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Pénuries !

Il y a quelques jours, j’étais allongé sur une chaise, la tête au-dessous du niveau des pieds, et deux personnes tentaient par tous les moyens d’insérer divers outils dans mon orifice buccal en vue de m’administrer des soins dentaires. Une fraise de dentiste, à qui je n’avais pourtant rien fait de mal, s’ingéniait à creuser dans mon maxillaire supérieur avec des effets rien moins qu’agréables pour votre serviteur. C’est à ce moment que je me suis demandé ce qui se passerait si un génie malfaisant (ou exagérément facétieux, c’est selon) coupait l’alimentation en électricité du cabinet dentaire.

Contrairement aux blocs chirurgicaux hospitaliers, les sites de soins dentaires sont peu protégés contre des interruptions d’alimentation, car souvent situés dans des appartements réaménagés à cet effet. Une coupure de l’alimentation interrompt donc instantanément le fonctionnement de tous les outils du cabinet dentaire, ce qui eût laissé le patient (moi-même en l’occurrence) littéralement bouche bée. Il y a de nombreuses autres circonstances qui pourraient s’avérer cocasses, ou critiques selon les cas. Comment cela se passe-t-il dans un ascenseur, par exemple ? Qu’en est-il du nombre de plus en plus élevé de transactions en ligne (bancaires, commerciales, de téléachat) qui se trouvent interrompues dans un état pas trop déterminé, même si l’on utilise un ordinateur portable muni d’une batterie : le routeur d’accès est rarement protégé, lui. Et ne comptons pas trop sur nos chers et indispensables intelliphones : le réseau 4G ou 5G ne résiste pas très longtemps à une panne de courant. Les opérateurs parlent d’une heure d’autonomie pour les antennes, je peux imaginer qu’après la moitié de ce temps surgissent les premières défaillances. On ne fera que mentionner les feux tricolores de circulation souvent commandés par un système de régulation informatique complexe depuis une centrale truffée d’ordinateurs et d’écrans de visualisation du plus bel effet…

Cette problématique a toujours été présente ; mais on avait fini par la cacher sous le tapis. Fin juin 2022, le conseiller fédéral Guy Parmelin demandait aux Suisses de se préparer à baisser le chauffage en raison de pénuries prévisibles de gaz à partir de l’hiver prochain. Les citoyens suisses, confiants dans la sagesse de leur gouvernement, l’ont cru; mais comme les Suisses sont apparemment aussi assez frileux, ils ont pris proactivement d’autres mesures pour se préparer à l’hiver : ils ont fait l’acquisition massive de radiateurs électriques. Et dans le même temps, les autorités mettaient en garde la population contre les canicules à venir, ce qui a incité les gens à l’acquisition de climatiseurs bon marché et puissamment énergivores.

Le petit problème, c’est que les distributeurs d’électricité se font aussi du souci pour l’approvisionnement en énergie électrique cet hiver. L’annonce du conseiller fédéral Parmelin est un véritable appel à la surconsommation électrique, et donc au black-out que l’on voulait en principe éviter. On ne peut s’empêcher de penser que le gouvernement a un peu perdu la maîtrise du sujet, si tant est qu’il n’ait jamais possédé cette maîtrise d’ailleurs. Il n’est que de se souvenir du discours de madame Leuthard sur l’abandon des centrales nucléaires qui fut certes applaudi dans le contexte de Fukushima, mais qu’aucune mesure de remplacement ne vint compléter. Concrètement, on a décidé de supprimer plus de 30% des sources d’approvisionnement en énergie électrique du pays sans se donner la peine de réfléchir à ce qui allait remplacer ce déficit. Quelque part, l’inconscient collectif a imaginé que l’on pourrait acquérir l’énergie auprès de la France voisine, qui n’a pas encore jeté ses centrales nucléaires au rebut et ne s’apprête pas à le faire ; mauvaise pioche (indépendamment du caractère cynique de la réflexion) , car pas mal de centrales nucléaires de nos voisins sont en révision technique, actuellement.

Je sais, je me répète (l’âge, sans doute…), mais « Gouverner, c’est prévoir… » (Emile de Girardin). Mais pour un politicien, gouverner, c’est avant tout parler; pour agir, on verra plus tard, éventuellement après les élections; ou après la législature en cours; peut-être que le successeur aura le bon goût de s’en occuper, ou n’aura pas le choix de ne pas s’en occuper. Dans l’immédiat, il suffit de parler, occuper la scène oratoire et les médias par un discours qui sera jugé adéquat par la majorité électrice soucieuse de son confort.

De nombreuses personnalités de tous bords ont développé sur ce sujet une pathologie bien connue, mais assez mal documentée : l’incontinence verbale, plus difficile à contenir que l’incontinence urinaire, car une couche-culotte plus ou moins discrète ne suffit pas. Elle se manifeste par une logorrhée surabondante, et souvent assez nauséabonde et dépourvue d’intérêt pratique. Dans le domaine qui nous intéresse, il s’agit de marteler au consommateur le message selon lequel il consomme trop (de gaz, d’eau, d’électricité, d’essence, de viande, de fuel, d’air respirable, d’espace) et de lui donner de bons (?) conseils pour économiser. Ce n’est pas propre à la Suisse d’ailleurs ! Pour illustrer le discours, on va proposer des mesures cosmétiques, histoire de laisser à penser que l’on « fait quelque chose ». On va encourager les gens à installer des pompes à chaleur, alors que tout le monde est en rupture de stock; on va proposer l’installation de panneaux solaires, alors qu’ils ne sont pas livrables, ou respectivement que l’on ne peut les raccorder au réseau faute d’onduleurs.

Dans le domaine des mesures cosmétiques peu efficaces, nos voisins de France ne sont pas beaucoup plus inspirés ; le gouvernement français lutte contre le renchérissement du prix des carburants en finançant l’essence sur les deniers publics : une politique qui favorise les véhicules à grosse consommation (qui récupèrent proportionnellement plus de financement de l’Etat), et accessoirement les frontaliers genevois qui vont faire le plein en France voisine. On conseille aux gens de prendre les transports publics, on veut favoriser la mobilité douce, mais on n’a guère de scrupules à importer des véhicules affichant une puissance absurde et capables de vitesses délirantes, totalement inadéquates sur une route ouverte.

Selon diverses sources, Internet serait le plus gros pollueur de la planète (ou est en passe de le devenir). Bien sûr, ce n’est pas Internet par lui-même qui est pollueur, c’est les applications que l’on développe sur l’infrastructure; mais beaucoup tendent à confondre les deux aspects. Un courriel ne consomme pas grand-chose; un million de messages réclament déjà un peu plus d’énergie. Mais quand on sait que 70 à 80% de ces messages sont des messages non sollicités (pourriels, spams), on se demande pourquoi personne ne fait rien pour les bloquer à la source ! On se contente de les bloquer à l’arrivée, lorsqu’ils ont déjà consommé des ressources; et il n’y a même pas de législation envisagée pour limiter le phénomène, alors même que ces pourriels convoient également la quasi totalité des arnaques sur Internet.

Les principaux responsables de la surconsommation d’Internet seraient le streaming et les data center. On oublie peut-être un peu facilement les cryptomonnaies, qui représentent un poids considérable dans la consommation des infrastructures Internet; mais quelqu’un parle-t-il de réglementer la diffusion de « House of the Dragon » ? Des « Anneaux de Pouvoir » ? Pas si bête, cela rapporte bien trop d’argent…

Il y aura probablement des pénuries, certaines aboutiront peut-être à des situations cocasses ou tragiques. Mais ce sera votre faute, vous autres qui consommez trop et ne posez pas de couvercle sur la casserole pour chauffer l’eau; ce ne sera pas la faute des responsables politiques qui n’ont rien entrepris à l’époque pour favoriser une transition en douceur, alors même que le contexte géopolitique était favorable. Alors que maintenant, en situation de guerre en Europe, le problème est forcément d’un abord plus délicat…

Pas tout compris…

Il est parfois difficile de suivre le raisonnement des autorités politiques; récemment, plusieurs messages livrés par notre gouvernement helvétique (ou les gouvernements des cantons) m’ont paru tellement contradictoires que je pense que j’ai dû manquer l’une ou l’autre page du livre. L’ennui, c’est que je ne comprends pas bien ce qui a pu m’échapper. Je vais mentionner trois thèmes pour lesquels l’action gouvernementale m’échappe actuellement:

Le dossier médical du patient :

Plusieurs cantons ont décidé d’aller de l’avant avec le dossier médical du patient en version électronique. C’est une démarche louable, que personnellement j’appelle de mes vœux depuis plusieurs années. Mais l’implémentation proposée laisse perplexe. Chaque canton propose une solution en propre. La principale pierre d’achoppement du dossier médical est l’identité numérique, bien sûr, refusée par le peuple suisse dans une récente votation. Sans identité numérique, pas de dossier du patient; mais les divers cantons ont décidé d’utiliser des solutions propriétaires. Ainsi, le canton de Vaud a introduit un VaudID-santé, mais il ne sera valable que pour les résidents du canton. Genève a pour sa part un GenèveID qui remplit les mêmes objectifs. Et ainsi de suite pour les autres cantons; on peut craindre qu’à terme, la Suisse se retrouve avec une vingtaine d’identités numériques différentes pour autant de dossiers patients, du coup incompatibles les uns avec les autres, mais contenant en principe des informations similaires, voire identiques. Ceci part d’une certaine logique, car ce sont les cantons, en Suisse, qui délivrent les pièces d’identité de base; mais contrairement à la carte d’identité qui a un format bien défini, l’identité numérique nécessite des outils spécifiques pour être protégée efficacement contre les contrefaçons et déchiffrée incontestablement par une autorité intéressée. Il n’est donc pas forcément garanti que pour des informations identiques, deux identités numériques soient compatibles et/ou interchangeables. Que se passe-t-il alors si un patient déménage ? Outre le fait qu’il a forcément tort de quitter un canton pour un autre (?), on peut supposer qu’il existera des passerelles pour pouvoir transférer son dossier patient d’un système d’identification à un autre : dans le cas de la carte d’identité, il faut en faire établir une nouvelle : on ose espérer que ce ne sera pas le cas pour l’intégralité du dossier patient. Quant au patient qui aura la malchance de tomber malade ou d’avoir un accident hors de son canton, on espère que l’on pourra encore le soigner dans l’hôpital où il aura finalement atterri…

Le désir parfois obsessionnel d’autonomie des cantons prime sur la logique qui voudrait que les habitants et contribuables puissent compter sur des soins aussi adéquats que possible où qu’ils soient lorsqu’il leur arrive de tomber malades ou d’avoir un accident. La dame qui se retrouvera aux urgences au CHUM (Centre Hospitalier Universitaire de Montréal) pourra-t-elle compter sur le fait que ses soignants auront accès à son dossier médical (incluant ses pathologies, ses allergies, ses intolérances et les traitements en cours) ouvert dans le canton de Neuchâtel en Suisse ? Mais bon, c’est de sa faute, elle n’avait pas à se rendre à Montréal, et surtout pas à y tomber malade.

Pénurie énergétique en vue !

Le président de la Confédération, M. Guy Parmelin, a averti la population qu’il fallait s’attendre à des pénuries d’approvisionnement en électricité. Ce n’est pas forcément une surprise, lorsque l’on constate la croissance de la consommation, boostée par l’automobile à propulsion électrique et la numérisation des services sur des clouds de plus en plus énergivores (bien qu’aux dernières nouvelles, en Suisse, on mette les clouds publics plutôt en Chine et aux Etats-Unis, mais bon…).

Ce qui est plus surprenant, c’est que le gouvernement ne s’en rende compte que maintenant. On ferme des centrales nucléaires, on ne veut plus de l’électricité produite à partir d’énergies fossiles (avec raison d’ailleurs), mais on n’investit que timidement dans le photovoltaïque ou dans l’éolien (ce dernier de toutes manières peu rentable en Suisse, à mon avis). Parallèlement, on fait la promotion de la voiture électrique, tellement moins polluante (en réalité, juste aussi polluante en exploitation que la production de l’électricité consommée). Il semble tomber sous le sens qu’à terme, on va manquer de courant, non ? Et que fait-on pour pallier à ce prévisible manque ? La Banque Nationale Suisse continue d’investir dans les énergies fossiles qui dorénavant ne produiront plus beaucoup d’énergie en Suisse, et le conseil fédéral se coupe partiellement de l’opportunité d’importer de l’énergie des voisins européens (abandon de l’accord-cadre avec l’UE, qui eût grandement facilité ce genre d’échanges). Encore faut-il que les voisins européens ne subissent pas de pénurie de leur côté, ce qui est loin d’être une certitude. La logique de la chose m’échappe, mais il est vrai que je ne suis pas politicien et encore moins gouvernant.

« Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte » (Emile de Girardin, La politique universelle, 1852).

Nos dirigeants pensent sans doute que comme l’auteur de cette citation est décédé depuis longtemps, elle n’a plus de raison d’être…

Pandémie numérique ?

De nombreux experts le disent : la prochaine pandémie sera numérique. D’aucuns pensent que cette pandémie a déjà commencé, et je partage cette opinion, bien que je ne me prétende pas expert. Les nombreuses attaques récentes de pirates informatiques ont fait la une des médias, d’autant qu’après avoir ciblé de grandes structures privées ou semi-privées, on s’attaque désormais aux données de communes (Rolle, Montreux). Un « débat » sur ce sujet a fait l’objet d’une retransmission de l’émission Infrarouge sur la RTS. Je mets le terme entre guillemets, parce que par moments, cela devenait aussi inaudible qu’une discussion entre Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon (cette référence a été sélectionnée au hasard, il y a un vaste choix à disposition !).

Il est intéressant de constater que cela fait maintenant de nombreuses années que les spécialistes ont anticipé ces attaques, et mis en garde contre leur généralisation; mais les autorités à qui on demande d’anticiper les mesures à prendre pour se protéger contre de telles attaques ont préféré ne rien faire; à entendre le discours des protagonistes politiciens de l’émission susmentionnée, on comprend d’ailleurs que c’était peut-être préférable; mais en l’état, rien n’a été entrepris. On ne sait d’ailleurs pas très bien qui aurait entrepris quelque chose; le département militaire fédéral (théoriquement responsable de la sécurité, tout de même) a d’autres avions de combat à fouetter, le département de justice et police ne semble pas concerné. Le département militaire fédéral a initié depuis cette année un projet de cyberdéfense, mais apparemment, il ne sera vraiment opérationnel qu’en 2024. Quelque peu bizarrement, c’est le département fédéral des finances qui a mis sur pieds un Centre National pour la Cybersécurité qui permet un certain suivi des cyberattaques. Il est probable que l’on estime en haut lieu que les cyberattaques ne concernent que les finances, et qu’elles ne peuvent impacter les hôpitaux, l’industrie, les renseignements militaires, voire le processus démocratique même des Etats : ces hauts responsables feraient bien de suivre un stage chez Trump ou chez Poutine, entre autres…

Il est en tous cas navrant d’entendre (lors de l’émission en question) Mme Nuria Gorrite vanter l’excellence du travail (sans dire lequel, pas si bête !) accompli par ses services dans le canton où elle sévit (tout de même soumis à de nombreux cas de cyberattaques, il est vrai que le canton est grand), et encore plus navrant d’entendre M. Philippe Nantermod user et abuser de l’analogie pour le moins fallacieuse avec une porte d’entrée (je suppose que chez lui à Morgins, il la ferme à clé, mais est-ce bien le cas pour tous les ports logiciels TCP ou UDP qu’il utilise ?) pour affirmer qu’il faut laisser la sécurité aux mains des usagers.

La conclusion des politiques est que tout va bien, et que s’il y a des problèmes quelque part, ce n’est pas de leur fait, car eux font tout juste. La malnommée politique de l’autruche (on n’a jamais vu une autruche enfouir sa tête dans le sable en cas de danger, pas si bêtes, ces bêtes-là) est apparemment aussi de mise dans le cas de la cybersécurité. Il est vrai que les politiciens responsables sont peu ou prou les mêmes, plus préoccupés par les impératifs de réélection que par les dégâts occasionnés par leur impéritie. Tant pis pour la logique, car lors de l’inévitable catastrophe que va entraîner leur attitude, leur réputation va en souffrir; à moins qu’ils ne se trouvent l’un ou l’autre bouc émissaire…

Bouc émissaire tout trouvé : comme le répèterait M. Nantermod, l’utilisateur victime d’une cyberattaque aurait dû mieux se protéger; les consommateurs privés d’électricité n’avaient qu’à moins consommer; et le patient confronté à une incompatibilité informatique de son dossier médical n’eût pas dû tomber malade. Après tout, nous sommes des personnes responsables de leurs actes, n’est-ce pas ? Mais selon cette logique, à quoi peuvent encore bien servir les politiciens dans un Etat qui n’a plus aucune responsabilité ?