonné du relatif silence des activistes écologiques sur les médias dits « sociaux ». Oh, bien sûr, ils utilisent les réseaux comme Facebook ou What’s App pour échanger des idées entre eux, et organiser leurs meetings « mains collées » ou similaires; mais ils restent assez discrets en dehors de leur sphère propre, là où justement il s’agirait de gagner de nouveaux convertis. Pour nombre d’entre vous, l’écologie est une affaire d’écologistes, avant tout; ce qui a pour effet de diffuser un certain sentiment d’exclusion pour les non-initiés. On ressent souvent l’impression que vous êtes « ceux qui savent », et que les autres devraient réagir immédiatement dans le sens que vous indiquez; d’ailleurs, vos actions vont dans ce sens-là : vous cherchez à forcer la main à la société pour qu’elle aille dans le sens où vous pensez – à raison, sans doute – qu’elle doit se diriger.

Malheureusement, vos arguments peinent à convaincre les professionnels qui font face à des problèmes pratiques auxquels vous ne proposez pas de solution (et pour cause, vous n’êtes pas dans la même problématique). Un paysan affilié à l’UDC écoutera certainement plus volontiers son collègue de parti qui fait face à des problèmes similaires à quelques kilomètres de sa propre ferme, plutôt que d’écouter une scientifique aussi brillante soit-elle, et aussi pertinent que soit son discours, sortie d’une université qu’il ne connaît que par ouï-dire. Un directeur de banque sera plus réceptif aux dires de son concurrent (membre du PLR) de la banque d’en face, à l’apéro dinatoire de fin d’année qu’à la diatribe d’un militant de Extinction/Rébellion qui voudrait le voir bloquer les investissements de son institut bancaire chez TotalEnergies. Vous vous adressez aux politiciens et vous vous plaignez qu’ils ne font rien ? Adressez vous aux êtres humains en premier lieu : ce sont eux qui, dans nos démocraties, font les politiciens; ce sont eux aussi qui sont (ou devraient être) les premiers concernés par les catastrophes qui nous menacent : c’est donc, à mon sens, à eux qu’il convient de parler. Les politiciens élus ne prendront guère de décisions qui pourraient sembler impopulaires à leurs électeurs ou contraires à leurs intérêts; en tous cas, je vois assez mal monsieur Rösti pénaliser les énergies fossiles, cela ressemble à l’action de se tirer une balle dans le pied.

Dénichez donc quelques chefs d’entreprises ayant une conscience écologique, et persuadez les de rouler pour l’écologie. Pas pour vous, mais pour leurs enfants, pour leur planète ! Que chacun d’eux reste affilié au PLR, mais que son discours devienne plus « éco conscient », au sein de son propre parti; sans doute aura-t-il de meilleures chances que vous de persuader ses pairs, et avec des arguments plus pertinents que tout ce que vous pourriez mettre en avant. Trouvez un paysan intelligent (cela existe, et c’est facile à trouver, je vous assure) qui se rend compte qu’il va dans le mur. Encouragez le à converser avec ses collègues affiliés à l’UDC : il y a de bonnes chances qu’il parvienne, bien mieux que vous, à persuader nombre de collègues, sinon à l’adhésion à vos opinions, du moins à une saine remise en question des certitudes acquises. Et les opinions émises à la base d’un parti vont rapidement remonter vers la direction, dans la mesure où un nombre significatif d’individus s’accordent sur le message : c’est le principe même de la démocratie telle que nous la connaissons en Suisse, mais aussi ailleurs en Occident.

Mais, me direz vous, comment trouver ces perles pas si rares que ça ? Et comment les inciter à rouler pour l’écologie? En fait, c’est un problème qui a déjà été résolu, et il passe par ces fameux réseaux sociaux. Donald Trump n’aurait jamais dû entrer en fonctions le 20 janvier 2017. Il a été élu par une manipulation de l’opinion américaine utilisant les réseaux sociaux, justement. Le procédé est similaire à celui utilisé par Matteo Salvini qui a engagé une équipe d’informaticiens pour influer sur les opinions de vote. Cela fait plusieurs années d’ailleurs que les élections, dans nos démocraties, sont perturbées par des scandales annoncés quelques mois avant les élections. Un hasard ? Si le mot « hasard » a pour synonymes Poutine, MBS, Xi ou Kim, alors oui, c’est le hasard. Et il y a d’autres synonymes que j’omets, que j’oublie ou que j’ignore.

Mais peut-être que je vous choque en vous suggérant d’utiliser les mêmes outils que ces personnages plutôt sulfureux ? Vous avez raison, je réprouve l’utilisation de ce genre d’outils, et je me considère comme un connaisseur de par ma formation et mon cursus professionnel. Mais je réprouve aussi la maculature d’œuvres d’art dans les musées, entre autres : si vous voulez jeter de la sauce tomate sur une œuvre que vous ne considérez pas comme pérenne, alors choisissez plutôt MBS ou un de ses acolytes comme cible, ce sera plus constructif. Accessoirement, plus rigolo; et plus difficile aussi, voire plus dangereux, mais bon… Ces moyens, pour discutables qu’ils soient, ne sont pas illégaux; et correctement utilisés, fondés sur un argumentaire de qualité comme celui que vous défendez, ils me semblent plus raisonnables que se coller les mains à l’asphalte en attendant que des fonctionnaires de police viennent vous libérer. Par ailleurs,, alors que les Trump ou autres Poutine utilisent la désinformation pour leurs actions, vous pouvez vous offrir le luxe de ne présenter qu’une information parfaitement véridique et authentique ! Vos rangs regorgent de personnes supérieurement qualifiées, en informatique pour infiltrer les réseaux sociaux, en écoles d’art pour concocter des clips de qualité professionnelle, en marketing pour optimiser l’impact d’un message et que sais je encore : pourquoi n’utilisez vous pas mieux les compétences dont vous pouvez disposez ? Les personnes qui pourraient vous apporter leur aide ne sont pas forcément membres actifs de vos mouvements, parfois jugés trop radicaux; mais ils ne demanderaient pas mieux que s’investir pour une cause qu’ils estiment légitime. Les contacter au travers des réseaux sociaux constitue aussi une méthode assez simple et efficace de les recruter.

Il y a un autre avantage à utiliser les réseaux sociaux comme arme dans ce genre de combat. Bloquer le Pont Bessières à Lausanne n’a que peu d’impact en dehors de la Suisse, voire de la Suisse Romande, si tant est qu’il y ait un impact significatif dans le pays. Internet en revanche ne connaît que peu de frontières; à l’époque Greta Thunberg l’avait compris, mais pour nombre de raisons qu’il ne m’appartient pas de chercher à analyser, elle n’a pas jugé opportun de pousser le fragile avantage qu’elle avait su se procurer. Il me semble possible de faire mieux; des personnes de votre qualité peuvent mobiliser des chercheurs dans les universités, les écoles polytechniques, les hautes écoles, pour initier un vaste programme de propagande sur les réseaux sociaux. Il s’agit d’infiltrer les réseaux des principaux partis politiques pour inciter certains membres à promouvoir des solutions allant dans le sens de vos aspirations. Identifier ces membres est un problème que les spécialistes en data mining peuvent résoudre sans difficultés excessives : du moins, la méthodologie menant à la solution est connue et éprouvée. Il n’y a pas que les informaticiens de Saint-Pétersbourg qui soient en mesure d’exploiter ces méthodes.

Peut-être n’est-ce pas une bonne idée, ou peut-être l’avez-vous déjà expérimentée en pure perte. Mais je m’étonne alors de ne jamais en avoir entendu parler, Je ne crois pas que la contestation directe puisse influencer à brève échéance la politique du DETEC dirigé par M. « Ölbert » Rösti, par exemple. Et je ne crois pas non plus que l’action politique d’un parti « Vert » puisse y parvenir. En revanche, certains chefs d’entreprises, agriculteurs et investisseurs ont déjà, spontanément, adopté une attitude éco-consciente; il suffit peut-être de peu d’efforts pour que leur nombre augmente de manière significative, assez pour que les dirigeants politiques ne puissent plus repousser l’examen du problème aux prochaines élections.

Le petit chaperon rouge 2.0

– Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
– C’est pour mieux te manger

Tout le monde connaît cette histoire, je suppose, du moins au sein de la francophonie. Charles Perrault a immortalisé le « petit Chaperon Rouge » dans ses « Contes de ma mère l’Oye » au dix-septième siècle. J’ai pour ma part subi le récit (avec « Le chat botté », « La Barbe Bleue », « La Belle au Bois Dormant » et d’autres) à l’époque où j’apprenais péniblement à déchiffrer un texte écrit. Admettons que l’intrigue n’est actuellement plus très crédible, même à l’égard d’enfants en bas âge. Pour confondre un loup, même déguisé, avec une grand-mère, il faut avoir la vue singulièrement basse, avoir oublié ses lunettes, et de plus subir une panne d’électricité dans la pièce obscure. Et puis, je n’ai jamais entendu s’exprimer un loup (hormis quelques hurlements dans l’un ou l’autre film de nature), mais je suppose qu’il doit être difficile de confondre son élocution avec celle d’une personne de grand âge, aussi chevrotante que soit devenue la voix de cette dernière.

Non, monsieur Perrault, en dépit de votre célébrité, certains de vos contes ne me paraissent plus vraiment d’actualité, et mériteraient d’être quelque peu revisités; la bonne nouvelle, c’est qu’il y a des gens qui y travaillent. Bon, on peut discuter de la qualité des propositions, mais l’important, c’est de participer, n’est-ce pas ?

Par exemple, une histoire concoctée par un groupe d’auteurs (que je crois conseillés par le faisandé M. Reblochon, le seul acteur qui pourrait jouer aussi bien le rôle du loup que celui de la mère-grand dans le conte original de Perrault) relate un conte de fées où, au nom de la neutralité, un Etat refuse toute participation à la défense de ses voisins en cas d’attaque (genre démerdez-vous avec Poutine, les gars; nous on s’occupe du Fendant cuvée 2030), mais compte absolument sur l’intervention de ces mêmes voisins lorsqu’il est lui-même agressé. La solidarité à sens unique, en quelque sorte. Comment dites vous ? Aussi invraisemblable que l’original ? Peut-être, mais dans cette histoire, il n’est pas nécessaire de déguiser le loup. Ceci dit, je vous accorde que le conte de fées est très médiocre et de mauvais goût.

Une autre ? Ca se passe dans le même Etat, qui veut absolument réaliser une transition énergétique vers des sources d’énergie non fossiles. Comment faire ? Une fée plutôt malveillante initie, d’un coup de baguette magique, le changement du responsable de l’environnement et de l’énergie en éliminant de manière discutable le préposé actuel. Dans la foulée, la fée vire aussi le ministre des Finances, mais pour celui-là, on s’en fout un peu, sa démission étant le seul acte constructif que l’on puisse lui attribuer a posteriori. Pour remplacer le ministre de l’Energie, on choisit un personnage qui est un des principaux défenseurs des énergies fossiles (D’ailleurs, certains l’appellent Ölbert Rösti) ! Même si le ministre fraîchement élu ne va pas saboter complètement les efforts de transition énergétique, il ne va pas non plus pénaliser les sources fossiles qui alimentent son compte en banque. L’histoire paraît à peu près aussi vraisemblable que l’original; mais elle reste assez cohérente : il y a même les galettes et le pot de beurre…qui restent du début à la fin dans la poche de M. Rösti.

La transition énergétique a d’ailleurs inspiré nombre d’autres auteurs, mais ce sont souvent des contes de fées « catastrophe » (peut-être est-ce l’époque qui veut qu’il y ait davantage de fées Carabosse que de fées Marraine en activité ?) : qu’on en juge sur ce troisième exemple, qui se passe toujours dans ce même Etat. Il relate le destin tragique d’un gouvernement qui croit bien faire (Le petit chaperon rouge qui amène des galettes, etc) mais qui se plante et finit lamentablement (le loup CO2 qui finit par tout bouffer, enfin l’histoire n’est pas terminée). Suite à une catastrophe organisée par la méchante fée Fukushima Tsunami, on renonce à l’énergie nucléaire, mais une autre fée un peu simplette, Doris Lagaffe-Leuthard, omet de prévoir un remplacement. Zut, quelle étourdie, celle-là ! Enfin, bon, chacun peut avoir un instant de distraction, non ? Un peu après, le sorcier diabolique Poutine fait des siennes, et cela coupe le gaz à l’Etat en question. Un autre sorcier, débonnaire mais carrément demeuré (bien qu’agissant avec l’appui franc et unanime de ses collègues), a entretemps coupé les ponts (fragiles, il est vrai) avec les voisins qui auraient pu lui venir en aide. Devant la probable pénurie de gaz, et poussé par un sain souci écologique de limitation de production du CO2, on incite le peuple ignorant à se convertir à l’adoration de la fée Electricité, si bonne et si généreuse. Las, cette dernière est un peu fatiguée, trouve qu’on lui en demande trop en ne lui offrant pas assez, et menace de se mettre en grève. « Vous me branchez des pompes à chaleur, vous me connectez des bagnoles électriques pourries qui consomment un max, ça me suce les sangs tout ça ! » qu’elle dit tout de go. Pour essayer de l’amadouer, on construit en hâte des centrales solaires, on remet en exercice des centrales à charbon qui polluent beaucoup plus que le gaz du sorcier Poutine, on propose des génératrices diesel, et beaucoup d’autres « solutions » tout aussi polluantes de ce genre. C’est à ce moment que l’on s’aperçoit que l’on n’a pas prévu les moyens de transport de toute cette énergie vers la bonne fée. Encore raté, damned ! Et pour couronner le tout, la méchante (très) fée COVID a gravement perturbé les circuits de distribution à l’échelle mondiale : les naïfs qui ont installé des panneaux solaires ont toutes les peines du monde à les raccorder pour cause de manque de composants électroniques (les onduleurs, en l’occurrence). Quel mauvais scénario ! On peut le dire déjà maintenant, alors même que le conte n’est pas encore finalisé : cette histoire ne tient pas debout.

J’arrête, de peur de vous lasser. Il y aurait le petit chaperon rouge et la défense aérienne (pas terminé ce conte là), le petit chaperon rouge visitant mère-grand à l’hôpital et recevant ensuite la facture du séjour… Bref, j’arrête.

Finalement, le scénario de Charles Perrault ne me semble plus si vieillot que cela. Et ce que je sais des autres auteurs me semble encore moins vraisemblable que ce que nous a légué le célèbre conteur du dix-septième siècle. Mais les nouveaux ont l’avantage de l’actualité… Qui a dit « C’est la réalité« , là-bas au fond de la classe ? Moi, je vous parle d’un conte, mais je ne prétends pas qu’il soit bon.

Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Ce souhait n’est pas un conte de fées.

Eco sceptiques

Il y a quelques jours, j’étais chez des amis, et un article dans un magazine consacré à l’automobile ouvert sur la table du salon a attiré mon attention. Son intitulé était « A contresens sur l’autoroute de la pensée unique« . Pour l’essentiel, il contenait une interview d’un professeur des universités français, M. Yves Roucaute, qui niait les causes humaines du réchauffement climatique, et qui minimisait les risques de pénurie d’énergies fossiles à l’avenir. Il dénonçait en outre des intentions anti-démocratiques de la « dictature verte », et les atteintes à la liberté individuelle dont les mouvements écologistes se rendaient selon lui coupable. Il a écrit entre autres ouvrages « L’obscurantisme vert.  La véritable histoire de la condition humaine« , éditions du Cerf, 2022.

Le discours m’a intéressé, pas du tout pour les opinions qu’il défendait, mais par son appartenance à cette mouvance éco sceptique qui ne fait pas énormément de bruit, mais qui reste toujours sous-jacente et bien représentée dans l’opinion publique. Beaucoup de décideurs, et non des moindres, tendent à se retrouver dans ce genre de discours, même si le plus souvent ils rechignent à l’admettre en public. De fait, ce monsieur est loin d’être isolé dans ses opinions; même si l’on peut mettre en doute ses compétences en climatologie (il est professeur de philosophie et de droit, et a été conseiller technique dans plusieurs ministères), le nombre de scientifiques éco sceptiques est relativement conséquent, comme tend à l’indiquer cette liste des scientifiques qui ne croient pas aux causes humaines du réchauffement climatique.

La liste en question n’est probablement pas exhaustive, et contient par ailleurs quelques références discutables, à l’exemple de Claude Allègre, qui traîne une réputation sulfureuse en matière scientifique, notamment pour ses prises de position discutables à l’époque des scandales liés à l’amiante. On y trouve aussi M. Didier Raoult, le microbiologiste ayant proposé un traitement pour le moins controversé à base d’hydroxychloroquine pour le traitement du Covid-19. Mais il y a aussi des noms accompagnés d’un pedigree (pardon, d’un curriculum vitae) impressionnant : comment peuvent ils nier ce qui semble pourtant constituer une évidence scientifique ?

En réalité, la démarche scientifique ne laisse que peu de place à la notion d’évidence; c’est ce qui fait sa plus grande force, mais c’est aussi sa faiblesse. Alors qu’un argument basé sur une croyance ne supporte aucune contradiction (comment contredire un créationniste, qui postule qu’il a raison a priori ?), un argument scientifique est par nature contestable, et toute démarche scientifique doit l’être. Et même lorsqu’une série de faits semble parfaitement avérée, un fait nouveau peut survenir qui va profondément modifier la donne et bousculer ce qui apparaissait jusqu’alors constituer une certitude. C’est particulièrement vrai dans le cadre de l’étude de systèmes très complexes, où les modèles mathématiques sont par nécessité incomplets et contiennent des lacunes où la contestation a beau jeu de s’insinuer. Et si l’on parle de systèmes complexes, quoi de plus difficile à appréhender que la climatologie d’une planète comme la Terre ?

Il est donc licite qu’un scientifique éco sceptique mette en doute les causes humaines du dérèglement climatique, même si ses théories vont à l’encontre des affirmations de la plupart de ses collègues; et les arguments qu’il va présenter pour étayer ses théories devront être réfutés par ses adversaires, ce qui va renforcer finalement les arguments des climatologues et démentir ses allégations, ou au contraire infirmer gravement la théorie en vigueur défendue par les experts climatologues, conduisant ainsi à terme à une révision en profondeur du modèle. Ce genre de contestation scientifique est nécessaire aux progrès de la science : une science qui n’aurait pas de contestation s’apparenterait fort à une religion et de ce fait n’aurait plus droit à l’appellation de science, justement. Bon nombre de scientifiques éco sceptiques sont des chercheurs tout à fait honnêtes, qui doutent du bien-fondé des hypothèses sur lesquelles sont basés les modèles sur lesquels se fondent la grande majorité des climatologues actuels, dont les membres du GIEC. Mais la réciproque n’est à l’évidence pas vraie : il ne suffit pas de douter pour être un scientifique, et ce ne sont pas les distinctions prestigieuses qui valident une théorie, aussi commode soit-elle.

Quant aux personnages comme M. Yves Roucaute, ils font souvent montre d’un profil similaire : carrière riche de titres plus pompeux qu’efficaces qui leur confèrent une certaine respectabilité, âge qui implique un avenir plus orienté vers la retraite que vers la promotion professionnelle, compétences déclinantes… Ce genre de personnage ne risque plus grand-chose à endosser une cause douteuse, dans la mesure où cette implication lui assure une retraite dorée dans une villa de luxe au bord de la mer, le tout financé par un grand groupe pétrolier en échange de quelques ouvrages de désinformation. Désinformation sur le tabac, la pollution électromagnétique, la responsabilité des énergies fossiles dans le dérèglement climatique… Même combat, mêmes solutions.

Pour la destination de sa retraite dorée, je conseillerais bien à monsieur Roucaute The Pearl, à Doha (Qatar). Je crois avoir ouï dire qu’il y avait encore des disponibilités à l’adresse suivante (Je vous rassure, je ne parle pas arabe, mais Google, oui) :

En français, on pourrait traduire ça par « rue des Corps Rompus ». Il devrait y trouver des voisins francophones; peut-être M. Gianni Infantino ?