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e-Zorro

Vous connaissiez le terme de Scambaiting ? Je ne le connaissais pas, jusque très récemment. L’activité consiste à tracer le comportement d’arnaqueurs informatiques pour les empêcher de nuire, et éviter aux potentielles victimes des pertes d’argent parfois considérables.

Sous sa forme la plus simple, le scambaiting consiste à se poser comme potentielle victime et ainsi accaparer le temps de brouteurs ou d’escrocs au faux support technique. Sous sa forme la plus élaborée, il consiste à identifier et à dénoncer l’escroc informatique, et aussi à prévenir les préjudices en informant à temps les victimes potentielles de l’escroquerie.

Des justiciers des temps modernes, direz-vous? Apparemment oui; sauf que leur activité est totalement illégale, selon la loi de la plupart des pays d’Europe et aux Etats-Unis. Pour identifier un escroc informatique, il faut utiliser des moyens qui sont réservés par la loi à l’usage de la police, mandatée par une décision judiciaire. Mais une décision judiciaire ne peut intervenir qu’après un dépôt de plainte, donc après le préjudice; et de plus, une telle plainte n’a pratiquement aucune chance d’aboutir, car l’action de justice associée devrait se dérouler sur la scène internationale, ce qui rend toute intervention démesurément complexe et soumise à d’innombrables décisions de la part de tous les états concernés, en supposant que ceux-ci acceptent de collaborer. De fait, les croque-escrocs soignent particulièrement leur anonymat. Des justiciers masqués, en quelque sorte.

Ainsi, un « croque-escroc » qui dénonce un véritable escroc peut être poursuivi par la loi de la plupart des pays démocratiques pour utilisation de moyens illicites en vue de l’extorsion de données. Un croque-escroc qui dénonce un escroc prend beaucoup plus de risques pour lui-même qu’il n’en fait courir à l’escroc qu’il dénonce.

Nous sommes bien conscients que laisser Pierre, Paul, Jacques ou Jean faire la justice eux-mêmes ne constitue pas une solution viable à la cyber-criminalité, contre laquelle les lois existantes restent confinées à des frontières qu’Internet ne connaît pratiquement plus. Mais condamner lourdement des gens parce qu’ils dénoncent des méfaits coûtant des milliards à la société et mettant des personnes souvent fragilisées sur la paille constitue-t-il une attitude raisonnable ?

J’ai bien aimé regarder Guy Williams (puis beaucoup d’autres) incarner Zorro, le justicier masqué hors-la-loi quand j’étais enfant (et aussi plus tard, d’ailleurs); j’aimais bien le sergent Garcia aussi; mais depuis que ce dernier est devenu politicien, j’ai l’impression que la graisse de sa bedaine lui est montée au cerveau. Mais il nous reste Zorro. Enfin, e-Zorro.

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Les nouveaux seigneurs

Du Xème au XIIème siècle, l’Occident connut une société bâtie sur la relation très hiérarchisée entre un roi, des seigneurs, des vassaux et des serfs; on a appelé ce système le système féodal. Le roi était le souverain suprême, de droit divin; il dirigeait- ou parfois combattait – des seigneurs plus ou moins importants, ducs, marquis ou autres nobles, qui eux-mêmes disposaient de vassaux qui en dernier ressort commandaient à des serfs qui cultivaient la terre et recevaient la protection de leurs suzerains en échange de leurs récoltes et de leur bétail. Les serfs étaient illettrés, et la vision du monde qu’ils avaient leur était entièrement transmise par les religieux lors des messes, car les religieux étaient pratiquement seuls à savoir lire et écrire : ils contrôlaient donc complètement l’information. Ils dépendaient aussi d’une certaine manière des seigneurs qui les financaient en échange de l’absolution de leurs péchés. Indirectement, les seigneurs contrôlaient donc ce que leurs sujets de la plus basse extraction savaient du monde. Une meilleure diffusion de l’information lors de la Renaissance, en partie encouragée par l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, permit d’élever le niveau de connaissance des vassaux, puis des serfs, et le système féodal tomba peu à peu en désuétude, même si le principe hiérarchique qui lui était associé survécut longtemps encore en Europe. Actuellement encore subsistent des rois dont le pouvoir est souvent limité à de la représentation et à l’alimentation de la presse à scandales.

La Renaissance, dans un premier temps, puis le siècle des lumière et la révolution française eurent raison des derniers soubresauts de ce système féodal ultra-hiérarchisé, fondé sur l’exploitation des plus démunis en faveur des gens nantis, dont la seule qualité était la naissance dans une famille de la noblesse.

Les Etats-Unis s’apprêtent à acclamer leur nouveau président; mais pas que lui. A ses côtés, outre une équipe de supporters politiques bien établie se profilent les géants de la technologie, Elon Musk en tête bien sûr, mais aussi Tim Cook, Mark Zuckerberg, et Jeff Bezos pour ne citer que les plus fortunés. Ces gens ont le pouvoir de contrôler l’information, peut-être de manière moins absolue que ne le faisait l’église au XIIème siècle, mais de manière suffisamment efficace pour entretenir une désinformation nécessaire à l’entretien du pouvoir du président.

Donald Trump n’est pas une exception, il ne fait que suivre l’exemple de Poutine et ses oligarques, de Xi et de ses milliardaires très contrôlés, de Erdogan et d’autres, qui ont tous su modifier la constitution de leur pays pour s’arroger le pouvoir à vie, en s’entourant de proches plus ou moins sûrs, ou en tous cas suffisamment contrôlés pour pouvoir être éliminés rapidement au besoin. C’est sur ce dernier point que Trump aura peut-être des soucis dans le proche avenir, car les institutions américaines ne seront peut-être pas si faciles à contourner ou à supprimer que cela a pu être le cas dans d’autres pays.

Le roi -pardon, président- et son gouvernement d’un côté, les seigneurs économiques de l’autre. Serions-nous accidentellement, par le biais d’une faille dans l’espace-temps, revenus à l’époque des seigneurs féodaux ? Si l’église n’a plus le monopole de la désinformation, les géants des technologies de l’information et de la désinformation sont les auxiliaires du pouvoir en place, même si ce rôle de simples auxiliaires pourrait ne pas suffire longtemps à satisfaire leurs ambitions. La similitude avec le système féodal est en tous cas frappante. Il suffit de constater ce que beaucoup de pays vivent déjà pour se rendre compte que l’on n’est pas très éloigné d’un système fondé sur les inégalités les plus criantes entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui le subissent. D’ailleurs, certains états comme l’Arabie Saoudite n’ont jamais vraiment abandonné le système féodal, et semblent vouloir exporter leur prospérité pétrolière dans le monde entier à coups de milliards, de projets débiles, de coupe du monde de foot et autres jeux asiatiques d’hiver. D’ailleurs, Elon Musk n’est pas en reste, en matière de projets irréalistes, lui qui veut établir une colonie permanente sur Mars.

Ne restera-t-il que l’Europe pour défendre les valeurs démocratiques ? Voire… L’Italie est gouvernée par l’extrême droite, l’Allemagne, la France et l’Autriche sont minées par des partis ultra-conservateurs, pour ne rien dire du Royaume-Uni qui ne fait plus partie de la communauté européenne. Et les oligarques américains n’ont pas attendu l’élection de leur guide suprème pour attaquer ouvertement les démocraties européennes affaiblies, en prônant l’accession au pouvoir de l’extrême droite chaque fois que cela semble possible, et dénigrant ouvertement les partis au pouvoir.

Les seigneurs sont de retour; et ils n’ont pas beaucoup changé par rapport aux seigneurs du Moyen Age. Le pouvoir et l’appât du gain sont toujours leurs premières priorités, et dans cette logique, la démocratie est clairement un obstacle.

Bienvenue dans le nouveau système féodal.

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La société de la désinformation

J’ai par le passé pu discuter du fait que Internet est né d’une coalition improbable de militaires, d’intellectuels et de hippies… Les militaires sortant de la guerre de Corée et englués dans celle du Vietnam aspiraient à la paix; les hippies avaient une philosophie de vie en paix peut-être déraisonnable, mais en harmonie avec les aspirations de ces militaires fatigués de trop d’horreurs. Les intellectuels avaient un credo : l’échange d’informations allait sauver le monde; il suffisait de dire à l’adversaire à quel point on était heureux pour que la Terre entière bascule dans la démocratie. Les intellectuels ont inventé Internet avec cet objectif, et les militaires l’ont financé. Pour que l’échange d’informations soit efficace, il fallait que les médias soient gratuits : Internet a été gratuit. Accessible à tous; enfin, presque. Internet était considéré par beaucoup, à ses débuts, comme une arme permettant d’assurer une paix durable et de promouvoir les droits de chacun, par le libre accès à l’information qu’il allait garantir. Credo : comment croire encore en un dictateur lorsque l’on sait à quel point cela se passe bien dans une démocratie occidentale ?

Les concepteurs d’Internet ont été à plusieurs titres des visionnaires; ils avaient prévu le succès de leur réseau à une époque où l’on pouvait compter le nombre d’ordinateurs aux Etats-Unis sur les doigts des deux mains. Je me souviens d’un cours que j’ai suivi à Lannion dans les années 1976-77 où un maître de cours ironisait sur le fait que les adresses du protocole réseau ARPAnet (qui allait devenir plus tard le réseau IP, Internet Protocol) utilisaient un champ de 32 bit. Il commentait, avec un sourire condescendant  » Vous imaginez un monde avec 2 puissance 32 ordinateurs ?« . Ils ont été visionnaires, mais pas suffisamment : il y a bien plus de 2 puissance 32 objets connectés à Internet dans le monde à l’heure actuelle.

C’est dans les années 80 (bien avant l’apparition du World Wide Web) qu’apparaît la notion de société de l’information. Sans proposer de définition précise, on commence à appréhender le rôle que va jouer l’information dans la société à venir; les scientifiques sont bien sûr les premiers à appréhender ce rôle, dans le monde de l’échange de documents scientifiques, le transfert de fichiers informatisés représente une révolution relativement à la publication habituelle d’articles scientifiques. La médecine va également bénéficier de cet échange facilité d’informations qui va permettre des progrès inimaginables dans la précision du diagnostic, et dans la pertinence des soins appliqués. Mais le grand public devra attendre l’apparition du World Wide Web et les années 1990 pour appréhender cette révolution.

Les concepteurs d’Internet avaient rêvé d’un monde où l’information circulait librement dans le monde entier; mais ils avaient là encore sous-estimé leur réalisation. Lorsque le World Wide Web devint populaire, à partir des années 1995. la masse d’informations disponible devint si considérable que les utilisateurs se virent contraints d’effectuer des sélections. Ils allaient consulter un site bien précis pour obtenir les informations, et négliger les autres, soit parce qu’ils n’étaient pas au courant de leur existence, soit parce qu’ils n’avaient pas le temps de se préoccuper de plusieurs sources d’informations. Ce fut l’apparition de la première source de segmentation de l’information; cette segmentation avait toujours existé dans la réalité, la vision communiste des évènements différait de la vision occidentale; mais Internet avait été construit pour lutter contre cette dichotomie, et elle se manifestait à nouveau dans le cadre du réseau même qui avait été construit pour éviter cette séparation.

Plus tard, les réseaux sociaux allaient porter un coup sévère à la neutralité d’Internet en favorisant l’apparition de groupes d’intérêt. L’apparition des smartphones joua aussi un rôle essentiel dans cette segmentation : il est compliqué de chercher une information sur le réseau en utilisant un smartphone, en revanche, on l’obtient souvent par un message spontané venant du groupe d’intérêt auquel on est abonné. De plus, on consulte un smartphone dans toutes les situations d’itinérance possible et imaginables, dans un contexte où l’on n’a peut-être pas l’occasion ou l’envie de vérifier le bien-fondé de telle ou telle affirmation. Ces groupes d’intérêt, souvent simples trombinoscopes à l’origine, comme Facebook, remplacèrent souvent les sources d’information officielles; à quoi bon aller rechercher une information qui vous est apportée directement sur votre smartphone ? Mais aussi, comme il est difficile de vérifier cette information sur ce même smartphone, on va avoir tendance à la prendre pour argent comptant. Sous sa forme la plus tendancieuse, le microblogage (X, Bluesky, TikTok, Mastodon), l’information est servie « brute », sans commentaire, en temps réel; à chacun de l’interpréter, de l’utiliser et de la propager comme il l’entend. Cela permet de consommer très rapidement de l’information, mais tend à la décontextualiser complètement. Une opportunité rêvée pour celui qui désire propager de fausses informations (qui a mentionné un président des Etats-Unis, au fond de la classe ?), ou des informations biaisées. Les influenceurs, les adversaires de la démocratie et les complotistes de tout poil ne s’y sont pas trompés et ont rapidement su infiltrer ce genre de groupes en les intoxiquant de fausses informations. Des acteurs ont même dépensé des sommes colossales pour prendre le contrôle de certaines plateformes, conscients du pouvoir qu’ils pouvaient en retirer.

Ironie : Destiné à propager une information de qualité, Internet est devenu un véhicule disséminant des informations non vérifiées et le plus souvent fausses; un véhicule de désinformation, en quelque sorte. Plus grave, certaines applications ont permis à des acteurs peu scrupuleux de segmenter le réseau, et partant l’information diffusée de telle sorte que l’esprit critique qui devrait présider à l’interprétation de toute information ne puisse plus s’exercer normalement.

Internet est né d’une coalition improbable de militaires, de hippies et d’intellectuels, avons-nous dit. Il est en train d’être détruit par une coalition tout aussi improbable de dictateurs, de multimilliardaires et d’ignares complotistes et conservateurs. Internet sera détruit par ceux-là même qu’il entendait combattre. Ce qui devait être la société de l’information est devenu la société de la désinformation.

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Le temps qui passe…

Lorsque j’étais enfant, un voisin répétait à chaque fin d’année la même phrase, qui me semblait un peu sybilline, mais qui devait probablement être très savante, puisque je ne la comprenais pas : Une année de plus en moins…

Plus tard, j’ai bien sûr compris le sens que ce paysan voulait donner à cette phrase : la nouvelle année sonnait aussi le glas de la précédente, une nouvelle année s’ouvrait sur la fin d’un année d’existence; en somme une manière un peu bizarre de célébrer le temps qui passe…

Je ne suis pas tout à fait aussi âgé que ne l’était le paysan -l’ami- de l’époque; mais en cette fin d’année, j’ai envie de répéter sa phrase, ou une autre qui symbolise en peu de mots cette réalité qui se fait de plus en plus présente au fil des années : le temps qui passe…

C’est le déclin des démocraties occidentales que je croyais indiscutables dans un passé pas si lointain; Internet avait été à l’origine conçu pour diffuser et vanter les bienfaits de la démocratie aux populations opprimées des blocs de l’Est. Ce même Internet aujourd’hui utilisé pour diffuser et promouvoir les contre-vérités, les doctrines totalitaires, les théories complotistes et autres aberrations nées des inégalités, des volontés de pouvoir et de la misère des peuples.

C’est l’effondrement du climat mondial, qui a tellement été prédit que plus personne n’y croit vraiment; sauf les victimes de cataclysmes météorologiques, peut-être. Faudra-t-il attendre 2040, une des dates annoncées par le GIEC de bascule climatique, pour constater une quelconque réaction tangible des pouvoirs politiques ? Rien n’est moins sûr, avec le retour au pouvoir d’un climatosceptique aux Etats-Unis, et l’accroissement des conflits dans le monde.

C’est des conflits de plus en plus nombreux dans le monde, ce monde qui nous avait paru en paix pendant toute notre existence, et qui semblait s’ouvrir vers une globalisation et une harmonisation bienvenues après les années de guerre froide. L’exacerbation de l’identitarisme, les religions et le terrorisme, opposés à l’aveuglement de dirigeants croyant que l’on peut inculquer la démocratie avec des bombes aura eu raison de cette utopie d’un monde harmonieux.

C’est la croissance de l’obscurantisme partout dans le monde; alors que l’on pensait que la connaissance progressait partout, l’ignorance gagnait du terrain presque aussi rapidement que la progression des ventes de smartphones dans le monde. Parmi les presque 78 millions de voix qui ont choisi Donald Trump, la majorité sont sans doute des gens de peu d’instruction, les autres des gens très instruits qui comptent s’enrichir et accroître leur pouvoir aux dépens de ces derniers.

Quelque 70% des vertébrés ont disparu au cours des 50 dernières années; c’est l’une des plus grandes extinctions massives de l’histoire de notre planète. Notre planète s’en accommodera sans doute; mais nous-même ? Probablement pas, mais ce n’est que bien plus tard que nous en prendrons pleinement conscience; et puis, quand je dis « nous »… Nos enfants peut-être, ou leurs enfants, qui devront réapprendre à vivre avec la famine et les affamés du monde.

Le temps qui passe, c’est aussi cette inexorable baisse des capacités, cette lente décrépitude qui mêne infailliblement vers la vieillesse. Je continue à ne pas me sentir vieux, mais je dois à la vérité la concession que mes possibilités physiques ne sont de loin plus en accord avec cette impression.

Vous me trouvez pessimiste ? Sans doute avez-vous raison; mais je continue à ne pas prétendre que « c’était mieux avant ». Après tout, c’est nous qui avons fait de ce monde ce qu’il est, et s’il est déplaisant, alors nous en portons aussi la responsabilité. Et puis, Poutine, Erdogan, Netanyahou ou Trump sont des vieillards, des gens de ma génération que la sénilité gagnera tôt ou tard et que l’on sera bien obligé, lorsqu’ils s’oublieront dans leur culotte, d’écarter du pouvoir un jour ou l’autre : il n’est pas encore trop tard pour l’espoir.

Mais c’est vrai que le temps qui passe devient pressant. Les signaux qui nous proviennent du monde ne sont pas rassurants; et le temps commence à manquer pour y réagir de manière appropriée. Angela Merkel avait surpris le monde (2015) en disant « Wir schaffen das« ; cela lui avait moyennement bien réussi, mais parions nous aussi sur le même thème : On y parviendra!

Je vous souhaite très sincèrement une excellente année 2025.

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C’est quoi, le projet ?

J’écoutais d’une oreille distraite l’autre jour notre ministre en charge du département des Finances, madame Karin Keller-Suter (KKS pour les intimes), discourir sur la politique poursuivie par le Conseil Fédéral. Il a beaucoup été question de chiffres, d’objectifs financiers, et de stratégies pour limiter les dépenses publiques. Madame Keller Suter est sans conteste une femme supérieurement intelligente et très difficile à prendre en défaut; aussi n’essaierai-je même pas ! Mais en gros, le discours de madame Keller-Sutter réside en deux maîtres-mots : austérité et frein à l’endettement. Ce n’est pas une vision qui me donne particulièrement envie de l’avenir; je dois même dire que c’est un discours qui me laisse un peu indifférent, voire découragé. L’avenir, qui verrra madame Keller-Suter présider aux destinées de notre pays, me semble gris et sans opportunités.

Où sont les leaders radicaux du dix-neuvième siècle, qui ont mis sur pied une Constitution fédérale moderne, révolutionnaire, qui a assuré au pays une prospérité et une stabilité que beaucoup de nos voisins nous envient ? Les leaders radicaux actuels sont plutôt du genre à tenir un discours minimaliste, à l’exemple de M. Nantermod qui répète à chaque projet proposé que « Oui, mais non, parce que si on donne quelque part, il faut prendre ailleurs, vous comprenez, c’est comme les vases communiquants« . Les projets même les plus minuscules s’achoppent à cette logique de gagne-petit. Il n’y a que l’Armée qui parvienne à se doter de financements dignes de ce nom; ce qui ne signifie pas que l’Armée ait des projets ou constitue en soi un projet, bien évidemment. La crainte devant un ennemi supposé ou imaginé ne peut guère être qualifiée de projet d’avenir.

Par opposition, 1986 voyait la naissance officielle du projet européen au Luxembourg, après des travaux préparatoires entamés au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, aux environs de 1952. Tout d’abord initié sous la forme d’une communauté essentiellement économique, il était prévu de faire évoluer l’Europe vers un Etat Fédéral; un projet très ambitieux. Infiniment plus ambitieux que la mise sur pied des Etats-Unis d’Amérique, car il s’agissait ici de fédérer des Etats qui traditionnellement se faisaient la guerre depuis plusieurs siècles, comme la France et l’Allemagne, les deux principaux moteurs de la mise sur pied de l’Union Européenne. Mais il s’agit aussi d’un projet éminemment social, un véritable projet de société, puisqu’il vise à terme à rendre égaux les membres les moins nantis et les Etats les plus riches. Enfin, il s’agit d’un projet de société égalitaire vivant en paix, et le projet a été d’ailleurs récompensé du prix Nobel de la Paix en 2012. Ce fut à mon humble avis l’un des Nobel de la Paix les plus justifiés depuis bien des années…

Les premières fissures dans le projet apparaissent au début des années 2000, lors du refus de la mise en œuvre d’une constitution européenne : la France et le Danemark refusent cette Constitution; des pays de l’Est de l’Europe s’invitent dans l’Union Européenne, parfois plus pour profiter des crédits alloués au développement des Etats que pour réellement contribuer au projet. Finalement, en 2020, la Grande-Bretagne quitte le projet (Brexit), estimant que le coût en est trop élevé; au vu des résultats, on n’est pas certain qu’ils aient eu raison; mais ceci est un autre débat.

Dans les années 1990, la Suisse avait modestement cherché à adhérer à cet ambitieux projet; porté par deux conseillers fédéraux atypiques, René Felber et Jean-Pascal Delamuraz, venant de deux partis traditionnellement opposés, ils avaient initié une votation qui proposait aux Suisses de se rapprocher de l’Union Européenne par le biais d’un traité commercial nommé EEE (Espace Economique Européen); dans la foulée, le Conseil Fédéral déposait même une demande d’adhésion à l’UE. On connaît le résultat du scrutin populaire, et le discours désabusé de M. Delamuraz au soir de la votation, voyant le principal projet de sa carrière échouer sur l’autel du conservatisme gris et morose. Y a-t-il eu depuis cette époque un autre projet de société proposé aux citoyens helvétiques ?

Actuellement, le projet européen vit la crise la plus grave de son existence avec la montée de l’extrême-droite, et du conservatisme égoïste qui privilégie le profit individuel au bien-être commun; avec l’affaiblissement des deux principaux porteurs du projets que sont la France et l’Allemagne, on peut être inquiet pour le déroulement futur de ce projet pourtant unique au monde.

La France a ces dernières années sous la présidence d’Emmanuel Macron, montré deux visages à l’opposé l’un de l’autre. D’un côté, un sens de l’organisation exceptionnel ayant abouti à l’accomplissement de deux évènements majeurs qui ont fait l’admiration du monde entier : les Jeux Olympiques de Paris 2024, et l’inauguration, ou la résurrection, de Notre Dame de Paris. Deux évènements dont on avait prédit qu’ils étaient voués à l’échec, mais qui se sont avérés des projets magnifiquement conduits et exécutés. D’un autre côté, la France du désordre politique, d’un Parlement transformé en cour de récréation pour enfants immatures, la France qui vacille désormais dans une incertitude politique dommageable pour toute la société française, et aussi pour l’Europe, en tant que continent. Les projets évènementiels ont été maîtrisés bien au-delà de ce que l’on attendait de cette France réputée ingérable. Mais Emmanuel Macron a oublié d’imaginer un projet institutionnel qui puisse, sinon fédérer, du moins réunir autour d’une table, et d’une préoccupation commune les différentes factions politiques à l’oeuvre en France. Chaque orientation politique, laissée à elle-même, a oeuvré dans la médiocrité qui caractérise tout politicien normalement constitué : comment gagner les prochaines élections, comment s’arroger le pouvoir; ce qui ne peut guère aboutir à un consensus en fin de compte.

Nos gouvernements n’ont apparemment plus de projets de société; c’est passé de mode. Il faut parvenir à contrôler le budget, et maintenir les mécanismes de l’Etat en fonction. Le projet du gouvernement peut se traduire en deux mots de latin : le statu quo. Pas de quoi enthousiasmer qui que ce soit, en l’occurence.

Madame Keller-Suter, ( je m’adresse à vous, mais je pourrais m’adresser à n’importe lequel de vos collègues, bien sûr, alors ne le prenez pas personnellement); madame, c’est quoi, votre projet pour la Suisse ?

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Abbé Pierre

Dernièrement j’ai entendu à la radio, un peu par hasard, l’interview d’une personne qui parlait avec véhémence du comportement scandaleux de l’abbé Pierre, dont on sait maintenant qu’il appréciait les femmes et n’hésitait pas à abuser de sa position pour obtenir ce qu’il voulait. Cette personne interviewée soutenait qu’il fallait détruire les références à ce prêtre indigne, et elle se félicitait de ce que Emmaüs ait décidé d' »oublier » son père fondateur, sous-entendant que tout le monde devait en faire autant.

On a voué aux gémonies l’Abbé Pierre après la révélation de ses frasques sexuelles. On pourrait croire que cet homme s’est soudain déguisé en un suppôt de Satan, que tout ce qu’il a pu réaliser au cours de son existence doit être balayé en raison de ces abus sexuels. Une fondation portant son nom a décidé de renier cette filiation en changeant de nom, la fondation Emmaüs ne veut en effet plus entendre parler de son père fondateur; tout ce que cet homme a pu faire de bien pendant son existence est effacé par la révélation de ce que certains n’hésitent pas à qualifier – peut-être avec raison – de perversions sexuelles.

Je ne veux pas excuser l’Abbé Pierre, pas plus que ces chanoines ou religieux de tout poil et de toutes variétés confessionnelles qui ont un jour montré leur sexe à de jeunes hommes ou femmes et leur ont ensuite fait violence pour leur seul plaisir. L’agression sexuelle, quelle que soit sa forme est inexcusable; mais cela doit-il effacer tout ce que les auteurs desdites agressions ont pu faire de bien au cours de leur vie ?

Pour en revenir à ces religieux en mal d’expériences sexuelles, on oublie un peu trop facilement de mentionner une des causes de leur comportement. Le vœu de chasteté est l’un des trois vœux principaux (chasteté, obéissance et pauvreté) que prononce un homme ou une femme au moment de son admission dans une congrégation religieuse. Aucun de ces grands dirigeants de l’Eglise que sont les évêques ou le pape n’a jamais pu imaginer que si Dieu avait mis des testicules et un pénis entre les jambes d’un être mâle, c’était dans un but précis; et que si on rendait ce but inatteignable, cela pouvait poser problème.

J’irai plus loin : on crie au scandale parce que des cinglés criminels imposent le voile intégral à des jeunes filles en Afghanistan ou en Iran; mais on passe sous un silence bienveillant mais aussi assourdissant le fait que l’Eglise catholique impose la chasteté (il est vrai avec le consentement implicite des intéressés) à ses adeptes. Et pourtant ces deux restrictions partent du même principe aberrant : imposer une pratique contre nature à des gens avec ou sans leur consentement.

La religion a pu, par le passé, représenter un contre-pouvoir intéressant aux seigneurs féodaux; elle a pu dans une certaine mesure encourager la propagation du savoir, en le censurant toutefois quand ce savoir menacait de mettre en évidence les lacunes de la foi. Mais, basées sur des croyances, les religions se trouvent actuellement à chaque instant menacées de contradictions flagrantes, à tel point que beaucoup d’états qui ont fondé leur existence sur une croyance religieuse ont été contraints de devenir des dictatures parfois sanglantes pour éviter de disparaître. Le voeu de chasteté, comme le port du voile pour les femmes, est une survivance d’une époque – pas si lointaine, et parfois encore très présente – où le sexe était assimilé au péché.

Je ne sais pas si l’abbé Pierre se serait mieux conduit si on lui avait permis d’avoir une compagne. Mais sans aucunement excuser des abus sexuels commis sur des êtres innocents, je refuse d’oublier tous ses actes de bien en raison de ses agressions sexuelles.

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C’était mieux avant…

Je lisais le journal ce matin… que des nouvelles peu encourageantes ! L’Ukraine est le plus grand champ de mines du monde; l’arrivée de Trump au pouvoir va probablement forcer le gouvernement de Volodymyr Zelensky à entériner les annexions de Poutine, conférant au dictateur russe une aura de conquérant victorieux, et fortifiant les différents mouvements pro-russes sévissant dans les pays limitrophes de la Russie, et même en Europe. Ainsi, Poutine pourra annexer la Géorgie et la Moldavie sans que personne ne songe à protester; peut-être même qu’il pourra s’intéresser aux pays baltes, qui sait ?

A part ça, oui, on a un cessez-le feu fragile entre Israël et le Hezbollah au Liban; mais on enregistre un regain d’activités belliqueuses en Syrie, à Alep plus exactement. Bon, si cela peut permettre de renverser le sordide Bachar Al-Assad, pourquoi pas, mais son copain Poutine finira bien par lui envoyer quelques aides pour le tirer de ce mauvais pas. On parle moins de la guerre civile soudanaise (parfois appelée quatrième guerre civile), mais elle n’en est pas moins réelle et meurtrière. Oui mais vous savez c’est en Afrique, alors…

Trump comme président aux Etats-Unis, c’est une énorme incertitude qui plane sur le monde occidental. C’est qu’il est sûr de sa légitimité, et qu’il a a les coudées franches, l’animal. Le Congrès et le Sénat sont républicains, et il a choisi une équipe dirigeante à sa botte. Il va sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris, probablement se distancier de l’OTAN, voire peut-être se rapprocher de son ami Poutine qu’il admire tant. Bon, notre estimé ministre Guy Parmelin a bien affirmé qu’il allait négocier un accord avec Trump. mais ce n’est pas forcément une nouvelle rassurante.

Ah là. là… C’était mieux avant.

Bon, pour être franc, « avant » est un terme assez vague; on remonte le temps jusque où ? On ne va pas remonter avant notre naissance, parce que la deuxième Guerre Mondiale, c’était pas si bien que cela. « Avant », cela désigne souvent les Trente Glorieuses, l’époque où l’on pouvait polluer le monde sans arrière-pensées. Et soit dit en passant, on ne s’en est pas privés ! Il y avait bien quelques voix discordantes pour nous dire que la croissance aurait des limites, mais on les a écoutées d’une oreille poliment intéressée.

Il y avait aussi des conflits, « avant ». La Guerre Froide, vous vous souvenez ? Les massacres au Cambodge, la guérilla des Khmers Rouges, Pol Pot… Et puis il y avait déjà quelques soucis avec les Russes, pardon, les Soviétiques. Comme ce fameux épisode des missiles de Cuba entre Khrouchtchev et Kennedy, où le président américain avait fait décoller les bombardiers B-52 avec leurs ogives nucléaires (niveau d’alerte maximal), et que le président soviétique avait in extremis fait démanteler les bases de missiles à Cuba. Puis, il y a eu le « Grand Bond en Avant« , cette initiative pensée par Mao Zedong en Chine, qui s’est soldée au final par un nombre de victimes évalué entre vingt et trente millions (plus que la Deuxième Guerre Mondiale !).

Ce qui est vrai, c’est que nous avons vécu un magnifique effort de la part des démocraties européennes, qui ont cherché à constituer les Etats-Unis d’Europe. Ceci nous a donné soixante ans de paix en Europe, dont nous avons pu profiter pendant toute notre vie, n’en déplaise à des Suisses eurosceptiques plus intéressés à leur portemonnaie qu’à des projets de société. Un projet européen qui a traversé bien des crises, et qui est sur le point de traverser la plus grave avec la montée mondiale d’un conservatisme d’extrême-droite qui considère la démocratie comme une entrave à l’enrichissement personnel. Les Etats-Unis de Donald Trump, mais surtout d’Elon Musk, en sont un exemple navrant.

Etait-ce vraiment mieux avant ? La montée de l’extrême droite, et la dégradation spectaculaire des conditions climatiques dans le monde nous en donnent l’impression; la dégradation de mes propres capacités, en raison de l’âge d’abord, et aussi de quelques problèmes de santé me confortent dans cette impression; mais si je fais abstraction de ma petite personne, je n’en suis plus tout à fait persuadé. Il n’y a pas forcément plus de conflits armés dans le monde qu’avant, la situation au Moyen Orient n’est ni plus ni moins tendue qu’à l’époque de Desert Storm ou de la Guerre des Six Jours. Et pour ce qui est du dérèglement climatique, nous ne le subissions pas à l’époque, mais nous y avons très largement contribué; est-ce préférable ?

Somme toute, j’aurais tendance à dire que ce n’était pas forcément mieux avant; mais j’étais plus jeune et sûrement plus insouciant, et cela, c’est vrai que c’était vachement mieux.

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Frein à l’investissement

Le frein à l’endettement est un mécanisme approuvé par le peuple suisse en 2001, et mis en place en 2003, qui permet de limiter la dette de la Suisse à un chiffre jugé acceptable (actuellement environ 17% du PIB). Ce mécanisme a souvent été cité dans les médias, à l’occasion de diverses prises de décisions politiques, et il sert de prétexte à certains politiciens pour restreindre les investissements de l’Etat, et partant, le service public en général.

Ainsi, lorsque l’on désire introduire de nouveaux services, il devient nécessaire d’en restreindre d’autres, de manière à équilibrer la dépense totale. L’armée demande 4 milliards ? Bien sûr, le risque représenté par Poutine est tellement grand que l’on doit équiper notre armée d’opérette pour faire opposition aux chars russes qui traverseront le Rhin bientôt ! Mais on ponctionnera l’enseignement, la culture, l’information publique et les développements en énergie renouvelable pour équilibrer les comptes.

On s’accorde généralement à dire que notre principale source de richesse est notre matière grise. Pas de pétrole, pas de minerais intéressants, pas assez de vin ou de gruyère pour exporter valablement… Il n’y a que notre savoir-faire qui puisse s’exporter, et encore… Alors, ponctionner les hautes écoles pour acheter des équipements militaires qui ne serviront jamais, cela prêterait à rire si ce n’était pas si tragiquement ridicule.

Si le prétexte – maîtriser la dette – peut sembler pertinent au moment où certains de nos voisins européens voient leur ardoises s’allonger démesurément, la mise en oeuvre par le pouvoir politique laisse songeur. L’un des plus grands défis auquel est confrontée l’humanité actuellement est le dérèglement climatique, associé depuis très longtemps aux activités humaines et en particulier aux énergies fossiles par les scientifiques du monde. Au lieu de s’en alarmer, la majorité des dirigeants continuent à investir dans les énergies fossiles ou non renouvelables. Comme si cela ne suffisait pas pour péjorer la situation, on organise un peu partout de petits et grands conflits qui sont non seulement meurtriers, mais extrêmement néfastes pour le bilan CO2 de la planète. Les menaces nucléaires de Poutine et autres malades mentaux paraissent redoutables, mais les menaces climatiques pourraient bien entraîner des conséquances peut-être plus tragiques, plus définitives, et ceci dans un avenir plus proche qu’on ne le prévoit généralement; sans qu’il soit nécessaire de presser un bouton quelconque d’ailleurs.

Donald Trump élu, les Etats-Unis, plus gros producteur et utilisateur d’énergies fossiles du monde, sortiront de l’accord de Paris; non que le monde eût été sauvé si Kamala Harris l’avait emporte, bien sûr; mais il s’agit d’un signal très fort pour tous les pollueurs du monde (comme l’Argentin Javier Milei, par exemple) que l’on peut continuer à profiter des énergies fossiles efficaces et bon marché. A un niveau certes beaucoup plus modeste, Ölbert Rösti, notre conseiller fédéral en charge de l’énergie, du transport et de l’environnement. s’est trouvé de bonnes (?) excuses pour investir dans l’élargissement d’autoroutes qui aboutissent cependant toujours dans les mêmes culs-de-sac urbains. Pour tenter d’équilibrer le budget, il supprime le financement des trains de nuit, alternative pourtant intéressante à terme aux vols intercités en Europe.

D’une manière générale, on a un peu l’impression que, polarisés sur des conflits de plus en plus nombreux, et obnubilée par le souci d’un portemonnaie moins bien fourni qu’on ne le voudrait, la société se désintéresse des problèmes climatiques; et pourtant, l’année bientôt écoulée a été riche en péripéties liées au réchauffement global; ces catastrophes entraînent des dépenses conséquentes; mais on craint plus Poutine que les catastrophes naturelles, on se méfie plus de Netanyahou et des Iraniens que des pluies diluviennes. Je ne suis pas certain que cette attitude soit très pertinente. Poutine a une date de péremption relativement proche; dans une dizaine d’années, il se mettra à bégayer des incohérences comme l’a fait Biden cette année, et comme Trump le fait depuis sa naissance. Le dérèglement climatique n’a provisoirement pas de date de péremption; même si nous cessons demain toute activité émettant du CO2 (ce qui, soit dit en passant, commencerait par cesser de respirer), le réchauffement va perdurer encore de nombreuses années, et les enfants de nos enfants, et leurs enfants probablement aussi, en subiront encore les conséquences.

Limiter l’endettement ? Oui, bien sûr. Mais sans limiter les investissements nécessaires, et surtout pas les investissements rentables, même si ce n’est qu’à long terme. Mais encore faut-il comprendre où sont les priorités, et de ce côté, il semble que la tendance générale privilégie la réelection et le statu quo courageux et responsable.

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Trump will fix it !

Peut-être avez-vous, comme moi, été sidérés par le résultat de l’élection du président des Etats-Unis d’Amérique début novembre. Non que l’élection de Donald Trump ait réellement surpris, on sentait depuis quelques jours que les affaires de la démocrate Kamala Harris n’étaient plus au beau fixe; mais de là à prédire un quasi plébiscite pour l’ex-président, avec son discours grossier et outrancier, il y avait un pas que l’on n’avait pas encore osé franchir.

Je me suis demandé, comme beaucoup d’autres, comment un tel résultat a pu être possible. Comment soixante millions de personnes ont-elles pu plébisciter un individu ouvertement climatosceptique, outrancier, grossier, ordurier parfois même, tolérant envers le racisme, indulgent envers les dictateurs comme Poutine et notoirement antiféministe ? Je suppose que c’est la même question que se sont posées certains allemands dans les années 1920 quand Hitler a été élu démocratiquement avec un discours certes différent, mais tout aussi outrancier.

Et puis, ce dimanche matin, je me plonge dans mes devoirs d’électeur helvétique, et j’essaie de comprendre le sujet des prochaines votations (24 novembre) en Suisse, en particulier sur la loi sur le financement des prestations de santé). Je lis attentivement, mais force m’est d’admettre que je n’y comprends pas grand-chose; difficile de prévoir si cela va mener en fin de compte à une baisse des primes d’assurance-maladie, ce qui m’importe le plus directement pour l’instant. Je lis des critiques venant de personnes que je pense tout de même compétentes, à l’exemple du syndicaliste Pierre-Yves Maillard, ou de la responsable du département de la Santé Madame Elisabeth Baume-Schneider, mais je ne parviens pas à me faire une idée précise du sujet sur lequel on veut que je donne mon opinion. C’est d’autant plus frustrant que mes deux références sont, dans ce cas particulier, opposées sur le sujet mais participant d’un même parti politique. Je voudrais bien voter avec mon avis personnel, mais si je ne comprends pas parfaitement le sujet, comment donner un avis pertinent ?

Par opposition, aux Etats-Unis, la réponse serait assez simple :

Trump will fix it !

Dans le cas de la guerre en Ukraine, le contraste est assez frappant; d’un côté Joe Biden – et une Kamala Harris qui promet de continuer dans le même registre – qui donne des milliards à l’Ukraine pour un résultat pour le moins douteux, en argumentant qu’il faut défendre la démocratie à tout prix, que Poutine est un agresseur inqualifiable, et ainsi de suite- De l’autre côté, un électeur qui voit le prix de l’essence augmenter, qui ne sait pas où se trouve l’Ukraine, et qui se fout de l’Europe parce qu’il n’en a rien à cirer de ces crazy guys. Il ne voit que de l’argent dépensé sans résultats réellement tangibles et son portemonnaie moins bien gonflé que ce qu’il souhaiterait. Mais en face, il y a un gars qui lui dit  » Je vais te régler ça en 24 heures ». Génial, bravo, le gars.

Trump will fix it !

Il y a aussi la guerre au Moyen Orient. Israël contre le reste du Moyen Orient, pourrait-on dire. Mais bon, les Arabes, hein… Et puis c’est tous des terroristes, ces mecs, même pas des chrétiens. Alors pourquoi ne pas les balayer une fois pour toutes, qu’on puisse se préoccuper des affaires locales ? Ah, ben justement :

Trump will fix it !

Nous avons, en Suisse, une démocratie directe qui nous permet d’intervenir dans des questions extrêmement techniques; mais qui parmi les citoyens possède les connaissances techniques pour juger valablement d’un texte qui va peut-être entraîner une amélioration ou une péjoration d’un système de santé déjà trop complexe ?

C’est la force des démagogues populistes à la Trump, Berlusconi ou autres polichinelles se réclamant du peuple mais milliardaires. Ils parviennent à parler au portemonnaie des gens, à leur ressenti de tous les jours (trop d’étrangers, des prix qui augmentent, des restrictions de carburant,,,) et esquiver les questions plus abstraites mais non moins importantes (dont leur électorat n’a d’ailleurs souvent cure) par un simple  » je vais résoudre ce problème ». Entre une équipe de gens raisonnables et instruits qui parle de la fin du monde (guerre, catastrophe écologique, biodiversité) et un hurluberlu grossier, inculte et outrancier qui parle de la fin du mois (pertes de pouvoir d’achat, prix qui augmentent…), il n’y pas photo : l’hurluberlu a la partie gagnée d’avance. Et puis, pour le reste…

Trump will fix it !

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Quo Vadis, Elon ?

Elon Musk a été souvent qualifié de « fantasque » par des journalistes en mal d’adjectifs pertinents; mais récemment, le milliardaire d’origine sud-africaine a défrayé la chronique par ses relations privilégiées avec le candidat républicain Donald Trump. Une vidéo montrant les deux protagonistes dansant sur « Stayin’Alive » a même fait le tour des réseaux sociaux; bien que générée par l’intelligence artificielle (on voit mal le bientôt octogénaire Trump se tortiller ainsi), la vidéo a apparemment été avalisée par les deux danseurs virtuels.

Auparavant, Elon Musk avait longuement interviewé Trump sur X, se montrant très ouvert aux déclarations pour le moins arbitraires et infondées de son interlocuteur, qui n’en est d’ailleurs pas à ça près. A plusieurs reprises, le débat a franchi les limites du complotisme. On se demande où est passé l’entrepreneur qui n’hésitait pas, il y a peu, à émettre des jugements de qualité sur des solutions technologiques avancées, ce qui semblait impliquer un minimum de culture scientifique tout de même.

On avait aussi connu un Elon Musk plutôt bien disposé envers l’Ukraine, quand il avait mis à disposition des troupes ukrainiennes le réseau satellitaire Starlink. Il est toutefois fortement soupçonné d’avoir bloqué l’accès au réseau lors de certaines opérations qu’il a unilatéralement jugées trop dangereuses dans l’optique d’une potentielle escalade du conflit. Il est vrai que dans ce contexte, il avait déjà « proposé son concours » dans la mise sur pied d’un accord de paix qui n’était qu’une capitulation sans conditions, avec félicitations à Poutine, de la part de l’Ukraine dans ce conflit.

Bien sûr, le changement de sexe de l’un de ses fils a été pour Elon Musk un traumatisme qui lui a fait déclarer la guerre aux milieux woke; et dans cette optique, le conservateur Trump est plus en adéquation avec ses desseins que la démocrate Kamala Harris; mais je doute qu’il s’agisse là de son principal motif de soutien; il est plutôt probable que le modèle de dérégulation sauvage que veut introduire Donald Trump séduise le multimilliardaire Musk, qui voit en la présidence du républicain conservateur une occasion d’accroître sa fortune et d’avoir les coudées plus franches dans l’optique de ses projets délirants, comme une expédition sur Mars avec fondation d’une colonie; au passage, Donald Trump ne lui a-t-il pas promis de le charger de réformer l’administration américaine s’il est élu ? C’est la cerise sur un gâteau déjà bien décoré !

Elon Musk offre ainsi à Donald Trump le soutien de la plate-forme X, le réseau social (si peu) le plus anarchique, où à peu près n’importe qui peut dire n’importe quoi à n’importe quel moment sur n’importe quel sujet. Il lui offre aussi le soutien de celui qui incarne pour beaucoup l’innovation (Tesla, Starlink, SpaceX) et la réussite industrielle. Il ne faut pas s’y tromper : Elon Musk a les moyens de faire basculer les élections américaines en faveur de Trump, comme la Russie l’avait réalisé lors de la victoire de Trump face à Hillary Clinton. Ainsi, Trump aurait par deux fois dégommé des femmes aux élections fédérales par des moyens malhonnêtes, au mépris des processus démocratiques : je suppose que ce n’est pas pour déplaire à ce triste individu. En échange, Elon Musk a la bride sur le cou pour s’enrichir. Un oligarque, en somme.

Dans le modèle établi par Vladimir Poutine, c’est le chef de l’Etat qui confie à des proches « sûrs » des responsabilités qui leur permettent de s’enrichir de manière parfois scandaleuses. Elon Musk innove dans la mesure où c’est lui qui incite à nommer des présidents qui vont plus tard lui permettre d’obtenir les dérégulations nécessaires à ce qu’il puisse encore s’enrichir davantage, et accroître son pouvoir déjà excessif. Elon Musk reste donc d’une certaine manière un novateur, mais la société vers laquelle il veut conduire les Etats-Unis d’Amérique, et à terme ses alliés européens, n’est qu’une copie -une de plus- des oligarchies à la Poutine. C’est le but vers lequel tu tends, Elon ?

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