Les Valaisans sont souvent qualifiés de roublards. Madame Viola Amherd ne fait pas défaut à cette réputation; voilà qu’elle invente un trou d’un milliard dans son département pour laisser accroire que l’armée est à cours de liquidités, et qu’elle fait répandre en parallèle la rumeur que la Suisse serait désormais en danger, menacée par une invasion russe à plus ou moins brève échéance. Ses sous-fifres, moins rusés qu’elle (mais il faut leur pardonner, ce sont des militaires, et qui plus est suisse-allemands non valaisans) mettent quelque peu les pieds dans le plat en se contredisant maladroitement, mais dans l’ensemble, ils confirment l’impression générale laissée par leur cheffe de file. L’armée est en manque de liquidités, en manque de personnel, en manque d’hommes (et aussi de femmes, mais bon, on peut faire sans). Tout le monde s’émeut de la situation, droite et extrême-droite en tête; la gauche n’ose pas trop discuter de peur d’être taxée d’irresponsabilité au moment où ils s’apprêtent à dépenser inconsidérément de l’argent pour payer une treizième aumône (c’est vrai que certains osent parler de salaire) pour les retraités. Quant au centre, pas de souci, ils sont du même parti, ils ne vont pas tirer sur leur consoeur, si ? Certains acteurs ne vont certes pas se priver de tirer à boulets rouges sur l’imprévoyance de la ministre de la défense; mais ce n’est pas un problème : au contraire, cela ajoute de la crédibilité à la demande de finances supplémentaires !
Là-dessus, madame Viola présente un budget à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de francs suisses pour « constituer une armée crédible face aux nouvelles menaces qui se profilent à nos frontières ». Et ça marche; personne n’ose discuter une dépense de plusieurs milliards dans les prochaines années, « pour se défendre contre ce salaud de Poutine », alors que la droite ergote sur les quelques milliards qui risqueraient éventuellement de mettre un peu de beurre dans les épinards de quelques malheureux retraités qui ont déjà dû divorcer pour parvenir à survivre. Si vraiment la treizième rente AVS était trop coûteuse, alors pourquoi le Conseil Fédéral, ou la droite et le centre, ou les ex-conseillers fédéraux à qui personne n’avait rien demandé en dépit de leurs CHF 20000.- de rente mensuelle, n’ont-ils pas jugé bon de présenter un contre projet plus judicieux ?
On se demande comment financer l’AVS, mais le financement de l’Armée ne constitue aucun problème. Apparemment, c’est nécessaire, puisque des spécialistes auto-proclamés (comme l’autre valaisan Jean-Luc Addor, mais lui n’est même pas roublard) disent que l’ennemi est aux frontières, ou en passe d’y parvenir.
Soyons sérieux ! Il ne semble pas totalement improbable qu’en cas de victoire de Poutine sur l’Ukraine, il continue en annexant l’Estonie, puis la Lettonie et la Pologne; mais avant qu’il parvienne aux frontières suisses, il lui faudra encore bouffer l’OTAN dans son intégralité; alors, en toute logique, ne vaudrait-il pas mieux faire partie de l’OTAN pour éviter que les troupes de Poutine ne parviennent à nos frontières ? Parce que si l’OTAN se fait bouffer, franchement, vous croyez que la Suisse fera mieux que ne le fait l’Ukraine actuellement ? Si vraiment Poutine est la menace ultime, alors faisons partie de l’OTAN, et nos investissements militaires deviendront sans doute plus crédibles; si l’Occident et ses valeurs sont menacées, alors adhérons à l’Occident, à l’Europe, à l’Union Européenne en l’occurence; avec tous ses défauts, elle avance tout de même de manière plus crédible que notre Conseil Fédéral qui n’a plus de conseil que le nom, et de fédéral que la fonction.
Le gouvernement suisse est devenu médiocre; la faute au consensus, probablement. On élit les personnes les moins clivantes; on met en avant Mme Baume-Schneider pour ne pas risquer avoir le syndicaliste Maillard à la prochaine occasion; on pourrait citer d’autres exemples; peu importe après tout. Le fait est que le système est devenu un exemple du plus petit dénominateur commun; à ce jeu, la roublardise de Madame Amherd fait merveille : les combines pourries ont toujours fonctionné à merveille chez les médiocres.