Archives par mot-clé : neige

Ski, Snow and Sun

Depuis plusieurs années, j’ai l’habitude de skier quelques jours dans le Lötschental, cette vallée valaisanne atypique, rive droite du Rhône. La petite station de Lauchernalp propose peu de pistes, mais quelques très belles descentes, et un point culminant à plus de 3000 mètres, ce qui semblerait garantir un enneigement d’une qualité raisonnable.

La vallée n’est pas un haut-lieu du ski, et n’est pas non plus très touristique, mais il y a quelques hôtels confortables, et l’une ou l’autre table qui permettent de déguster les produits locaux avec tout le soin que peut apporter un cuisinier avisé. Le restaurant de l’hôtel Nest- und Bietschorn mériterait, à ce point de vue, le déplacement à lui seul. Mais si Lauchernalp ne peut se comparer à Verbier ou à Courchevel, le domaine skiable est intéressant, propose des options de hors-piste variées (dont certaines vraiment somptueuses), et offre des points de vue rares sur les Alpes Valaisannes. Le panorama ci-dessous va des Mischabel au Mont Blanc, et comprend les principaux sommets des Alpes Pennines, dont le Mont Rose, le Cervin, la Dent Blanche et le Grand Combin.

Panorama du Hockenhorngrat, 2018

Ce panorama avait été composé en 2018, lors d’une visite sur les pistes de Lauchernalp avec des amis. On pouvait alors admirer cette vue depuis un promontoire facilement accessible depuis le sommet des pistes de la station; une table d’orientation permettait aux intéressés de se repérer dans la multitude de sommets proposés par le point de vue.

J’ai passé quelques jours (trop peu, hélas) dans cette vallée en février de cette année. Première surprise en montant en télécabine, malgré un enneigement certes parcimonieux, mais tout à fait suffisant et de bonne qualité, la piste noire, la plus intéressante pour les skieurs expérimentés, est fermée (bien que de nombreuses traces semblent démontrer que braver l’interdiction n’est pas absolument impossible). Arrivé au sommet, à plus de 3000 mètres, je m’apprête à gagner le fameux point de vue (un must, en ce qui me concerne, à chaque visite sur ces pistes), mais je me rends compte que l’accès n’est pas préparé, et qu’il faudrait en principe traverser hors piste, dans une pente raide entre des rochers, puis remonter vers le point de vue (alors qu’il y a une année, on gagnait facilement le point de vue par un schuss sur une piste bien damée). Une autre option serait de remonter à pied vers une arête que l’on pourrait ensuite suivre à la descente jusque vers le point de vue. Rien de très pratique, en résumé !

Le soir, entre deux plats, j’interroge le patron de l’hôtel qui me renseigne : le sommet des pistes est situé sur un glacier vestigial (le Milibachgletscher) qui a perdu 6 mètres de son épaisseur au cours du chaud été 2022. Comme il ne restait déjà plus grand-chose, ces six mètres ont suffi à dégager nombre de rochers qui rendent le travail nécessaire à l’accès au point de vue par les dameuses aléatoire, voire impossible, et par conséquent rend très malaisé cet accès aux skieurs. Accessoirement, la piste noire qui était située sur la branche inférieure de ce glacier a perdu son socle de glace, et dépend désormais de l’enneigement saisonnier pour sa préparation.

Cette évolution est logique, au vu du réchauffement climatique, et illustre si besoin était le péril dans lequel se trouve actuellement la pratique du ski : pendant combien de temps pourra-t-on encore skier ? Et comme on le voit à la lumière de l’exemple que je viens de décrire, même les sites en haute altitude voient les possibilités se dégrader rapidement.

Cette préoccupation touche également les professionnels du ski, qui demandent aux organisateurs de compétitions de sports d’hiver plus d’efforts environnementaux, en évitant des déplacements inutiles entre l’Europe et les Etats-Unis, par exemple, ou en choisissant des dates plus raisonnables que la mi-novembre pour des épreuves. La demande est raisonnable, mais un peu naïve, car personne ne demande aux organisateurs d’épreuves de courses automobiles de formule 1 d’alléger les déplacements entre les épreuves, ceci montre toutefois que la préoccupation est réelle, alors même que l’Arabie Séoudite va organiser des Jeux Asiatiques d’Hiver en plein désert.

D’aucuns diront que je me préoccupe de petits détails de confort (en l’occurrence, admirer une vue exceptionnelle), alors même que des personnes meurent en grand nombre victimes de catastrophes naturelles ou -pire- de psychopathes sanguinaires et assassins. Ils ont raison, en principe. Mais je préciserai tout de même que ces « détails de confort » cachent une réalité qui pourrait dans un avenir pas très lointain faire beaucoup plus de victimes que les plus sanguinaires des dirigeants criminels que l’on sait.