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La neutralité de l’information

L’administration américaine de Donald J. Trump l’a fait : les opérateurs ont désormais le pouvoir d’influer sur l’accès à l’information en fonction de critères qui leur appartiennent. Potentiellement, cela ouvre de nombreuses possibilités aux opérateurs américains, au nom de la dérégulation, pour s’émanciper de lois dont l’administration Trump veut se débarrasser. Un opérateur comme AT&T ou Verizon peut ainsi « freiner » délibérément l’accès à une ressource par un particulier parce qu’il n’a pas souscrit à un abonnement spécial. On connaît ce mode opératoire avec la télévision, où l’on paie un surplus pour l’accès à un bouquet de chaînes particulier. Mais il est vrai qu’à la télévision, l’effet ressenti par le client est quelque peu différent.

Cette dérégulation américaine n’aura probablement pas une incidence particulière sur nous autres européens, du moins dans un premier temps : l’impact principal devrait se situer au niveau du réseau d’accès et ne pas avoir de conséquences négatives sur le réseau de transit dont nous dépendons lorsque nous consultons un site basé aux Etats-Unis. Mais on sait que les coutumes américaines  (bonnes ou mauvaises) traversent assez volontiers l’Atlantique; il est donc raisonnable de s’inquiéter des conséquences possibles.

Dans un premier temps, la dérégulation n’est qu’un mécanisme permettant de se faire un peu plus de fric sur le dos du consommateur d’informations. Genre :  » Vous avez le pack InTwo Basic à 30€ par mois; mais je vous conseille plutôt le pack InTwo Plus à 37€ qui comprend un accès prioritaire et préférentiel aux services de Facebook, par exemple ». En termes techniques, cela signifie que si vous ne choisissez pas le tarif le plus élevé, chaque paquet IP provenant de Facebook sera pénalisé d’un délai de commutation de 50 ou plus de millisecondes lors du passage par le serveur d’accès auquel vous êtes connecté. Pour l’opérateur, c’est plus compliqué puisqu’il doit gérer plus longtemps le paquet dans son routeur; mais que ne ferait-on pas pour se faire un peu plus de fric ? Sans parler du mensonge potentiel que le vendeur ne résistera pas à vous servir, puisque l’opérateur, en l’occurrence, ne vend pas un service supplémentaire, mais monnaye l’élimination du bridage intentionnel de ce service. Un peu comme si la voiture que l’on vous vend a le frein à main serré, et que le desserrage du frein est une option payante…

Mais cette dérégulation ouvre aussi la porte à d’autres craintes : rien n’empêche un opérateur de pénaliser un service ou un autre sur ce même principe. Lorsqu’il y a de la concurrence, le risque est moins important, du moins en théorie; mais on sait ce que signifie en réalité la notion de concurrence entre de grands acteurs comme les opérateurs de télécommunications, en l’occurrence ! La crainte de voir pénaliser des sources d’information n’est donc pas si théorique qu’on pourrait l’imaginer en l’absence d’une réglementation adéquate : tel site qui dénonce des tarifs excessifs de la part d’un opérateur pourrait devenir soudain difficile d’accès… Et chacun peut se laisser aller à imaginer d’autres scénarios, dans certains cas beaucoup plus inquiétants.

Je ne suis donc pas du tout persuadé qu’une déréglementation en l’occurrence soit une bonne chose, même si on peut argumenter que certains régimes ont abusé de la réglementation pour brider l’accès à l’information (voir la Chine ou la Corée du Nord, par exemple; bon, pour la Corée, c’est plus simple : ils n’ont aucun accès à l’information…). L’accès à l’information, dans une démocratie, ne devrait pas ne répondre qu’à la loi du marché; chaque source d’information devrait idéalement pouvoir être exprimée, sauf violation manifeste des lois existantes (sites malveillants, criminels, pédophiles, etc…). Cette règle, même si son application pose quelques questions difficiles à résoudre, doit permettre aux minorités de s’exprimer et d’accéder à une information qui les intéresse. Laisser cette responsabilité à l’économie privée, c’est -toutes proportions gardées- comme conférer à Microsoft ou Apple le soin de définir le système d’exploitation à utiliser par tout un chacun. La probabilité que le choix soit réellement impartial est assez faible…

Tiens, à ce propos, la Suisse votera, en mars prochain, pour l’abrogation d’un article constitutionnel concernant le rôle des médias, et indirectement de la subvention accordée à certains pour promouvoir une information équitable pour tous. L’initiative populaire à l’origine de ce vote s’appelle No Billag, du nom de la société qui était chargée jusqu’à cette année 2017 de la collecte des taxes servant à alimenter les subventions. Si cette initiative est acceptée, il n’y aura plus de taxes, et partant plus de subventions, ce qui implique la mort à court terme, ou au moins le dégraissage massif pour les chaînes de TV dites « nationales » (par équivalence, en France, on verrait disparaître une proportion significative des contenus des chaînes 2, 3, 4, 5 et Ô); plus préoccupant à mon avis, il n’y aura plus non plus d’article constitutionnel pour garantir un semblant d’équité d’accès à l’information au niveau national entre les diverses communautés formant la mosaïque helvétique : l’autorité suisse n’a pas jugé bon de présenter un contre-projet à cette initiative populaire qui aurait permis de garder un texte de référence dans la Constitution… Pas de plan B ! On peut avoir une petite idée de ce que donnerait une acceptation de cette initiative en suivant l’émission de TV consacrée à l’élection des « Swiss Sports Awards »  justement financée par l’économie privée, en l’occurrence une grande banque zurichoise. La proportion de commentaires en français, italien ou romanche est révélatrice, d’ailleurs, même le commentaire principal n’est pas en allemand, mais en dialecte zurichois… Notons encore, sur ce même sujet, qu’une éventuelle disparition des chaînes de TV dites nationales impacterait forcément le contenu diffusé sur la TNT : ceux qui n’ont pas de raccordement au téléréseau auront-ils encore un raccordement TV autrement que par satellite ? On peut se poser la question.

Cette initiative, bien que touchant des médias différents de l’abrogation de la loi américaine, vise des objectifs identiques : la dérégulation de l’accès à l’information. Et je persiste à penser que, même si la situation actuelle n’est de loin pas idéale, elle est infiniment meilleure et moins dangereuse que ce que laisse entrevoir une dérégulation sauvage.

 

 

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Des animaux et des hommes…

Il est devenu de bon ton de parler de spécisme et corollairement d’anti-spécisme pour justifier une alimentation traditionnelle (avec apport de protéines d’origine animale) ou purement « végétale ». On tend chez les anti-spécistes à renoncer à toute forme d’utilisation de ressources animales (pas de cuir, pas de laine, etc…), rejoignant ainsi les mouvements dits « véganes ». Bien sûr, cette tendance se traduit abondamment dans divers débats télévisés réunissant (si toutefois on peut parler de « réunion ») de fervents défenseurs des animaux d’une part (véganes ou végétariens généralement) et des carnivores ou des éleveurs. Le genre de débat programmé pour qu’aucune discussion constructive ne puisse avoir lieu, un de ces débats dont la télévision semble avoir le secret, avec un « modérateur » vite dépassé par les évènements et qui se contente au final d’essayer de distribuer équitablement le temps de parole entre les « pro », les « contra » et la pub.

Et que je te parle de l’empathie que peuvent manifester les animaux, de la délicatesse avec laquelle on abat les cochons, des adorables poussins qu’il semble impossible de consommer, etc… Et que je te rétorque avec les problèmes économiques qu’entraînerait une renonciation à l’exploitation des animaux de rapport. Entre ceux qui veulent continuer à bouffer de la viande et ceux qui ont totalement renoncé à en consommer, il ne peut guère y avoir débat.

Ainsi, quand on me dit que les animaux peuvent avoir de l’empathie, je peux agréer à l’affirmation; mais jusqu’à un certain point. Mon chat manifeste une empathie certaine pour mes caresses et accessoirement pour les croquettes que je lui propose dans son distributeur. Bon, il manifeste aussi une certaine forme d’empathie pour les souris et les  petits oiseaux. Vous avez déjà vu un chat jouer avec une souris vivante pendant de  longues minutes ? Ben franchement, je ne souhaiterais pas être à la place de la souris. Les humains ne sont donc pas seuls à maltraiter les animaux, même si je ne défends aucunement la maltraitance des animaux.

Et un lion qui se déguste une gazelle au déjeuner, vous avez déjà vu ? Et un bête doberman qui se paie un jeune faon à l’apéro avant d’aller bouffer sa pâtée ? (Eh oui, ça arrive, j’avais un voisin célèbre, un éditeur romand très connu, qui lâchait son molosse dans la forêt à une certaine époque. Je retrouve encore parfois des bouts de squelette en me promenant…). Par ailleurs, comparer les animaux aux humains n’est pas forcément sympa pour les animaux. Un chat peut torturer une souris pendant le temps qu’il veut, il n’arrivera jamais à la cheville des  bourreaux nazis (ou de certains idéalistes con-vaincus con-temporains) question cruauté. Non, là où le débat (puisqu’il faut appeler débat une cacophonie où chacun s’ingénie à parler en même temps que les autres) passe totalement à côté du sujet, c’est qu’il passe comme chat sur braise (si je puis me permettre) sur des problèmes qui me semblent vraiment fondamentaux :

  • L’élevage constitue un problème majeur du point de vue écologique, en raison du méthane dégagé (les pets des vaches, en fait) qui accentue notablement l’effet de serre. En revanche, l’élevage est une activité vitale pour nombre de régions qui n’ont pas d’autres débouchés économiques, comme les vallées de montagne, où ces braves vaches, ces charmantes chèvres et ces moutons jouent aussi un rôle écologique positif en broutant l’herbe et  en entretenant les alpages, directement ou indirectement. Mais sans consommation de viande, l’élevage devient une activité assez peu intéressante, non ? Alors, comment on entretient les alpages ? Parce que les faucheuses, ça coûte cher en main d’oeuvre, et ça pollue pas mal non plus… Et si on ne peut même plus tondre la laine des moutons, ou traire les vaches, alors à quoi bon ?
  • Invoquer des considérations d’intelligence ou d’empathie des animaux pour prôner le végétarisme ou le véganisme me paraît pour le moins hasardeux. J’ai quelques doutes sur l’intelligence ou l’empathie d’une huître, pour ne rien dire d’un ver de terre ou des criquets dont on nous promet des steaks fumants dans un futur très proche (enfin, pas trop proche, j’espère…). Il faudrait donc diviser les animaux en « supérieurs » et « consommables »… Mais où place-t-on le curseur ? Je connais des personnes (très sympathiques au demeurant) qui me diront « pas de curseur, on ne mange pas d’être vivants ». Bon, alors arrêtes de vivre,  collègue, parce qu’avec les millions de bactéries que tu ingères  (et qui sont nécessaires à ta vie), tu es un assassin d’êtres vivants comme les carnivores (pour ne rien dire des limaçons qui traînent dans ta salade) ! Je répète : le curseur, on le met où ?
  • On pourrait mettre le curseur au niveau des mammifères; et tant pis pour les élevages de saumons de la mer du Nord; mais zut ! les volailles ? On pourrait établir une liste. Forcément arbitraire, et variable selon la culture des gens incriminés. Pas simple…
  • Historiquement, il semble avéré que le primate a évolué vers l’humanité en diversifiant ses sources d’alimentation. Le fait de devenir chasseur lui a imposé le développement d’accessoires pour tuer des êtres nettement plus puissants que lui. Développement d’accessoires qui a conduit à la facture d’outils et a au final développé les facultés de raisonnement et l’inventivité chez ces primates. Une rupture avec une habitude alimentaire qui a contribué au succès de l’espèce est-elle vraiment sans conséquences négatives ? Ces « débats » manquent souvent de scientifiques, d’ailleurs…
  • Un régime alimentaire sans aucune protéine animale (je ne parle pas forcément de viande, ici) est souvent difficile à équilibrer, à tel point qu’il est souvent nécessaire d’utiliser des compléments alimentaires. C’est en particulier le cas pour les enfants de couples véganes, qui montrent des carences alimentaires parfois inquiétantes. On peut raisonnablement se poser la question de la pertinence d’un régime alimentaire qui impose l’utilisation de compléments alimentaires industriels…

Il est d’ailleurs surprenant de constater que dans ces débats télévisés, on demande leur avis à des personnes dont chacun connaît la position plutôt qu’à des scientifiques au discours plus nuancé. Un peu comme inviter Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi (calife Ibrahim, de l’Etat Islamique d’Irak) pour discourir sur la laïcité de l’Etat, ou Oskar Freysinger pour avoir son avis sur l’immigration… C’est vrai que ces deux protagonistes feront certainement plus d’audimat que le professeur Dupont de la Faculté des sciences humaines de l’université de Lille 3 (excellente faculté, par ailleurs).

Pour en revenir au débat sur l’alimentation fondée sur l’exploitation animale, comme à l’accoutumée, les positions extrêmes sont généralement peu pertinentes. Il est sans doute pertinent et nécessaire de consommer moins de ressources d’origine animale, et aussi de garantir aux animaux une plus grande qualité de vie. Quant à y renoncer complètement, c’est peut-être un débat à long terme qu’il faudra envisager, mais à court terme, cela semble pour le moins déraisonnable.

 

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Intelligence artificielle

Vous n’avez jamais entendu parler d’intelligence artificielle, ni récemment entendu parler de robots intelligents ? Bravo ! Vous avez découvert l’un des derniers endroits de la planète à l’abri des médias et d’Internet, et vous avez la sagesse d’y habiter ! Mais si comme l’homo connectis moyen, vous entendez parler d’intelligence artificielle tous les jours, alors une bête question : c’est quoi, l’intelligence ? 

Selon Wikipédia, c’est « l’ensemble des processus de pensée d’un être vivant qui lui permettent de comprendre, d’apprendre ou de s’adapter à des situations nouvelles« . On peut imaginer, d’après cette définition, que l’intelligence artificielle doit être quelque peu différente. Comment un ordinateur peut-il faire preuve d’un équivalent d’intelligence ? 

La réponse est forcément complexe; après tout cela fait plus de cinquante ans que les chercheurs rêvent d’imiter l’intelligence avec un algorithme d’ordinateur. La première application réellement opérationnelle de l’AI (Artificial Intelligence) a été dans l’écriture d’algorithmes de jeu pour ordinateur. Ainsi, l’ordinateur a permis de battre l’humain aux échecs, puis récemment au jeu de Go; comment fait-il ? 

On peut grossièrement décrire le processus de base avec quelques (deux ou trois) mécanismes de base qui constituent aussi (en simplifiant quelque peu) l’ossature élémentaire de tout processus d’intelligence artificielle. Il y a tout d’abord la description des règles du jeu. Ceci inclut l’architecture du plan de jeu, les mouvements et les comportements des éléments mobiles du jeu. Le plan de jeu peut être ou non connu au départ, ce n’est pas là l’important : un aspirateur robot, par exemple, va devoir travailler sans connaissance a priori du plan sur lequel il évolue, alors qu’un robot joueur d’échecs dispose d’un plan de jeu figé de 64 cases en damier de 8 par 8, sur lequel il peut déplacer des pièces de manière dépendante de la pièce en question. Quant à l’aspirateur robot, ses règles de déplacement sont assez simples : cela passe ou ne passe pas, ses capteurs lui permettant en théorie de décider si un escalier devant lui constitue un obstacle infranchissable ou non.

Le deuxième élément est la fonction d’évaluation. A un instant donné, la situation pour chacun des joueurs est plus ou moins favorable. En principe, ce qui est favorable pour A est plutôt défavorable pour B, selon le jeu en question. L’art est de parvenir à une bonne quantification du caractère favorable d’une situation de jeu à un instant donné. A partir de cette situation, on pourra simuler tous les mouvements possibles, ainsi que les réponses possibles de l’adversaire pour parvenir à un nouvel état théorique du jeu. Parmi tous les essais que l’on aura ainsi effectué, on pourra choisir le meilleur selon la métrique de notre fonction d’évaluation. Bien sûr, on peut pousser plus loin l’exploration, en refaisant la même opération à partir de chacun des tableaux calculés, ceci éventuellement plusieurs fois de suite : on parle alors de profondeur de recherche. Plus elle est grande, plus l’ordinateur possède un grand nombre de coups d’avance sur son adversaire; dans un jeu simple, comme Othello, il peut même se permettre d’être complètement exhaustif après quelques coups initiaux, ce qui le rend pratiquement invincible. A ce stade, on constate deux problèmes qui semblent constituer le talon d’Achille de la méthode : la fonction d’évaluation doit être de bonne qualité (représenter une métrique réaliste de la situation de jeu), et de surcroît doit être assez simple à calculer, car cette estimation devra être répétée des centaines de millions de fois dans la partie, ce qui fait la lenteur de la prise de décision de l’ordinateur.

Plusieurs éléments de réponse ont été apportés à ces deux problèmes; ainsi, on a pu simplifier la recherche en évitant d’examiner des situations lorsque l’on pouvait être sûr qu’elles ne pouvaient en aucun cas conduire à un résultat meilleur que ce que l’on avait déjà évalué (algorithme minimax, ou alpha-bêta). On a aussi introduit des fonctions d’évaluation variables (en début de partie, on ne recherche pas forcément les mêmes positionnements qu’en milieu ou en fin de partie) pour améliorer les qualités stratégiques de l’ordinateur et lui permettre de mieux jouer avec une recherche moins exhaustive. On a aussi ajouté à la fonction d’évaluation la possibilité de vérifier si telle situation s’était déjà produite dans une partie précédente, et à quel résultat elle avait finalement conduit : cela a été l’introduction, en particulier dans les jeux d’échec, de bases de données de parties déjà jouées. On a commencé avec des parties de Grands Maîtres Internationaux, puis on a permis à l’ordinateur de stocker ses propres résultats, ce qui lui a conféré la capacité d’apprentissage. Enfin, on a mis ces bases de données en réseau, ce qui permet théoriquement à n’importe quel ordinateur de la planète de profiter de l’expérience de toutes les parties jouées par ses confrères n’importe où dans le monde. La dernière performance en la matière est celle de l’algorithme AlphaGo Zero de DeepMind (l’AI selon Google, pourrait-on dire), qui est parti avec une base de données vierge (en ne connaissant que les règles du jeu de Go ainsi que les objectifs de base, donc une fonction d’évaluation basique), et qui l’a lui-même améliorée en jouant contre lui-même des millions de parties jusqu’à pulvériser la version précédente Alpha Go (version ayant battu à plate couture le meilleur humain) par 100 victoires à zéro. 

Ces mêmes principes s’appliquent peu ou prou à tout programme contenant un peu d’intelligence artificielle, par exemple la voiture autonome. Le plan de jeu et les règles sont infiniment plus complexes, et la fonction d’évaluation est potentiellement aussi complexe que l’on veut bien le définir, mais à la base assez simple : toute solution qui conduit en un temps raisonnable à un endroit situé plus près de l’objectif final sans accident et sans violation des règles de la circulation est en principe une solution viable. Sauf que dans le cas du jeu d’échec ou du jeu de Go, les adversaires jouent à tour de rôle, alors que dans la circulation automobile, les adversaires sont nombreux et jouent simultanément ! De plus, certains des joueurs n’obéissent pas aux règles (chauffards, ivrognes, animaux). Certains joueurs ne sont probablement même pas prévus dans l’évaluation, ce qui rend une prévision (profondeur de recherche), même à court terme, aléatoire.

Intervient un nouveau paramètre qui est la fréquence de l’évaluation de la situation. La voiture autonome doit en permanence réévaluer la situation pour décider s’il vaut mieux continuer sur sa lancée, obliquer ou freiner. Bien sûr, elle perçoit la situation par le biais de capteurs qui lui livrent un modèle simplifié de la réalité, modèle qui est jugé suffisant pour assurer la fonction de l’automobile; mais cela reste néanmoins un modèle simplifié et qui va forcément présenter des lacunes. On remplace en quelque sorte la profondeur de la recherche devenue peu utile par la fréquence d’évaluation, mais c’est toujours cette satanée fonction d’évaluation qui va déterminer la précision de l’analyse : le temps nécessaire à son calcul va déterminer la fréquence avec laquelle la voiture autonome pourra réagir à un événement imprévu, et la pertinence de la fonction va déterminer le bien-fondé de la réaction de la voiture.

Bien sûr, face à des problèmes complexes, le modèle simplifié risque de ne pas suffire. En l’état actuel des choses, la voiture autonome n’est pas intelligente, et ne fait qu’appliquer de manière plus ou moins pertinente un algorithme (la fonction d’évaluation) qui analyse un environnement simplifié avec une logique figée qui ne saurait s’adapter intelligemment  à une situation qui n’est pas prévue dans son modèle : en un mot, une situation nouvelle. Prenez une voiture qui se met à glisser latéralement dans une neige profonde et glissante, au risque de partir dans le fossé (ou pire, un précipice), et il y a fort à parier que la voiture va réagir en freinant, ce qui est bien sûr la dernière des choses à faire. Soyons justes : la grande majorité des conducteurs ferait la même erreur…

J’ai entendu un expert dire que la voiture autonome aurait de la peine à prendre certaines décisions, comme en cas de dilemme, prendre le risque d’écraser soit une maman avec un landau, ou un vieillard. Que choisir ? On pourrait se demander si un conducteur humain aurait le temps de se poser la question le cas échéant; mais pour l’ordinateur, on n’en est pas là ! Les algorithmes de vision ne sont pas (encore) capables de faire ce genre de différences avec les caméras actuelles et avec le peu de temps à disposition. L’apparition des smartphones a fait gagner plusieurs ordres de grandeur à la puissance de calcul des processeurs, mais il faudra gagner encore quelques ordres de grandeur pour en arriver à un stade où il faudra réellement commencer à inclure des notions d’éthique dans les fonctions d’évaluation. Quoiqu’en disent les inconditionnels de l’AI, les lois de la robotique d’Isaac Asimov ne sont pas encore d’actualité.

Ce qui ne m’empêchera pas de m’asseoir avec plaisir au volant d’une voiture autonome (électrique, sûrement) et de lui dire « Amènes-moi à Sète et en attendant, passes-moi un bon film » le jour où cela deviendra possible (et s’il y a de bons films disponibles, bien sûr). Sur un environnement purement autoroutier, le problème de l’évaluation de la situation est assez simple, finalement; donc cela devrait être jouable dans un futur raisonnablement proche. Mais bon, je ne suis tout de même pas certain de vivre ce jour…

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Au nom de la religion…

Imagine there’s no countries,
It isnt hard to do,
Nothing to kill or die for,
No religion too,
Imagine all the people
living life in peace…

John Lennon, Imagine, 1971

Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion… Pas de bombes suicides, pas de 11 Septembre, pas de Croisades, pas de chasses aux sorcières, pas de Conspiration des poudres, pas de partition de l’Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbo-croates, pas de persécutions de juifs, pas de troubles en Irlande du Nord, pas de crimes d’honneur, pas de télévangélistes au brushing avantageux et au costume tape-à-l’oeil. Imaginez, pas de Talibans pour dynamiter les statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime parcelle de peau.

Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, 2008. 

On pourrait ajouter pas mal de choses à cette tirade, tant les crimes inspirés par la religion se sont multipliés depuis le début du « printemps arabe » et les massacres en Syrie et ailleurs (Daech, Boko Haram et tant d’autres). Il ne s’agit pas de fustiger une religion ou une autre : toutes les religions finissent par générer des attitudes mortifères et extrêmes; même le bouddhisme, que des idéalistes (souvent très sincères) ont longtemps estimé comme étant au-dessus de ces tendances extrémistes, peut engendrer la violence et le rejet de l’autre (celui qui ne croit pas la même chose).

J’ai moi-même passé une bonne partie de mon adolescence dans un milieu chrétien, catholique (collège de l’Abbaye de Saint-Maurice) et réformé (paroisse protestante de Bex); j’ai eu donc le temps de me familiariser avec les mécanismes de la croyance religieuse, même si je ne puis prétendre à une grande expertise en la matière. Mes connaissances en la matière ont tout juste suffi à me dégoûter de ces démarches d’un autre âge, à l’époque où il fallait convaincre les miséreux qu’un monde meilleur les attendait, de façon à ce qu’ils restent miséreux pour enrichir les seigneurs qui entretenaient les religieux. Un âge encore tout à fait actuel où il faut persuader encore et toujours les femmes qu’elles sont à l’origine des péchés du monde, et qu’elles doivent continuer à « enfanter dans la douleur » tout en se voilant le visage et en attendant bien sagement à la maison le retour du maître. 

Sans religion, il n’y aurait pas d’imam (Komyrespir, un hommage ému à Frédéric Dard au passage) pour pervertir de jeunes paumés et les envoyer se faire tuer dans le désert de Syrie ou se faire sauter dans un tramway d’une capitale occidentale. Il n’y aurait pas de femme voilée jusqu’aux yeux ou plus, comme si une tempête de sable menaçait la ville de Paris où elle vit pourtant. Il n’y aurait pas de barbapoux en qamis ,  vivant aux crochets de la société civile, et dont on se demande si son accoutrement ne sert pas à dissimuler une k-allah-schnikov. Il n’y aurait pas de prêtres cul-sous-tannés utilisant la respectabilité conférée par l’habit pour satisfaire leurs désirs pédophiles (mais il y aurait toujours des pédophiles, ça oui !). Il n’y aurait pas eu d’Isabelle la Catholique pour massacrer des innocents dont le seul crime était de ne pas interpréter la foi comme l’Inquisition Espagnole qu’elle a fondée (Et dire qu’il y a des esprits barjos qui veulent en faire une sainte : cela montre finalement le peu de cas que fait parfois la religion catholique de la misère des mal lotis). Et je ne suis pas persuadé que l’absence de religion eût empêché l’avènement et l’action de personnes comme Albert Schweitzer ou mère Thérésa. 

Sans religion, il n’y aurait pas non plus de cathédrales à visiter : non que cela me manque personnellement, mais la visite de ces monuments constitue tout de même une source de revenus intéressante pour un grand nombre de régions touristiques. Il est vraisemblable que l’utilisation de ces ressources pour la confection d’égouts ou d’aqueducs eût mieux servi les intérêts des populations de l’époque, mais voilà… Il n’y aurait pas non plus de chapelle Sixtine; et sans l’argent des papes (Sixte IV, à l’époque l’Eglise était incroyablement riche dans un monde composé de très riches et de miséreux, au fait cela me rappelle quelque chose), il n’est pas certain que Michel-Ange et ses collègues aient pu peindre ce plafond admiré par jusqu’à 20000 visiteurs par jour.

En revanche, l’absence de religion n’eût pas empêché l’avènement de Napoléon, de Hitler, de Staline ou autres Mao Dze Dong. Ou plus proche de nous, Donald Trump, Kim Jong Un ou Tayyip Recep Erdogan. L’absence de raisonnement construit et logique n’est malheureusement pas l’apanage de l’obscurantisme religieux; il y a bien des créationnistes athées (juste que l’on se demande comment ils peuvent croire en une création sans l’existence d’un dieu quelconque, mais bon, après tout, c’est leur problème, hein ?), et des docteurs en biologie qui réfutent la théorie de l’évolution, alors… La religion à elle seule ne permet pas d’expliquer toutes les tares du monde où nous vivons. Heureusement, d’ailleurs, en particulier pour ceux (plus nombreux que l’on croit) qui en vivent.

Il n’est pas certain que le monde se porterait mieux sans religion; mais je suis raisonnablement persuadé qu’il ne se porterait pas plus mal.

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La valeur de l’argent

Connaissez-vous le Paris-St.Germain (PSG pour les intimes) ? Probablement en avez-vous entendu parler, et fait le rapport avec un club de football plus célèbre pour la fortune de ses propriétaires qatari que pour ses résultats sportifs (comment dites-vous ? je n’y connais rien ? vous avez absolument raison, mais là n’est pas mon propos). Vous avez sans doute appris que ce même PSG avait réalisé le transfert de joueurs le plus cher de l’histoire avec le brésilien Neymar, transféré pour plus de 200 millions de Barcelone.  Le salaire du joueur sera de l’ordre de 30 millions, sans compter les contrats publicitaires qu’il a conclu avec ses sponsors. 

On s’indigne parfois des salaires excessifs de certains grands patrons de l’industrie; mais sans aucunement justifier les sommes qu’ils engrangent en guise de salaire ou de parapluies dorés, on peut se demander si ces excès ne sont pas moins scandaleux dans leur cas que dans le contexte d’un individu qui joue à la baballe avec ses petits petons, aussi doué soit-il…

Il est bien entendu impossible de justifier d’un salaire de 30 millions de dollars, ou d’euros. Comment un individu sain d’esprit pourrait-il raisonnablement affirmer qu’il mérite un salaire pareil, alors que ses semblables, en travaillant au moins autant, sinon plus, parviennent à peine à joindre les deux bouts, quand ils y parviennent ? A moins d’être maladivement imbu de soi-même…  Il est vrai que cela existe; il  y a un certain numéro 7 jouant au Real de Madrid qui a une si haute opinion de lui-même que cette hauteur ridiculise même celle de Burj Khalifa. C’est dire…

Dans un autre registre, Apple Computers va probablement atteindre une capitalisation de mille milliards de dollars à la fin de l’année en cours. N’essayez pas de vous représenter une telle somme, et ne tentez surtout pas de mettre ce chiffre en relation avec votre bel iPhone 7 (« presque magique », dit la pub, à raison dans ce cas) qui a participé à ce résultat. Mais consolez-vous en remarquant que, après tout, cela ne représente que 5% de la dette des Etats-Unis… Néanmoins, en billets de mille dollars empilés, il faudrait tout de même une bonne centaine de Burj Khalifa empilées les une sur les autres pour parvenir à une colonne de hauteur équivalente à mille milliards de dollars !

Ces sommes astronomiques n’ont plus aucune signification rapportée à la valeur ajoutée du travail effectué. Ce qui pose inéluctablement la question de savoir comment mesurer la valeur d’une activité rémunérée. Visiblement, la métrique du salaire n’est pas utilisable, car cela signifierait que le football de M. Neymar est plus de 500 fois plus utile que le travail d’une infirmière dans un hôpital. Ces disparités posent des questions de société assez fondamentales; l’argent n’a de fait pas la même valeur selon le cadre dans lequel il est utilisé. Pour un jeune qui doit choisir une activité, cela est assez peu motivant : à quoi bon entamer de longues et difficiles études pour un résultat tout de même aléatoire (tant du point de vue résultat des études que de l’opportunité d’emploi par la suite) quand il voit en même temps des jeunes gens de son âge sans études particulières engranger des millions apparemment sans grandes difficultés ?

Ce genre de disparités a, il est vrai, toujours existé; cela a été les vedettes de cinéma, puis les chanteurs; maintenant, ce sont les « sportifs » (enfin, certains) qui tiennent la vedette. Mais les sommes en jeu rendent la valeur supposée de l’argent complètement factice. Comment se comparer aux sommes mises en jeu actuellement dans le sport de haut niveau, et le football en particulier ? Et comment s’étonner encore qu’un organisme comme la FIFA soit corrompu ?

Mais une bonne nouvelle tout de même : en Suisse, nous allons voter pour l’avenir de nos retraites (en particulier l’AVS) : si cette modification de la loi est acceptée, les retraités, enfin certains d’entre eux, vont recevoir 70.- CHF de plus par mois !

C’est Byzance…

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Le prix de la gratuité

Internet est sans doute, avec le recul, le plus grand succès du développement scientifique -en particulier universitaire- des années soixante. Et ce succès a été rendu possible pratiquement sans financement autre que la bonne volonté de quelques universités américaines à l’origine du projet un peu fou qui était de relier des ordinateurs entre eux pour les faire communiquer. Le projet universitaire se basait sur le partage des codes-source et la gratuité des services mis à disposition. ARPA est devenu le protocole Internet, on a développé des applications simples comme telnet (terminal network) ou smtp (Simple Mail Transfer Protocol), on a développé IP (Internet Protocol) et TCP (Transmission Control Protocol), puis encore WWW (World Wide Web, appuyé sur tous ces standards). 

Le web a par la suite donné naissance à d’innombrables services comme les divers moteurs de recherche, Facebook, Spotify, twitter et autres; mais les développeurs et les investisseurs ont constamment cherché à conserver, du moins autant que faire se pouvait, les idées d’ouverture et de gratuité (le droit à l’information) qui avaient présidé à la création du réseau Internet. Y sont-ils parvenus ? On peut en douter; pour éviter de taxer directement le consommateur, on utilise de plus en plus la publicité comme générateur de recettes; Facebook et Google ont fait des recettes publicitaires des mines à profit tout à fait remarquables; mais bon, la publicité est tout de même payée par quelqu’un, et au final c’est toujours le consommateur qui va faire les frais de l’annonce qui perturbe la lecture de  l’information qu’il désirait consulter. Mais on peut aussi se poser la question de la pertinence du concept de gratuité en l’occurrence.

Prenons pour exemple le protocole de messagerie (e-mail). Ce service est largement gratuit, constitué d’une des plus anciennes applications d’Internet, le protocole SMTP, et de divers protocoles client, dont POP (Post Office Protocol) et IMAP (Internet Message Access Protocol) sont les plus connus. Le service de messagerie est un service lourdement pollué par les messages parasites, malveillants, frauduleux ou non sollicités (pourriels, SPAM). On estime entre 90%, voire parfois jusqu’à 98% (selon les sources) la proportion d’e-mails non sollicités dans le trafic global de messages sur Internet. Sachant que chaque message email est copié plusieurs fois par destinataire (parfois plusieurs dizaines de fois, selon les routages dans les entreprises) au cours de sa durée de vie sur chacun des serveurs  par lesquels il transite, on peut affirmer que les serveurs de messagerie (et aussi les clients, bien sûr, qui stockent les messages pour qu’ils soient lisibles hors connexion) sont essentiellement occupés à traiter des pourriels. Souvent l’utilisateur final n’est que peu dérangé par les pourriels, car il existe d’excellents logiciels anti-spam (à divers niveaux) qui le protègent de cette nuisance, au moins partiellement. On élimine les spams après qu’ils aient été transmis, alors qu’il semblerait plus logique d’éviter qu’ils soient produits; cela me rappelle quelque chose… Bref.

Si le service de messagerie devenait payant, il est possible que l’on élimine une grande partie du spam sur Internet. Un « spammeur » génère entre dix et cent millions d’emails à la fois, en utilisant des listes d’adresses qu’il se procure assez aisément sur certains sites peu recommandables, voire sur le Darknet. Imaginons un prix du message de 1 millicentime d’euro, ce qui serait totalement invisible pour les particuliers, et même les entreprises, encore que l’on puisse trouver des modalités pour ces dernières. Pour « spammer » 10 millions de personnes, il faudrait toutefois débourser 10000 €, ce qui refroidirait vraisemblablement l’ardeur des générateurs de spam. On aurait ainsi éliminé les déchets à la source, et non à l’arrivée, ce qui est trop souvent le cas aussi pour la majorité des autres déchets que produit notre société évoluée…

Par ailleurs, on se rend compte actuellement que les serveurs Internet constituent aussi une pollution énergétique non négligeable. Restreindre le trafic Internet en diminuant son intérêt dans le cadre d’informations peu pertinentes grâce à une taxe de l’information permettrait probablement aussi de diminuer la consommation d’énergie. On voit sur cet exemple simple que la gratuité peut s’avérer nettement plus coûteuse au final qu’un prix modique raisonnablement étudié !

Tout service a un prix; dissimuler ce dernier en utilisant des subterfuges pour laisser croire en une gratuité de ce service finit par coûter plus cher, dans la mesure où ce ne sont plus les principaux utilisateurs (et donc les plus gros consommateurs de ce service) qui en supportent le coût. On pourrait refaire un raisonnement analogue dans d’autres cas de figure, comme l’importation de denrées de pays où la main d’oeuvre est bon marché, et les frais de transport dissimulés dans le prix à payer ensuite pour essayer de diminuer la pollution engendrée, mais bon… Ne nous égarons pas, enfin pas trop… Soyons conscients que la gratuité a un prix, et que le gratuit peut s’avérer plus cher que prévu.

Encore une belle utopie des années soixante qui s’envole : un monde où l’information serait libre d’accès, universellement accessible, et de qualité parce que immédiatement vérifiable par tout un chacun de par le monde. 

Mais quelle belle utopie c’était…

 

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Des souris…

Cette année est une année riche en parasites de tous genres; il y a bien sûr les « vraiment nuisibles » que l’on trouve un peu partout dans le monde, de Washington à Pyongyang, de Moscou à Damas ou Ankara, ou encore un peu partout camouflés en prêcheurs d’Allah. Mais il y a aussi des parasites nettement moins inquiétants, mais tout de même gênants : divers insectes, rongeurs et autres animaux qui squattent les demeures des primates « évolués » que nous prétendons être. 

Aux Monts, il y a un souci cette année 2017 avec les souris. Elles sont nombreuses, et elles font fort; elles sont même parvenues à me bousiller 6 (six) bouteilles de vin ! Et des bouteilles fermées avec des capsules à vis : elles sont parvenues à ronger les capsules, et les bouteilles se sont vidées. Incroyable ? Oui; mais voyez plutôt :


Assez efficaces, les dents d’une petite souris, non ?  C’était du vin blanc, pour être précis, du Fendant de Plan-Cerisier près de Martigny, vinifié par l’excellent Florian Besse. Les souris aiment le bon vin, apparemment; mais elles ne sont pas les seules…

Bon, il fallait réagir, alors j’ai placé des pièges, comme je le fais habituellement; des tapettes à souris, un moyen simple, pas cher, écologique et qui (normalement) tue rapidement les souris en leur brisant la nuque. Depuis plusieurs années, j’utilise ce genre de trappes et cela était très efficace, mais là… 

J’ai retrouvé presque systématiquement les pièges désamorcés (donc, ayant fonctionné) mais sans souris éliminée. Sauf dans un ou deux cas où de petites souris se faisaient prendre et éliminer par ce moyen, les pièges semblaient être devenus inefficaces, alors qu’à l’automne précédent, des pièges de même type éliminaient une souris à chaque coup. Une ou deux fois, j’ai retrouvé le piège avec la souris prisonnière de la tapette, mais vivante et en assez bonne forme encore !

Bien sûr, on pourrait imaginer que les souris des Monts ont subi une sélection naturelle qui n’a conservé que celles ayant une nuque particulièrement résistante qui leur permet de résister au ressort censé briser leurs vertèbres cervicales. Je veux bien; mais en deux ou trois mois, c’est une évolution tout de même remarquablement rapide, même en tenant compte du rythme effréné de reproduction des souris

Il y a une autre hypothèse, c’est que le fabricant des ressorts des tapettes à souris a décidé de changer le ressort contre un type légèrement moins performant, donc moins cher, ce qui permet d’augmenter un peu la marge. 

Du coup, maintenant je mets du poison; des anticoagulants. Souvent les souris crèvent n’importe où après une assez longue agonie, et je ne vous raconte pas l’odeur… Le fabricant de tapettes a une marge supérieure, mais un (ou plusieurs) client de moins. La prochaine étape, c’est de trouver un chat qui accepte de rester aux Monts, et qui veuille bien chasser les souris; mais j’ai constaté que souvent, les chats préfèrent chasser les croquettes : ça court moins vite… Et pour fidéliser un chat dans une maison, la nourriture reste le meilleur moyen. 

Avez-vous un meilleur moyen ? Merci d’avance, je suis preneur !

 

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Pollution…

Haro sur le moteur diesel ! C’est le principal responsable de tous nos maux. Vous qui avez un véhicule diesel (à une époque, on disait que cela émettait moins de CO2, donc que cela polluait moins…), changez de véhicule, achetez-vous une voiture électrique, ou mieux prenez le train. Ou mieux encore, restez chez vous.

Nous avons probablement tous compris qu’un véhicule à moteur diesel pollue « plus » qu’un véhicule à moteur à essence. Mais malheureusement, cette affirmation est discutable. Il faudrait encore préciser selon quel critère on évalue la pollution; ici, ce sont les NOx (oxydes d’azote) qui sont considérés. Les oxydes d’azote ne sont que peu impliqués dans le processus d’effet de serre, responsable du réchauffement climatique, mais fortement impliqués dans les considérations de santé publique par leur effet cancérigène.  Donc, du point de vue du réchauffement climatique, un diesel pollue souvent moins qu’un moteur à essence, car en consommant moins, il émet moins de CO2… Mais voilà, comme il n’existe pas de métrique de la pollution (et comment la définirait-on ?), définir « ce qui pollue plus ou moins » reste sujet à caution. Ce qui permet par exemple à l’ineffable président des Etats-Unis d’Amérique de parler d’énergies fossiles « propres » (il faut l’entendre pour y croire !).

Une fois qu’on aura jeté tous ces véhicules diesel à la poubelle (non, au recyclage, pardon), on respirera mieux. En attendant, allons respirer l’air pur du large en faisant une croisière en mer… Il semblerait que ce que l’on respire sur les gros paquebots n’est pas triste non plus : les quelques dizaines de bateaux les plus volumineux du monde polluent à eux seuls plus que l’ensemble des véhicules automobiles de la planète. Et les substances rejetées sont assez nocives, notamment les oxydes de soufre que l’on soupçonne d’ores et déjà de provoquer des milliers de morts dans les zones côtières. Sans parler du CO2 rejeté, aussi à l’arrêt, par les gros paquebots de croisière qui doivent faire marcher la climatisation, les cuisines et la petite ville qu’ils abritent, tout ça avec des carburants de très mauvaise qualité. Il faudrait peut-être aussi se préoccuper de remplacer ces monstres marins, pendant que l’on y est, non ? 

Mais voilà, politiquement, les bateaux, on s’en fiche un peu; et on en a besoin pour le commerce mondial, alors bon… C’est comme l’avion; j’avais collaboré un temps à un mouvement qui se voulait écolo, et il y avait plein de retraités (comme moi) qui parlaient de protocole de Kyoto ou de COP 21 en faisant des voyages en avion aux quatre coins du monde pour profiter de leur temps libre, sachant qu’un long porteur consomme autant qu’un Grand Prix de Formule 1 simplement au décollage… Mais il est de bon ton de critiquer la formule 1 (que je ne défends pas, pour ma part, en tous cas), alors que tenter quelque chose pour rendre l’avion moins polluant risquerait de faire monter le prix du billet de Ryan Air ou Easy Jet.

Tant que le débat climatique se limitera à des mesures ponctuelles prises ça et là pour se donner bonne conscience en gardant son porte-monnaie fermé, les progrès resteront forcément assez limités. Et on se dira toujours que le réchauffement n’est peut-être pas si grave que cela, qu’on fera autre chose que du ski l’hiver, et que de toutes façons, d’ici là, il y a encore le temps… 

J’espère que tout le monde passe de bonnes vacances; n’hésitez pas à partir avec votre voiture diesel, vous polluerez moins qu’avec une croisière Costa en Méditerrannée.

 

 

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Windows, MacOS, Linux…

La guéguerre des systèmes d’exploitation s’est quelque peu calmée ces dernières années, ou est passée en arrière-plan, tant les possibilités offertes par les trois principaux acteurs sur le marché tendent à converger, et aussi parce que les terminaux mobiles prennent de plus en plus le pas sur les ordinateurs conventionnels. Mais les acteurs restent pour l’essentiel les mêmes. Corollairement, ils restent toujours américains, qu’ils se nomment Microsoft, Apple ou Google.

Cette hégémonie pose à terme un problème potentiellement grave aux économies non-américaines; il y a bien sûr le problème commercial qui implique que chaque fois qu’un européen, un africain ou un asiatique utilise un outil informatique, il va passer par un intermédiaire situé aux Etats-Unis; mais ce problème n’est pas le plus préoccupant. Le problème sécuritaire doit également être envisagé : est-il prudent de confier toutes ses informations à des systèmes d’exploitation ultra-connectés, au comportement peu transparent, originaires d’un seul et même pays ? La prudence prônée par les militaires ne voudrait-elle pas que les informations sensibles ne passent que par des outils informatiques vérifiables ? Le même raisonnement peut s’appliquer à des secrets d’entreprise; est-il prudent de confier ces secrets à un ordinateur contrôlé par Apple , Google ou Microsoft  ? En cas de conflit, militaire ou commercial, une institution comme la CIA ou la NSA ne risque-t-elle pas de faire pression sur ces entreprises pour récupérer des informations utiles ? Et peut-on compter sur ces entreprises pour protéger leurs clients, pour autant qu’une telle protection soit dans leurs moyens ?

Quant aux mécanismes qui permettraient d’espionner n’importe qui par le biais des ordinateurs que vous et moi utilisons chaque jour, faites confiance aux éditeurs de logiciel : les outils nécessaires sont d’ores et déjà implantés et fonctionnels. Un simple analyseur de réseau suffit à démontrer à quel point nos outils informatiques peuvent être bavards…

On peut légitimement se demander pourquoi les Européens n’ont pas été en mesure d’écrire un système d’exploitation digne de ce nom; ils disposent de tous les composants nécessaires (souvent d’ailleurs repris par les américains ensuite). Linux, un excellent noyau qui pourrait servir de base stable (d’ailleurs utilisé pour Android de Google) a été écrit par un étudiant finlandais, Linus Thorvald. Il s’agit d’un noyau stable, mille fois plus performant que Windows et MacOS. Nokia (un finlandais aussi) avait le premier d’ailleurs écrit un système d’exploitation pour mobiles (Symbian, aujourd’hui abandonné). Certains constructeurs ont d’ailleurs joué avec l’approche Linux, comme le français ordissimo, par exemple. Les graphismes assez sommaires desservent malheureusement cet outil par ailleurs fort intéressant. C’est un fait que Apple a compris mieux que les autres : un bon design fait vendre un produit médiocre, et est de surcroît moins cher à développer tout en nécessitant moins d’entretien et de service après-vente. Et pour l’innovation, il suffit de racheter la bonne start-up avec le bon produit au bon moment. C’est peut-être à ce niveau que les Européens ont le plus de retard.

Et pourtant, lorsque l’on observe les capacités de développement disponibles en Europe, il semble qu’il devrait être possible de réaliser quelque chose de bien, et certainement mieux que l’existant. Simplement en Suisse Romande (c’est la région que je connais le mieux, mais à Grenoble, Londres, Rome, Barcelone ou Karlsruhe, on fait au moins aussi bien), nous avons l’EPFL et la HES-SO avec des informaticiens de pointe et des sites qui regroupent aussi des écoles d’art et de design; tout ce qu’il faut pour mettre sur pied un système d’exploitation qui serait réellement performant et élégant, contrairement à ces bidules traîne-savates qui nous viennent des Etats-Unis, venant d’éditeurs plus soucieux de maximiser leurs bénéfices que d’innover avec des produits performants. 

A quand un système d’exploitation (OS, Operating System) européen réellement performant ? Un OS dans lequel la sécurité serait d’emblée incluse sans nécessiter d’ antivirus qui ralentit inexorablement l’exécution des programmes. Un OS dans lequel la virtualisation du stockage (crypté, bien entendu) serait implicite, sans nécessiter d’ajouts comme dropbox ou autre cloud qui pompe des ressources supplémentaires et permet à des tiers d’accéder au besoin à nos données. Un OS qui procure une isolation réseau efficace en intégrant la virtualisation du réseau (une technique similaire à un VPN, Virtual Private Network) dans son noyau sans que l’utilisateur ait besoin de connaissances particulières pour en bénéficier. Un OS qui intègre la mobilité de manière transparente (mais de grâce pas comme Microsoft l’a tenté avec Windows 8 !!!), permettant de passer de son smartphone à son ordinateur de table puis à son téléviseur de manière naturelle. Ceci permettrait au grand-père d’utiliser une connexion vidéo genre skype à l’aide de sa télécommande de téléviseur pour dire bonjour à la petite-fille en Australie…

Quand ? Peut-être quand les circonstances économiques, politiques ou militaires obligeront les éditeurs à le réaliser… Espérons qu’alors, il ne sera pas trop tard…

 

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Transition énergétique…

Le nouveau et charismatique ministre français de la transition écologique, M. Nicolas Hulot, a lancé ces derniers jours quelques belles annonces; voici pour mémoire les plus spectaculaires :

  • Passer en dessous du seuil des 50% de dépendance de l’énergie nucléaire d’ici 2025 en France. Pour ce faire, il s’agirait de fermer jusqu’à 17 centrales nucléaires d’ici là. 
  • Fin de la vente de voitures à moteur à essence ou diesel d’ici 2040, avec le cas échéant une aide financière pour ceux qui devraient se ré-équiper le moment venu.
  • Neutralité carbone à l’horizon 2050, ce qui impliquerait que toute émission carbone serait compensée par une contre-mesure comme la plantation d’arbres, des technologies permettant de piéger le CO2, etc…
  • Projet de loi visant à interdire toute prospection de nouvelles ressources basées sur les hydrocarbures en France (les gaz de schiste étant tout particulièrement visés)

Toutes ces mesures sont éminemment louables, et doivent être prises; on peut en revanche se demander quel en sera l’impact réel sur le bilan écologique de la France, et accessoirement de la planète. 

Fermer une centrale nucléaire n’est pas une mince affaire; cela fait plusieurs années (Lionel Jospin, 1997) que l’on a décidé de « fermer » Superphénix à Creys-Malleville. AREVA, chargé du démantélement, y travaille depuis quelque temps déjà et pense en finir en 2024. On en sera alors probablement à plus de 2 milliards d’euros de frais de démantèlement pour 500’000 tonnes de déchets dont 100’000 radioactifs. Bon, Superphénix était une exception, seule installation à neutrons rapides jamais construite; mais lorsque l’on considère les chiffres de Chooz, centrale en cours de déconstruction, on se rend compte que les ordres de grandeur sont tout à fait comparables; de fait, il n’y a pas de « petite » centrale nucléaire. Mieux, le démantèlement de l’une n’implique pas que la suivante pourra être démantelée de la même manière; mais dans chaque cas, c’est une opération qui se déroule sur près de trente ans avec le concours de personnel spécialisé. Actuellement, six centrales sont en cours de « déconstruction » : Brennilis, Chooz A, Chinon A, Bugey A, Saint-Laurent A et Creys-Malville. Pour chacune d’entre elles, il a fallu mettre sur pied des stratégies en partie spécifiques; le terme de « déconstruction » préféré au terme de « démantèlement » est d’ailleurs révélateur : pour « déconstruire » une centrale nucléaire, il faut d’abord construire des installations qui permettront le démantèlement.

Alors, bravo à Nicolas Hulot pour le courage de proposer la fermeture de 17 centrales dans un pays aussi dépendant de l’énergie nucléaire que la France, mais on ne peut s’empêcher de se demander « Et après ? Que va-t-il se passer avec les centrales fermées ?  » Où trouvera-t-on la main d’oeuvre assez spécialisée pour « déconstruire » les 17 installations prévues, sans compter la quarantaine de réacteurs qui sera encore en activité à ce moment-là, mais parviendra gentiment en fin de vie. La même question se pose d’ailleurs dans tous les pays ayant des centrales nucléaires, Suisse comprise bien entendu… Maintenant, il est vrai que d’ici 2025, pas mal de choses peuvent arriver, y compris un changement de gouvernement en 2022…

Ne plus vendre de voitures à essence ou diesel ? Bon, d’ici 2040, on a le temps de voir venir; enfin certains d’entre nous. Et il y a encore 4 législatures d’ici là. D’ailleurs, il n’est pas certain que cette date soit vraiment optimiste : Volvo a d’ores et déjà annoncé l’arrêt de la fabrication de voitures entièrement basées sur le moteur à explosion en 2019. En réalité, un véhicule électrique est beaucoup plus simple à produire, permet des marges plus intéressantes, et techniquement est plus facile à commander. Le seul (très gros) problème est le stockage ou la production locale, et les récentes avancées dans ces domaines donnent à penser que Volvo est simplement le premier à annoncer un changement de technologie que tous les constructeurs vont adopter dans un très proche futur, d’autant que les réseaux de distribution se développent à toute allure. Donc, l’annonce de Nicolas Hulot est avant tout un effet de manches, même s’il a l’immense mérite de donner une impulsion et une justification supplémentaire aux constructeurs automobiles qui n’auraient pas encore eu le courage de pousser à fond le développement dans ce secteur.

La neutralité carbone est un objectif beaucoup plus flou, et qui demandera encore pas mal de recherche et de développement, probablement.  Peut-être Nicolas Hulot espère-t-il que les mesures d’économie suffiront ? Rien n’est moins sûr, car certains secteurs de l’industrie ne sont pas, et de loin, prêts à baisser notablement les émissions de carbone. Mais on peut effectivement mettre des incitations sérieuse à le faire pour les chauffagistes, les constructeurs d’avions, les constructeurs de poids lourds ou de machines de chantier, les constructeurs de machines agricoles, etc…

L’interdiction de prospecter ? Le territoire français ne dispose pas de ressources d’hydrocarbures notables, et la prospection de gaz de schiste y est peu répandue : c’est une interdiction qui ne rencontrera guère d’opposition; qui voudrait s’élever contre l’interdiction de faire quelque chose qu’il ne peut de toutes façons pas faire ?

En résumé, bravo à Nicolas Hulot pour ses déclarations; mais cela reste pour le moment, à mon sens, des déclarations qui n’engagent pas grand-monde dans l’immédiat. Comme disait un Suisse célèbre quoique francophone : « Le futur nous dira de quoi l’avenir sera fait ». Souhaitons vivement qu’il y ait un futur…

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