Le Magic Pass, c’est 25 stations de sports d’hiver suisses qui ont décidé en 2017 de créer un abonnement saisonnier commun aux remontées mécaniques à un prix très avantageux. Concrètement, si un amateur de glisse hivernale commande un « Magic Pass » au mois de mai pour la saison suivante, il lui en coûtera environ 360 € pour le libre parcours pendant la saison sur les installations de remontée mécanique de ces 25 stations. Le tarif augmente ensuite progressivement au fil du temps : ceux qui réservent un forfait saison de bonne heure bénéficient de conditions très avantageuses. Et parmi ces stations, on trouve aussi bien des stations prestigieuses que des stations un peu moins connues, mais pas inintéressantes pour autant.
C’est bien sûr une offre très intéressante pour les skieurs enthousiastes comme moi-même, par exemple. Alors qu’une journée de ski, à deux personnes, implique une dépense de 80 à 100 € au bas mot uniquement pour les forfaits de ski, avec le Magic Pass, on n’hésite plus à profiter de la neige et du beau temps ; et de plus, l’offre portant sur de nombreux sites, on a tout loisir de changer de station, voire de découvrir de nouvelles offres peut-être moins prestigieuses, mais proposant des possibilités différentes. Il n’est en revanche pas certain que tous les acteurs, dans les stations concernées, aient compris l’opportunité que leur offre cet abonnement.
Indépendamment du fait que le Magic Pass puisse, potentiellement du moins, attirer plus de skieurs dans les stations, ce type de forfait représente, pour la saison 2017-2018, plus de 85’000 inscrits ; 85000 personnes qui ne vont pas seulement skier, mais aussi fréquenter restaurants d’altitude, bains thermaux, peut-être hôtel et autres infrastructures de la station. Il semble que la première chose à faire serait de développer la notion de groupe d’utilisateurs privilégiés chez ces utilisateurs, par le biais d’offres réservées et de propositions ciblées.
Un ami, fervent (et excellent) skieur, m’a rapporté récemment qu’il était allé skier avec son « Magic Pass » à Nax, en Valais. Magnifique station s’il en est, bien que moins prestigieuse que certaines de ses voisines, il a passé une journée magnifique sur les pentes du Mont Noble, et l’après-midi, a voulu déguster, à la fermeture des pistes, encore un bon verre de l’excellent fendant que propose le Valais, de manière à conclure idéalement une superbe journée de ski ; une terrasse ensoleillée sur les pistes, dans un cadre idyllique et une sympathique bergerie rénovée, tend les bras au groupe avec lequel il pratique son sport favori, mais au moment de s’asseoir, on leur fait remarquer qu’il est 16 heures et que l’établissement est fermé ! Nonobstant la logique élémentaire qui pousserait à ouvrir les établissements de restauration et débits de boisson après la fermeture des pistes, puisque les gens tendraient à boire un rafraîchissement lorsqu’ils ont fini de skier (difficile de boire un verre de fendant tout en skiant…), le tenancier de cette bergerie n’a pas compris que les détenteurs de ce fameux Magic Pass ont l’impression de skier gratuitement, et qu’ils sont donc disposés à dépenser un peu plus dans les a-côtés de la journée de ski. Les possesseurs du Magic Pass sont de ce fait tout à fait intéressés à prolonger leur journée de ski autour d’une bouteille, voire d’une fondue dans un cadre magnifique. D’ailleurs, même sans le Magic Pass, terminer une journée de ski après la fermeture des pistes sur une terrasse ensoleillée est agréable, comme les Autrichiens, par exemple, l’ont bien compris de longue date…
Mais le Magic Pass, c’est aussi 85000 adresses de clients qui ont un libre parcours sur les stations concernées; c’est 85000 personnes susceptibles de venir passer une journée de ski dans le domaine skiable, puisqu’ils ont déjà le forfait. Des clients qui seront intéressés à des offres spéciales, puisqu’ils ne paient « pas » le forfait de ski. L’occasion rêvée de proposer des fins de journées en altitude avec repas éventuellement gastronomique, voire simple fondue, suivi d’une descente au flambeau ou en télécabine… Ou des pique-niques organisés avec montée tiré par une dameuse et descente hors-piste accompagnée… Ou d’autres offres spéciales pour mieux exploiter les périodes creuses de janvier, par exemple. Mais dans les faits, on constate que les acquéreurs de ces Magic Pass reçoivent peu, voire pas du tout d’e-mails promotionnels… Quelqu’un, quelque part, semble n’avoir pas compris quelque chose…
On retrouve ici malheureusement un travers très suisse, qui a déjà été pointé du doigt par de nombreux auteurs. Les Suisses ne savent pas recevoir les touristes; proposer à leurs clients la neige et la vue sur le Cervin, l’Eiger ou le Mont Rose leur semble amplement suffisant. Il n’est donc pas nécessaire de proposer des services supplémentaires. Actuellement, cette manière de faire constitue une grave erreur qu’il faudra rapidement corriger. Le Magic Pass est une excellente initiative dans ce sens, mais elle mériterait d’être mieux valorisée. A quand une « Magic App » qui permettra de suivre les utilisateurs de Magic Pass et leur proposer des services sur mesure ? J’espère que la HEVS (par exemple) est d’ores et déjà en train de plancher sur ce genre de services, ainsi qu’une application mobile ludique permettant de valoriser l’infrastructure mise sur pied…