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« No Billag »

Début mars, les citoyens helvétiques votent sur une initiative qui, si elle est acceptée, supprimerait la redevance radio/TV actuellement inscrite dans la constitution. En clair, ce serait la fin du service public dans le domaine de l’information diffusée en Suisse. En effet, l’article correspondant dans la Constitution serait purement et simplement biffé, laissant le champ libre à la privatisation chère au credo d’une droite pure et dure, incarnée en Suisse essentiellement par l’UDC et plus particulièrement son aile zurichoise. 

Evidemment, les chaînes publiques voient une éventuelle acceptation de cette initiative avec une crainte bien compréhensible. Actuellement, la télévision suisse diffuse des émissions en quatre langues, et si la partie suisse alémanique pourrait peut-être, grâce à l’exclusivité que représente le dialecte suisse alémanique, survivre dans un schéma de financement par abonnements, les parties francophone et italienne n’ont absolument aucune chance de survie dans un environnement en concurrence avec la RAI en Italie et TF1 en France : le marché n’est tout simplement pas suffisant; d’ailleurs, il est fort probable qu’en cas de survie de la partie suisse alémanique de ce qui s’appelle actuellement encore la SSR / SRG, celle-ci devrait se soumettre à un dégraissage massif, et deviendrait du coup une radio-télévision régionale en face des géants allemands.

Les initiants s’en défendent, clamant à tous vents qu’ils ne désirent pas la mort de la SSR; cette affirmation est pourtant clairement mensongère. La SSR est un service public; l’initiative veut détruire le service public, donc il détruira la SSR, même si une chaîne de radio/télévision de ce nom survivait avec les mêmes rédactions, ce qui en l’état semble peu probable. Mais qui sont ces initiants ? On distingue trois groupes assez disparates, dont le seul point commun est leur orientation politique très « à droite ». (Faisons abstraction de   certains milieux dont les articles doivent étonner même madame le Pen).

  • l’UDC zurichoise, héritière de Reblochon (Christoph Blocher, désormais retraité de la politique suisse, mais de fait toujours actif). De la part de cette fraction de parti, l’initiative n’étonne pas : l’UDC zurichoise a toujours considéré que la Suisse est entièrement riveraine de la Limmat (rivière arrosant la ville de Zurich). D’ailleurs Reblochon lui-même admet volontiers que pour la Suisse romande et le Tessin, l’acceptation de l’initiative signifierait probablement la fin des chaînes d’informations telles que connues actuellement. Mais bon, il n’en a rien à cirer; il a le mérite de la clarté du discours…
  • Le grand patron de l’USAM (Union Suisse des Arts et Métiers), monsieur Jean-François Rime. Son argumentation tient au fait que les sociétés doivent payer la redevance alors même que les individus la composant l’ont déjà réglée. On pourrait faire remarquer à monsieur Rime qu’une entreprise est aussi consommatrice de médias, à titre d’entreprise, justement, mais sa remarque n’est pas totalement injustifiée. Ceci mérite-t-il de rejeter tout le service public pour autant ? N’est-ce pas jeter le bébé avec l’eau du bain ? Quant à son argumentation pour une télévision avec abonnement, j’espère pour monsieur Rime qu’il est conscient de l’inanité de ses dires : en tant que Romand (un peu tout de même) et entrepreneur, il devrait tout de même savoir additionner deux et deux… Mais selon certaines sources, il aurait un contentieux politique à régler avec l’ex-présidente de la Confédération, et son soutien à l’initiative serait une manifestation de sa mauvaise humeur. Si c’est vrai, alors c’est navrant… surtout pour monsieur Rime.
  • Les jeunes UDC neuchâtelois, avec Nicolas Jutzet à leur tête. Hormis une volonté néo-libéraliste exacerbée, assumée et affichée, il est difficile de comprendre ce que recherchent ces personnes; d’ailleurs, les explications qu’ils fournissent ne sont guère explicites, voire plutôt confuses. Il semble toutefois que l’idée générale est de ne payer que ce que l’on utilise réellement. Pas question donc de payer un forfait pour une chaîne de télévision généraliste qui comprend des émissions que l’on ne désire pas suivre. Il est probable que ces gens soient aussi opposés au principe de l’assurance-maladie, par exemple, et plus généralement à l’idée même de service public, quel qu’il soit.

La perspective de pouvoir économiser la redevance radio/TV pourrait inciter certains citoyens suisses à accepter cette initiative; mais il faut leur signaler qu’ils devront tout de même passer à la caisse dans la mesure où le service qu’ils financent actuellement avec cette redevance sera (peut-être) remplacé par divers abonnements (donc payants) parmi lesquels ils devront faire un choix. Quant aux émissions locales, ou les sous-titrages en langue des signes (française ou autre, les langues des signes ne sont pas universelles), il faudra les oublier, car cela n’est pas rentable. Mais bon, c’est pas grave, c’est des minorités…

Les chaînes publiques (SSR / SRG / TSI) ne sont pas exemptes de critique, et c’est bien là le danger; certains vont aller dans le sens de l’initiative parce que le contenu proposé par les chaînes publiques ne leur convient pas; mais au-delà de la critique que l’on peut adresser au contenu, il y a le problème du principe du service public. En l’absence de chaîne de télévision nationale, il semble assez probable que l’on s’achemine vers une chaîne suisse alémanique (sur abonnement, en dialecte, donc peu susceptible d’être suivie par les non-initiés) centrée sur Zürich d’une part, et sur des excroissances de TF 1 et de la RAI d’autre part. Je ne sais pas ce que deviendront les émissions en rhéto-romanche dans ce schéma, mais bon… On se retrouve donc avec trois contenus hétérogènes, générés par des rédactions sans doute de qualité, mais animées par des sensibilités fort différentes, avec des pôles d’intérêt distincts. Si le but est d’essayer de creuser le « röstigraben » , alors il est difficile de faire mieux ! Par contre, pour quiconque garde encore un léger souci de cohésion nationale, cette initiative « No Billag » est un outil de séparation nationale probablement aussi efficace à moyen terme que le mur mexicain de Donald Trump.

Ironiquement, les résultats du vote en eux-même pourraient contribuer à creuser ce fameux röstigraben, comme c’est assez souvent le cas en Suisse, avec un vote positif d’un côté de la frontière et négatif de l’autre.  Il est regrettable que les autorités n’aient pas cru bon de proposer un contre-projet à l’initiative; cela aurait peut-être permis de mieux orienter la chaîne nationale sur la mission de cohésion et d’information, tout en conservant dans la constitution la notion de service public; mais il n’y a pas de contre-projet.

Il ne reste donc qu’à faire tout ce qui est possible pour que cette initiative soit balayée dans les urnes le 4 mars 2018. Allons voter; NON, bien sûr !

Les partisans du NON.

Les partisans du OUI (les initiants)

 

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Magic Pass

Le Magic Pass, c’est 25 stations de sports d’hiver suisses qui ont décidé en 2017 de créer un abonnement saisonnier commun aux remontées mécaniques à un prix très avantageux. Concrètement, si un amateur de glisse hivernale commande un « Magic Pass » au mois de mai pour la saison suivante, il lui en coûtera environ 360 € pour le libre parcours pendant la saison sur les installations de remontée mécanique de ces 25 stations. Le tarif augmente ensuite progressivement au fil du temps : ceux qui réservent un forfait saison de bonne heure bénéficient de conditions très avantageuses. Et parmi ces stations, on trouve aussi bien des stations prestigieuses que des stations un peu moins connues, mais pas inintéressantes pour autant.

C’est bien sûr une offre très intéressante pour les skieurs enthousiastes comme moi-même, par exemple. Alors qu’une journée de ski, à deux personnes, implique une dépense de 80 à 100 € au bas mot uniquement pour les forfaits de ski, avec le Magic Pass, on n’hésite plus à profiter de la neige et du beau temps ; et de plus, l’offre portant sur de nombreux sites, on a tout loisir de changer de station, voire de découvrir de nouvelles offres peut-être moins prestigieuses, mais proposant des possibilités différentes. Il n’est en revanche pas certain que tous les acteurs, dans les stations concernées, aient compris l’opportunité que leur offre cet abonnement.

Indépendamment du fait que le Magic Pass puisse, potentiellement du moins, attirer plus de skieurs dans les stations, ce type de forfait représente, pour la saison 2017-2018, plus de 85’000 inscrits ; 85000 personnes qui ne vont pas seulement skier, mais aussi fréquenter restaurants d’altitude, bains thermaux, peut-être hôtel et autres infrastructures de la station. Il semble que la première chose à faire serait de développer la notion de groupe d’utilisateurs privilégiés chez ces utilisateurs, par le biais d’offres réservées et de propositions ciblées.

Un ami, fervent (et excellent) skieur, m’a rapporté récemment qu’il était allé skier avec son « Magic Pass » à Nax, en Valais. Magnifique station s’il en est, bien que moins prestigieuse que certaines de ses voisines, il a passé une journée magnifique sur les pentes du Mont Noble, et l’après-midi, a voulu déguster, à la fermeture des pistes, encore un bon verre de l’excellent fendant que propose le Valais, de manière à conclure idéalement une superbe journée de ski ; une terrasse ensoleillée sur les pistes, dans un cadre idyllique et une sympathique bergerie rénovée, tend les bras au groupe avec lequel il pratique son sport favori, mais au moment de s’asseoir, on leur fait remarquer qu’il est 16 heures et que l’établissement est fermé ! Nonobstant la logique élémentaire qui pousserait à ouvrir les établissements de restauration et débits de boisson après la fermeture des pistes, puisque les gens tendraient à boire un rafraîchissement lorsqu’ils ont fini de skier (difficile de boire un verre de fendant tout en skiant…), le tenancier de cette bergerie n’a pas compris que les détenteurs de ce fameux Magic Pass ont l’impression de skier gratuitement, et qu’ils sont donc disposés à dépenser un peu plus dans les a-côtés de la journée de ski. Les possesseurs du Magic Pass sont de ce fait tout à fait intéressés à prolonger leur journée de ski autour d’une bouteille, voire d’une fondue dans un cadre magnifique. D’ailleurs, même sans le Magic Pass, terminer une journée de ski après la fermeture des pistes sur une terrasse ensoleillée est agréable, comme les Autrichiens, par exemple, l’ont bien compris de longue date…

Mais le Magic Pass, c’est aussi 85000 adresses de clients qui ont un libre parcours sur les stations concernées; c’est 85000 personnes susceptibles de venir passer une journée de ski dans le domaine skiable, puisqu’ils ont déjà le forfait. Des clients qui seront intéressés à des offres spéciales, puisqu’ils ne paient « pas » le forfait de ski. L’occasion rêvée de proposer des fins de journées en altitude  avec repas éventuellement gastronomique, voire simple fondue, suivi d’une descente au flambeau ou en télécabine… Ou des pique-niques organisés avec montée tiré par une dameuse et descente hors-piste accompagnée… Ou d’autres offres spéciales pour mieux exploiter les périodes creuses de janvier, par exemple. Mais dans les faits, on constate que les acquéreurs de ces Magic Pass reçoivent peu, voire pas du tout d’e-mails promotionnels… Quelqu’un, quelque part, semble n’avoir pas compris quelque chose…

On retrouve ici malheureusement un travers très suisse, qui a déjà été pointé du doigt par de nombreux auteurs. Les Suisses ne savent pas recevoir les touristes; proposer à leurs clients la neige et  la vue sur le Cervin, l’Eiger ou le Mont Rose leur semble amplement suffisant. Il n’est donc pas nécessaire de proposer des services supplémentaires. Actuellement, cette manière de faire constitue une grave erreur qu’il faudra rapidement corriger. Le Magic Pass est une excellente initiative dans ce sens, mais elle mériterait d’être mieux valorisée. A quand une « Magic App » qui permettra de suivre les utilisateurs de Magic Pass et leur proposer des services sur mesure ? J’espère que la HEVS (par exemple) est d’ores et déjà en train de plancher sur ce genre de services, ainsi qu’une application mobile ludique permettant de valoriser l’infrastructure mise sur pied…

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Spectre et Meltdown contre Bugatti

Bonne année 2018 ! Pour fêter ça, on a découvert une faille de sécurité majeure dans le matériel (les microprocesseurs) informatique que nous utilisons tous les jours; quelle bonne nouvelle après l’obsolescence programmée enfin ouvertement admise par Apple après des dizaines d’années de pratique ! 

Sans entrer (trop) dans les détails, les deux failles de sécurité découvertes (Spectre et Meltdown) ont un rapport direct avec une particularité des processeurs modernes que l’on appelle l’exécution spéculative. Spectre est une faille de principe (inhérente au procédé utilisé), alors que Meltdown est lié à l’implémentation par Intel et AMD (les principaux fabricants de microprocesseurs), entre autres. Qu’est-ce que l’exécution spéculative ? C’est une particularité liée à l’existence de plusieurs unités de traitement à l’intérieur d’une même puce de silicium; on parle de « multi-coeurs » : pour exécuter un algorithme, vous n’avez en principe besoin que d’une unité de traitement; mais imaginons qu’une partie spécifique de l’algorithme soit du genre « Si le résultat de la fonction A est vrai, alors exécute la fonction B, sinon exécute la fonction C ». Pour exécuter cet algorithme, il faut exécuter successivement A, puis B ou C :on a additionné le temps de traitement de A et de B ou C. En exécution spéculative, on va occuper d’autres unités de traitement pour évaluer B et/ou C pendant que l’on évalue A, si bien qu’à la fin de l’exécution de A, on aura déjà le résultat de B et C, et notre programme aura gagné le temps de traitement de B ou de C, respectivement. En réalité, c’est encore un tout petit peu plus sophistiqué que ça, d’où le terme « spéculatif », mais c’est le principe.

Ceci permet à nos laptops et à nos smartphones de réaliser les performances auxquelles nous sommes habitués, et qui dans certains cas rendent possible les fonctionnalités avancées que l’on nous promet (comme l’automobile autonome, par exemple).  Malheureusement, on s’est rendu compte très récemment  que cette exécution spéculative pouvait présenter des effets de bord permettant à du code malveillant de court-circuiter des protections mises en place contre l’exploitation illégitime de données, et que l’implémentation faite actuellement par les principaux fabricants présentait également des failles.

L’exécution spéculative est implémentée dans le matériel, dans le silicium même, de nos microprocesseurs. C’est ce qui rend cette faille si inquiétante, car on ne peut pas vraiment la corriger sur le matériel existant. Ce qui n’empêche pas les fabricants de promettre des correctifs; mais en réalité, ces correctifs auront simplement pour effet de bloquer (ou limiter de manière drastique) l’exécution spéculative, ce qui va ralentir de manière spectaculaire tous les ordinateurs et smartphones de la planète. Vous avez acheté une voiture de sport et vous vous retrouvez soudain, après un correctif logiciel, au volant d’un tracteur… Bon, la réalité est peut-être un peu moins caricaturale, mais dans l’idée, c’est bien ça.

C’est une situation que l’on a déjà connue dans d’autres secteurs industriels; rappelez-vous l’automobile, à une certaine époque : les voitures roulaient à plus de 200 km/h, mais avaient des freins à tambour, le pilote avait un casque symbolique, il n’y avait pas d’arceau de sécurité, et pas de cellule de protection de l’habitacle. Actuellement, on parle de ces voitures, dont Bugatti, Mercedes et Ferrari construisirent les plus beaux exemples, comme de magnifiques antiquités; mais il n’en reste pas moins qu’il s’agissait d’une technologie immature, capable de performances tout à fait respectables, mais dans un cadre artisanal. L’informatique, quoi qu’en disent les spécialistes du domaine, en est actuellement encore à un stade artisanal; une recherche de performances (et de profits, bien sûr) aboutissant à des résultats impressionnants, mais pas de vision systémique, pas d’intégration d’aspects sécuritaires, pas de gestion de réseau à très bas niveau… 

L’informatique est actuellement encore restée à un niveau de développement élémentaire; on discute encore dans certaines écoles du langage de programmation à utiliser, plutôt que des problèmes à résoudre. Lorsque je corrige un travail de bachelor ou de master, je suis souvent submergé de termes technologiques abscons, se référant à des paquets logiciels à l’implémentation souvent opaque, mais une bonne partie des points du cahier des charges ne sont même pas abordés (ou souvent de manière trop superficielle pour se révéler satisfaisante); et quand on pose la question, on se rend compte qu’il a fallu trop de temps pour assimiler la technologie, et qu’il n’en est pas resté suffisamment pour penser au problème. Ou alors que la technologie choisie ne permettait pas de répondre aux prérequis exigés. 

J’ai, grosso modo, l’âge de l’informatique; j’en ai suivi la majorité des développements, depuis mon premier programme en FORTRAN-IV sur CDC-6600, jusqu’à des développements distribués incluant des serveurs, des laptops et des mobiles dans un même contexte applicatif, en passant par des « minis » PDP-11 de Digital pour le développement en télécommunications.  Je ne peux que constater que peu de progrès réels ont été faits en ce qui concerne la méthodologie de développement : les programmeurs restent des bidouilleurs de code, ils disposent simplement d’une bibliothèque de code plus conséquente qui leur permet de publier des fonctionnalités plus rapidement (c’est la seule chose qui intéresse l’éditeur de logiciel, d’ailleurs). On n’a plus fait de progrès significatifs dans le traitement de texte depuis Word ou swriter, le tableur Excel n’a toujours que deux entrées (techniquement, on peut en gérer davantage, mais si vous avez essayé une fois, vous avez probablement renoncé) et Photoshop est toujours aussi compliqué d’accès, ce qui permet à Apple de proposer des outils d’une nullité remarquable (qu’il rend d’ailleurs obsolètes dés qu’il en a écoulé assez), mais qui sont utilisables par un béotien. Bon, comme le faisait remarquer un responsable, de toutes façons, les photos prises par un béotien n’ont pas besoin de mieux, alors… Il n’avait jamais intégré le fait qu’un bon photographe peut ne pas avoir envie d’être informaticien.

L’informatique doit effectuer un saut quantique en termes d’industrialisation et d’intégration, cela paraît clair. Cela rend d’autant plus inquiétant ce futur que l’on décrit régi par une intelligence artificielle dont à l’heure actuelle, les neurones sont endommagés ou immatures…

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Pas de budget !

Le canton de Neuchâtel s’est offert un cadeau singulier en cette fin d’année : le budget pour 2018 n’a pas été accepté, si bien que le gouvernement se retrouve sans budget pour l’an nouveau. Donc, pas question dans l’immédiat de réalisation de travaux d’importance, limitation des dépenses au strict nécessaire. Inquiétude de ce fait pour les entreprises dépendant des chantiers financés par des fonds publics. Comment le patron de l’entreprise « TravauxPublicsSA » va-t-il bien pouvoir remplacer sa Range-Rover bi-turbo qui a déjà un an d’âge ?

Bon, ne paniquons pas ! Après quelques discussions autour d’un verre, en compagnie des principaux intéressés, on trouvera bien un modus vivendi, un accord provisoire permettant à l’exécutif d’engager les travaux qui vont permettre aux entreprises en question de fonctionner; le remplacement de la Range devra peut-être attendre la fin janvier, et encore…

Cette situation un peu ubuesque représente l’aboutissement très provisoire d’une mauvaise série télévisée que joue l’administration cantonale par le biais des divers élus depuis quelques années. Entre ceux qui ont de l’argent mais ne veulent pas le dépenser, et ceux qui n’ont pas d’argent mais qui le dépensent tout de même, ceux qui sont du Haut et qui veulent jouir d’infrastructures en propre et ceux du Bas qui souhaitent regrouper ces infrastructures sur les rives du Lac, ceux des deux vallées latérales qui se sentent désavantagés relativement aux deux petites villes du canton (et qui n’ont peut-être pas tout à fait tort), et quelques autres acteurs plus ou moins exotiques voire alcoolisés, il est difficile de parvenir à une administration sereine et rationnelle. Alors, à force de vouloir ménager la chèvre et le chou depuis plusieurs années (pendant que monsieur Seguin et le loup dégustent une potée auvergnate et un cabri), les déficits ont atteint des montants pour le moins inquiétants eu égard à la petitesse relative du canton. 

Un avantage à l’absence de budget tout de même : on craindra moins, dans l’immédiat en tous cas, des investissements grotesques comme le canton en a le secret; comme la pose de vingt portiques de signalisation sur un secteur d’autoroute de deux kilomètres dans le Val-de-Ruz, par exemple (secteur de Boudevilliers). Les portiques sont si rapprochés qu’en voiture, le premier cache les trois suivants; bon, ce n’est pas grave, je ne les ai personnellement jamais vus activés (mais je suis persuadé que le spectacle doit en valoir la peine). Tout de même, un bidule de ce genre doit bien coûter dans la centaine de milliers d’euros pièce, tout posé et installé; alors, multiplié par vingt, ça fait quand même chérot, surtout pour ne pas être utilisé ensuite… Avec ça, il y a aussi un stade en plein centre ville de Neuchâtel, là où les terrains pourraient rapporter gros. Rien contre le football en ce qui me concerne, mais de là à lui sacrifier les meilleurs terrains de la ville… Et si au moins l’équipe fanion pouvait se la jouer en Ligue des Champions, faire venir le Barça, ManU ou le PSG, ca pourrait être un deal rentable. Mais voilà… 

Abrégeons ! On peut tout de même espérer que ce coup de semonce, même s’il est corrigé rapidement par les intérêts « supérieurs » de quelques entreprises actives dans le secteur public, aura pour effet de mieux planifier à l’avenir les investissements. Mais on ne peut qu’espérer; et franchement, avec la perspective de devoir alimenter et rénover DEUX hôpitaux de soins aigus à partir de 2018, l’optimisme en la matière doit être soigneusement mesuré.

Bonne année 2018 !

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La neutralité de l’information

L’administration américaine de Donald J. Trump l’a fait : les opérateurs ont désormais le pouvoir d’influer sur l’accès à l’information en fonction de critères qui leur appartiennent. Potentiellement, cela ouvre de nombreuses possibilités aux opérateurs américains, au nom de la dérégulation, pour s’émanciper de lois dont l’administration Trump veut se débarrasser. Un opérateur comme AT&T ou Verizon peut ainsi « freiner » délibérément l’accès à une ressource par un particulier parce qu’il n’a pas souscrit à un abonnement spécial. On connaît ce mode opératoire avec la télévision, où l’on paie un surplus pour l’accès à un bouquet de chaînes particulier. Mais il est vrai qu’à la télévision, l’effet ressenti par le client est quelque peu différent.

Cette dérégulation américaine n’aura probablement pas une incidence particulière sur nous autres européens, du moins dans un premier temps : l’impact principal devrait se situer au niveau du réseau d’accès et ne pas avoir de conséquences négatives sur le réseau de transit dont nous dépendons lorsque nous consultons un site basé aux Etats-Unis. Mais on sait que les coutumes américaines  (bonnes ou mauvaises) traversent assez volontiers l’Atlantique; il est donc raisonnable de s’inquiéter des conséquences possibles.

Dans un premier temps, la dérégulation n’est qu’un mécanisme permettant de se faire un peu plus de fric sur le dos du consommateur d’informations. Genre :  » Vous avez le pack InTwo Basic à 30€ par mois; mais je vous conseille plutôt le pack InTwo Plus à 37€ qui comprend un accès prioritaire et préférentiel aux services de Facebook, par exemple ». En termes techniques, cela signifie que si vous ne choisissez pas le tarif le plus élevé, chaque paquet IP provenant de Facebook sera pénalisé d’un délai de commutation de 50 ou plus de millisecondes lors du passage par le serveur d’accès auquel vous êtes connecté. Pour l’opérateur, c’est plus compliqué puisqu’il doit gérer plus longtemps le paquet dans son routeur; mais que ne ferait-on pas pour se faire un peu plus de fric ? Sans parler du mensonge potentiel que le vendeur ne résistera pas à vous servir, puisque l’opérateur, en l’occurrence, ne vend pas un service supplémentaire, mais monnaye l’élimination du bridage intentionnel de ce service. Un peu comme si la voiture que l’on vous vend a le frein à main serré, et que le desserrage du frein est une option payante…

Mais cette dérégulation ouvre aussi la porte à d’autres craintes : rien n’empêche un opérateur de pénaliser un service ou un autre sur ce même principe. Lorsqu’il y a de la concurrence, le risque est moins important, du moins en théorie; mais on sait ce que signifie en réalité la notion de concurrence entre de grands acteurs comme les opérateurs de télécommunications, en l’occurrence ! La crainte de voir pénaliser des sources d’information n’est donc pas si théorique qu’on pourrait l’imaginer en l’absence d’une réglementation adéquate : tel site qui dénonce des tarifs excessifs de la part d’un opérateur pourrait devenir soudain difficile d’accès… Et chacun peut se laisser aller à imaginer d’autres scénarios, dans certains cas beaucoup plus inquiétants.

Je ne suis donc pas du tout persuadé qu’une déréglementation en l’occurrence soit une bonne chose, même si on peut argumenter que certains régimes ont abusé de la réglementation pour brider l’accès à l’information (voir la Chine ou la Corée du Nord, par exemple; bon, pour la Corée, c’est plus simple : ils n’ont aucun accès à l’information…). L’accès à l’information, dans une démocratie, ne devrait pas ne répondre qu’à la loi du marché; chaque source d’information devrait idéalement pouvoir être exprimée, sauf violation manifeste des lois existantes (sites malveillants, criminels, pédophiles, etc…). Cette règle, même si son application pose quelques questions difficiles à résoudre, doit permettre aux minorités de s’exprimer et d’accéder à une information qui les intéresse. Laisser cette responsabilité à l’économie privée, c’est -toutes proportions gardées- comme conférer à Microsoft ou Apple le soin de définir le système d’exploitation à utiliser par tout un chacun. La probabilité que le choix soit réellement impartial est assez faible…

Tiens, à ce propos, la Suisse votera, en mars prochain, pour l’abrogation d’un article constitutionnel concernant le rôle des médias, et indirectement de la subvention accordée à certains pour promouvoir une information équitable pour tous. L’initiative populaire à l’origine de ce vote s’appelle No Billag, du nom de la société qui était chargée jusqu’à cette année 2017 de la collecte des taxes servant à alimenter les subventions. Si cette initiative est acceptée, il n’y aura plus de taxes, et partant plus de subventions, ce qui implique la mort à court terme, ou au moins le dégraissage massif pour les chaînes de TV dites « nationales » (par équivalence, en France, on verrait disparaître une proportion significative des contenus des chaînes 2, 3, 4, 5 et Ô); plus préoccupant à mon avis, il n’y aura plus non plus d’article constitutionnel pour garantir un semblant d’équité d’accès à l’information au niveau national entre les diverses communautés formant la mosaïque helvétique : l’autorité suisse n’a pas jugé bon de présenter un contre-projet à cette initiative populaire qui aurait permis de garder un texte de référence dans la Constitution… Pas de plan B ! On peut avoir une petite idée de ce que donnerait une acceptation de cette initiative en suivant l’émission de TV consacrée à l’élection des « Swiss Sports Awards »  justement financée par l’économie privée, en l’occurrence une grande banque zurichoise. La proportion de commentaires en français, italien ou romanche est révélatrice, d’ailleurs, même le commentaire principal n’est pas en allemand, mais en dialecte zurichois… Notons encore, sur ce même sujet, qu’une éventuelle disparition des chaînes de TV dites nationales impacterait forcément le contenu diffusé sur la TNT : ceux qui n’ont pas de raccordement au téléréseau auront-ils encore un raccordement TV autrement que par satellite ? On peut se poser la question.

Cette initiative, bien que touchant des médias différents de l’abrogation de la loi américaine, vise des objectifs identiques : la dérégulation de l’accès à l’information. Et je persiste à penser que, même si la situation actuelle n’est de loin pas idéale, elle est infiniment meilleure et moins dangereuse que ce que laisse entrevoir une dérégulation sauvage.

 

 

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Des animaux et des hommes…

Il est devenu de bon ton de parler de spécisme et corollairement d’anti-spécisme pour justifier une alimentation traditionnelle (avec apport de protéines d’origine animale) ou purement « végétale ». On tend chez les anti-spécistes à renoncer à toute forme d’utilisation de ressources animales (pas de cuir, pas de laine, etc…), rejoignant ainsi les mouvements dits « véganes ». Bien sûr, cette tendance se traduit abondamment dans divers débats télévisés réunissant (si toutefois on peut parler de « réunion ») de fervents défenseurs des animaux d’une part (véganes ou végétariens généralement) et des carnivores ou des éleveurs. Le genre de débat programmé pour qu’aucune discussion constructive ne puisse avoir lieu, un de ces débats dont la télévision semble avoir le secret, avec un « modérateur » vite dépassé par les évènements et qui se contente au final d’essayer de distribuer équitablement le temps de parole entre les « pro », les « contra » et la pub.

Et que je te parle de l’empathie que peuvent manifester les animaux, de la délicatesse avec laquelle on abat les cochons, des adorables poussins qu’il semble impossible de consommer, etc… Et que je te rétorque avec les problèmes économiques qu’entraînerait une renonciation à l’exploitation des animaux de rapport. Entre ceux qui veulent continuer à bouffer de la viande et ceux qui ont totalement renoncé à en consommer, il ne peut guère y avoir débat.

Ainsi, quand on me dit que les animaux peuvent avoir de l’empathie, je peux agréer à l’affirmation; mais jusqu’à un certain point. Mon chat manifeste une empathie certaine pour mes caresses et accessoirement pour les croquettes que je lui propose dans son distributeur. Bon, il manifeste aussi une certaine forme d’empathie pour les souris et les  petits oiseaux. Vous avez déjà vu un chat jouer avec une souris vivante pendant de  longues minutes ? Ben franchement, je ne souhaiterais pas être à la place de la souris. Les humains ne sont donc pas seuls à maltraiter les animaux, même si je ne défends aucunement la maltraitance des animaux.

Et un lion qui se déguste une gazelle au déjeuner, vous avez déjà vu ? Et un bête doberman qui se paie un jeune faon à l’apéro avant d’aller bouffer sa pâtée ? (Eh oui, ça arrive, j’avais un voisin célèbre, un éditeur romand très connu, qui lâchait son molosse dans la forêt à une certaine époque. Je retrouve encore parfois des bouts de squelette en me promenant…). Par ailleurs, comparer les animaux aux humains n’est pas forcément sympa pour les animaux. Un chat peut torturer une souris pendant le temps qu’il veut, il n’arrivera jamais à la cheville des  bourreaux nazis (ou de certains idéalistes con-vaincus con-temporains) question cruauté. Non, là où le débat (puisqu’il faut appeler débat une cacophonie où chacun s’ingénie à parler en même temps que les autres) passe totalement à côté du sujet, c’est qu’il passe comme chat sur braise (si je puis me permettre) sur des problèmes qui me semblent vraiment fondamentaux :

  • L’élevage constitue un problème majeur du point de vue écologique, en raison du méthane dégagé (les pets des vaches, en fait) qui accentue notablement l’effet de serre. En revanche, l’élevage est une activité vitale pour nombre de régions qui n’ont pas d’autres débouchés économiques, comme les vallées de montagne, où ces braves vaches, ces charmantes chèvres et ces moutons jouent aussi un rôle écologique positif en broutant l’herbe et  en entretenant les alpages, directement ou indirectement. Mais sans consommation de viande, l’élevage devient une activité assez peu intéressante, non ? Alors, comment on entretient les alpages ? Parce que les faucheuses, ça coûte cher en main d’oeuvre, et ça pollue pas mal non plus… Et si on ne peut même plus tondre la laine des moutons, ou traire les vaches, alors à quoi bon ?
  • Invoquer des considérations d’intelligence ou d’empathie des animaux pour prôner le végétarisme ou le véganisme me paraît pour le moins hasardeux. J’ai quelques doutes sur l’intelligence ou l’empathie d’une huître, pour ne rien dire d’un ver de terre ou des criquets dont on nous promet des steaks fumants dans un futur très proche (enfin, pas trop proche, j’espère…). Il faudrait donc diviser les animaux en « supérieurs » et « consommables »… Mais où place-t-on le curseur ? Je connais des personnes (très sympathiques au demeurant) qui me diront « pas de curseur, on ne mange pas d’être vivants ». Bon, alors arrêtes de vivre,  collègue, parce qu’avec les millions de bactéries que tu ingères  (et qui sont nécessaires à ta vie), tu es un assassin d’êtres vivants comme les carnivores (pour ne rien dire des limaçons qui traînent dans ta salade) ! Je répète : le curseur, on le met où ?
  • On pourrait mettre le curseur au niveau des mammifères; et tant pis pour les élevages de saumons de la mer du Nord; mais zut ! les volailles ? On pourrait établir une liste. Forcément arbitraire, et variable selon la culture des gens incriminés. Pas simple…
  • Historiquement, il semble avéré que le primate a évolué vers l’humanité en diversifiant ses sources d’alimentation. Le fait de devenir chasseur lui a imposé le développement d’accessoires pour tuer des êtres nettement plus puissants que lui. Développement d’accessoires qui a conduit à la facture d’outils et a au final développé les facultés de raisonnement et l’inventivité chez ces primates. Une rupture avec une habitude alimentaire qui a contribué au succès de l’espèce est-elle vraiment sans conséquences négatives ? Ces « débats » manquent souvent de scientifiques, d’ailleurs…
  • Un régime alimentaire sans aucune protéine animale (je ne parle pas forcément de viande, ici) est souvent difficile à équilibrer, à tel point qu’il est souvent nécessaire d’utiliser des compléments alimentaires. C’est en particulier le cas pour les enfants de couples véganes, qui montrent des carences alimentaires parfois inquiétantes. On peut raisonnablement se poser la question de la pertinence d’un régime alimentaire qui impose l’utilisation de compléments alimentaires industriels…

Il est d’ailleurs surprenant de constater que dans ces débats télévisés, on demande leur avis à des personnes dont chacun connaît la position plutôt qu’à des scientifiques au discours plus nuancé. Un peu comme inviter Abou Bakr al-Baghdadi al-Husseini al-Qurashi (calife Ibrahim, de l’Etat Islamique d’Irak) pour discourir sur la laïcité de l’Etat, ou Oskar Freysinger pour avoir son avis sur l’immigration… C’est vrai que ces deux protagonistes feront certainement plus d’audimat que le professeur Dupont de la Faculté des sciences humaines de l’université de Lille 3 (excellente faculté, par ailleurs).

Pour en revenir au débat sur l’alimentation fondée sur l’exploitation animale, comme à l’accoutumée, les positions extrêmes sont généralement peu pertinentes. Il est sans doute pertinent et nécessaire de consommer moins de ressources d’origine animale, et aussi de garantir aux animaux une plus grande qualité de vie. Quant à y renoncer complètement, c’est peut-être un débat à long terme qu’il faudra envisager, mais à court terme, cela semble pour le moins déraisonnable.

 

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Intelligence artificielle

Vous n’avez jamais entendu parler d’intelligence artificielle, ni récemment entendu parler de robots intelligents ? Bravo ! Vous avez découvert l’un des derniers endroits de la planète à l’abri des médias et d’Internet, et vous avez la sagesse d’y habiter ! Mais si comme l’homo connectis moyen, vous entendez parler d’intelligence artificielle tous les jours, alors une bête question : c’est quoi, l’intelligence ? 

Selon Wikipédia, c’est « l’ensemble des processus de pensée d’un être vivant qui lui permettent de comprendre, d’apprendre ou de s’adapter à des situations nouvelles« . On peut imaginer, d’après cette définition, que l’intelligence artificielle doit être quelque peu différente. Comment un ordinateur peut-il faire preuve d’un équivalent d’intelligence ? 

La réponse est forcément complexe; après tout cela fait plus de cinquante ans que les chercheurs rêvent d’imiter l’intelligence avec un algorithme d’ordinateur. La première application réellement opérationnelle de l’AI (Artificial Intelligence) a été dans l’écriture d’algorithmes de jeu pour ordinateur. Ainsi, l’ordinateur a permis de battre l’humain aux échecs, puis récemment au jeu de Go; comment fait-il ? 

On peut grossièrement décrire le processus de base avec quelques (deux ou trois) mécanismes de base qui constituent aussi (en simplifiant quelque peu) l’ossature élémentaire de tout processus d’intelligence artificielle. Il y a tout d’abord la description des règles du jeu. Ceci inclut l’architecture du plan de jeu, les mouvements et les comportements des éléments mobiles du jeu. Le plan de jeu peut être ou non connu au départ, ce n’est pas là l’important : un aspirateur robot, par exemple, va devoir travailler sans connaissance a priori du plan sur lequel il évolue, alors qu’un robot joueur d’échecs dispose d’un plan de jeu figé de 64 cases en damier de 8 par 8, sur lequel il peut déplacer des pièces de manière dépendante de la pièce en question. Quant à l’aspirateur robot, ses règles de déplacement sont assez simples : cela passe ou ne passe pas, ses capteurs lui permettant en théorie de décider si un escalier devant lui constitue un obstacle infranchissable ou non.

Le deuxième élément est la fonction d’évaluation. A un instant donné, la situation pour chacun des joueurs est plus ou moins favorable. En principe, ce qui est favorable pour A est plutôt défavorable pour B, selon le jeu en question. L’art est de parvenir à une bonne quantification du caractère favorable d’une situation de jeu à un instant donné. A partir de cette situation, on pourra simuler tous les mouvements possibles, ainsi que les réponses possibles de l’adversaire pour parvenir à un nouvel état théorique du jeu. Parmi tous les essais que l’on aura ainsi effectué, on pourra choisir le meilleur selon la métrique de notre fonction d’évaluation. Bien sûr, on peut pousser plus loin l’exploration, en refaisant la même opération à partir de chacun des tableaux calculés, ceci éventuellement plusieurs fois de suite : on parle alors de profondeur de recherche. Plus elle est grande, plus l’ordinateur possède un grand nombre de coups d’avance sur son adversaire; dans un jeu simple, comme Othello, il peut même se permettre d’être complètement exhaustif après quelques coups initiaux, ce qui le rend pratiquement invincible. A ce stade, on constate deux problèmes qui semblent constituer le talon d’Achille de la méthode : la fonction d’évaluation doit être de bonne qualité (représenter une métrique réaliste de la situation de jeu), et de surcroît doit être assez simple à calculer, car cette estimation devra être répétée des centaines de millions de fois dans la partie, ce qui fait la lenteur de la prise de décision de l’ordinateur.

Plusieurs éléments de réponse ont été apportés à ces deux problèmes; ainsi, on a pu simplifier la recherche en évitant d’examiner des situations lorsque l’on pouvait être sûr qu’elles ne pouvaient en aucun cas conduire à un résultat meilleur que ce que l’on avait déjà évalué (algorithme minimax, ou alpha-bêta). On a aussi introduit des fonctions d’évaluation variables (en début de partie, on ne recherche pas forcément les mêmes positionnements qu’en milieu ou en fin de partie) pour améliorer les qualités stratégiques de l’ordinateur et lui permettre de mieux jouer avec une recherche moins exhaustive. On a aussi ajouté à la fonction d’évaluation la possibilité de vérifier si telle situation s’était déjà produite dans une partie précédente, et à quel résultat elle avait finalement conduit : cela a été l’introduction, en particulier dans les jeux d’échec, de bases de données de parties déjà jouées. On a commencé avec des parties de Grands Maîtres Internationaux, puis on a permis à l’ordinateur de stocker ses propres résultats, ce qui lui a conféré la capacité d’apprentissage. Enfin, on a mis ces bases de données en réseau, ce qui permet théoriquement à n’importe quel ordinateur de la planète de profiter de l’expérience de toutes les parties jouées par ses confrères n’importe où dans le monde. La dernière performance en la matière est celle de l’algorithme AlphaGo Zero de DeepMind (l’AI selon Google, pourrait-on dire), qui est parti avec une base de données vierge (en ne connaissant que les règles du jeu de Go ainsi que les objectifs de base, donc une fonction d’évaluation basique), et qui l’a lui-même améliorée en jouant contre lui-même des millions de parties jusqu’à pulvériser la version précédente Alpha Go (version ayant battu à plate couture le meilleur humain) par 100 victoires à zéro. 

Ces mêmes principes s’appliquent peu ou prou à tout programme contenant un peu d’intelligence artificielle, par exemple la voiture autonome. Le plan de jeu et les règles sont infiniment plus complexes, et la fonction d’évaluation est potentiellement aussi complexe que l’on veut bien le définir, mais à la base assez simple : toute solution qui conduit en un temps raisonnable à un endroit situé plus près de l’objectif final sans accident et sans violation des règles de la circulation est en principe une solution viable. Sauf que dans le cas du jeu d’échec ou du jeu de Go, les adversaires jouent à tour de rôle, alors que dans la circulation automobile, les adversaires sont nombreux et jouent simultanément ! De plus, certains des joueurs n’obéissent pas aux règles (chauffards, ivrognes, animaux). Certains joueurs ne sont probablement même pas prévus dans l’évaluation, ce qui rend une prévision (profondeur de recherche), même à court terme, aléatoire.

Intervient un nouveau paramètre qui est la fréquence de l’évaluation de la situation. La voiture autonome doit en permanence réévaluer la situation pour décider s’il vaut mieux continuer sur sa lancée, obliquer ou freiner. Bien sûr, elle perçoit la situation par le biais de capteurs qui lui livrent un modèle simplifié de la réalité, modèle qui est jugé suffisant pour assurer la fonction de l’automobile; mais cela reste néanmoins un modèle simplifié et qui va forcément présenter des lacunes. On remplace en quelque sorte la profondeur de la recherche devenue peu utile par la fréquence d’évaluation, mais c’est toujours cette satanée fonction d’évaluation qui va déterminer la précision de l’analyse : le temps nécessaire à son calcul va déterminer la fréquence avec laquelle la voiture autonome pourra réagir à un événement imprévu, et la pertinence de la fonction va déterminer le bien-fondé de la réaction de la voiture.

Bien sûr, face à des problèmes complexes, le modèle simplifié risque de ne pas suffire. En l’état actuel des choses, la voiture autonome n’est pas intelligente, et ne fait qu’appliquer de manière plus ou moins pertinente un algorithme (la fonction d’évaluation) qui analyse un environnement simplifié avec une logique figée qui ne saurait s’adapter intelligemment  à une situation qui n’est pas prévue dans son modèle : en un mot, une situation nouvelle. Prenez une voiture qui se met à glisser latéralement dans une neige profonde et glissante, au risque de partir dans le fossé (ou pire, un précipice), et il y a fort à parier que la voiture va réagir en freinant, ce qui est bien sûr la dernière des choses à faire. Soyons justes : la grande majorité des conducteurs ferait la même erreur…

J’ai entendu un expert dire que la voiture autonome aurait de la peine à prendre certaines décisions, comme en cas de dilemme, prendre le risque d’écraser soit une maman avec un landau, ou un vieillard. Que choisir ? On pourrait se demander si un conducteur humain aurait le temps de se poser la question le cas échéant; mais pour l’ordinateur, on n’en est pas là ! Les algorithmes de vision ne sont pas (encore) capables de faire ce genre de différences avec les caméras actuelles et avec le peu de temps à disposition. L’apparition des smartphones a fait gagner plusieurs ordres de grandeur à la puissance de calcul des processeurs, mais il faudra gagner encore quelques ordres de grandeur pour en arriver à un stade où il faudra réellement commencer à inclure des notions d’éthique dans les fonctions d’évaluation. Quoiqu’en disent les inconditionnels de l’AI, les lois de la robotique d’Isaac Asimov ne sont pas encore d’actualité.

Ce qui ne m’empêchera pas de m’asseoir avec plaisir au volant d’une voiture autonome (électrique, sûrement) et de lui dire « Amènes-moi à Sète et en attendant, passes-moi un bon film » le jour où cela deviendra possible (et s’il y a de bons films disponibles, bien sûr). Sur un environnement purement autoroutier, le problème de l’évaluation de la situation est assez simple, finalement; donc cela devrait être jouable dans un futur raisonnablement proche. Mais bon, je ne suis tout de même pas certain de vivre ce jour…

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Au nom de la religion…

Imagine there’s no countries,
It isnt hard to do,
Nothing to kill or die for,
No religion too,
Imagine all the people
living life in peace…

John Lennon, Imagine, 1971

Imaginez, avec John Lennon, un monde sans religion… Pas de bombes suicides, pas de 11 Septembre, pas de Croisades, pas de chasses aux sorcières, pas de Conspiration des poudres, pas de partition de l’Inde, pas de guerres israélo-palestiniennes, pas de massacres de musulmans serbo-croates, pas de persécutions de juifs, pas de troubles en Irlande du Nord, pas de crimes d’honneur, pas de télévangélistes au brushing avantageux et au costume tape-à-l’oeil. Imaginez, pas de Talibans pour dynamiter les statues anciennes, pas de décapitations publiques des blasphémateurs, pas de femmes flagellées pour avoir montré une infime parcelle de peau.

Richard Dawkins, Pour en finir avec Dieu, 2008. 

On pourrait ajouter pas mal de choses à cette tirade, tant les crimes inspirés par la religion se sont multipliés depuis le début du « printemps arabe » et les massacres en Syrie et ailleurs (Daech, Boko Haram et tant d’autres). Il ne s’agit pas de fustiger une religion ou une autre : toutes les religions finissent par générer des attitudes mortifères et extrêmes; même le bouddhisme, que des idéalistes (souvent très sincères) ont longtemps estimé comme étant au-dessus de ces tendances extrémistes, peut engendrer la violence et le rejet de l’autre (celui qui ne croit pas la même chose).

J’ai moi-même passé une bonne partie de mon adolescence dans un milieu chrétien, catholique (collège de l’Abbaye de Saint-Maurice) et réformé (paroisse protestante de Bex); j’ai eu donc le temps de me familiariser avec les mécanismes de la croyance religieuse, même si je ne puis prétendre à une grande expertise en la matière. Mes connaissances en la matière ont tout juste suffi à me dégoûter de ces démarches d’un autre âge, à l’époque où il fallait convaincre les miséreux qu’un monde meilleur les attendait, de façon à ce qu’ils restent miséreux pour enrichir les seigneurs qui entretenaient les religieux. Un âge encore tout à fait actuel où il faut persuader encore et toujours les femmes qu’elles sont à l’origine des péchés du monde, et qu’elles doivent continuer à « enfanter dans la douleur » tout en se voilant le visage et en attendant bien sagement à la maison le retour du maître. 

Sans religion, il n’y aurait pas d’imam (Komyrespir, un hommage ému à Frédéric Dard au passage) pour pervertir de jeunes paumés et les envoyer se faire tuer dans le désert de Syrie ou se faire sauter dans un tramway d’une capitale occidentale. Il n’y aurait pas de femme voilée jusqu’aux yeux ou plus, comme si une tempête de sable menaçait la ville de Paris où elle vit pourtant. Il n’y aurait pas de barbapoux en qamis ,  vivant aux crochets de la société civile, et dont on se demande si son accoutrement ne sert pas à dissimuler une k-allah-schnikov. Il n’y aurait pas de prêtres cul-sous-tannés utilisant la respectabilité conférée par l’habit pour satisfaire leurs désirs pédophiles (mais il y aurait toujours des pédophiles, ça oui !). Il n’y aurait pas eu d’Isabelle la Catholique pour massacrer des innocents dont le seul crime était de ne pas interpréter la foi comme l’Inquisition Espagnole qu’elle a fondée (Et dire qu’il y a des esprits barjos qui veulent en faire une sainte : cela montre finalement le peu de cas que fait parfois la religion catholique de la misère des mal lotis). Et je ne suis pas persuadé que l’absence de religion eût empêché l’avènement et l’action de personnes comme Albert Schweitzer ou mère Thérésa. 

Sans religion, il n’y aurait pas non plus de cathédrales à visiter : non que cela me manque personnellement, mais la visite de ces monuments constitue tout de même une source de revenus intéressante pour un grand nombre de régions touristiques. Il est vraisemblable que l’utilisation de ces ressources pour la confection d’égouts ou d’aqueducs eût mieux servi les intérêts des populations de l’époque, mais voilà… Il n’y aurait pas non plus de chapelle Sixtine; et sans l’argent des papes (Sixte IV, à l’époque l’Eglise était incroyablement riche dans un monde composé de très riches et de miséreux, au fait cela me rappelle quelque chose), il n’est pas certain que Michel-Ange et ses collègues aient pu peindre ce plafond admiré par jusqu’à 20000 visiteurs par jour.

En revanche, l’absence de religion n’eût pas empêché l’avènement de Napoléon, de Hitler, de Staline ou autres Mao Dze Dong. Ou plus proche de nous, Donald Trump, Kim Jong Un ou Tayyip Recep Erdogan. L’absence de raisonnement construit et logique n’est malheureusement pas l’apanage de l’obscurantisme religieux; il y a bien des créationnistes athées (juste que l’on se demande comment ils peuvent croire en une création sans l’existence d’un dieu quelconque, mais bon, après tout, c’est leur problème, hein ?), et des docteurs en biologie qui réfutent la théorie de l’évolution, alors… La religion à elle seule ne permet pas d’expliquer toutes les tares du monde où nous vivons. Heureusement, d’ailleurs, en particulier pour ceux (plus nombreux que l’on croit) qui en vivent.

Il n’est pas certain que le monde se porterait mieux sans religion; mais je suis raisonnablement persuadé qu’il ne se porterait pas plus mal.

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La valeur de l’argent

Connaissez-vous le Paris-St.Germain (PSG pour les intimes) ? Probablement en avez-vous entendu parler, et fait le rapport avec un club de football plus célèbre pour la fortune de ses propriétaires qatari que pour ses résultats sportifs (comment dites-vous ? je n’y connais rien ? vous avez absolument raison, mais là n’est pas mon propos). Vous avez sans doute appris que ce même PSG avait réalisé le transfert de joueurs le plus cher de l’histoire avec le brésilien Neymar, transféré pour plus de 200 millions de Barcelone.  Le salaire du joueur sera de l’ordre de 30 millions, sans compter les contrats publicitaires qu’il a conclu avec ses sponsors. 

On s’indigne parfois des salaires excessifs de certains grands patrons de l’industrie; mais sans aucunement justifier les sommes qu’ils engrangent en guise de salaire ou de parapluies dorés, on peut se demander si ces excès ne sont pas moins scandaleux dans leur cas que dans le contexte d’un individu qui joue à la baballe avec ses petits petons, aussi doué soit-il…

Il est bien entendu impossible de justifier d’un salaire de 30 millions de dollars, ou d’euros. Comment un individu sain d’esprit pourrait-il raisonnablement affirmer qu’il mérite un salaire pareil, alors que ses semblables, en travaillant au moins autant, sinon plus, parviennent à peine à joindre les deux bouts, quand ils y parviennent ? A moins d’être maladivement imbu de soi-même…  Il est vrai que cela existe; il  y a un certain numéro 7 jouant au Real de Madrid qui a une si haute opinion de lui-même que cette hauteur ridiculise même celle de Burj Khalifa. C’est dire…

Dans un autre registre, Apple Computers va probablement atteindre une capitalisation de mille milliards de dollars à la fin de l’année en cours. N’essayez pas de vous représenter une telle somme, et ne tentez surtout pas de mettre ce chiffre en relation avec votre bel iPhone 7 (« presque magique », dit la pub, à raison dans ce cas) qui a participé à ce résultat. Mais consolez-vous en remarquant que, après tout, cela ne représente que 5% de la dette des Etats-Unis… Néanmoins, en billets de mille dollars empilés, il faudrait tout de même une bonne centaine de Burj Khalifa empilées les une sur les autres pour parvenir à une colonne de hauteur équivalente à mille milliards de dollars !

Ces sommes astronomiques n’ont plus aucune signification rapportée à la valeur ajoutée du travail effectué. Ce qui pose inéluctablement la question de savoir comment mesurer la valeur d’une activité rémunérée. Visiblement, la métrique du salaire n’est pas utilisable, car cela signifierait que le football de M. Neymar est plus de 500 fois plus utile que le travail d’une infirmière dans un hôpital. Ces disparités posent des questions de société assez fondamentales; l’argent n’a de fait pas la même valeur selon le cadre dans lequel il est utilisé. Pour un jeune qui doit choisir une activité, cela est assez peu motivant : à quoi bon entamer de longues et difficiles études pour un résultat tout de même aléatoire (tant du point de vue résultat des études que de l’opportunité d’emploi par la suite) quand il voit en même temps des jeunes gens de son âge sans études particulières engranger des millions apparemment sans grandes difficultés ?

Ce genre de disparités a, il est vrai, toujours existé; cela a été les vedettes de cinéma, puis les chanteurs; maintenant, ce sont les « sportifs » (enfin, certains) qui tiennent la vedette. Mais les sommes en jeu rendent la valeur supposée de l’argent complètement factice. Comment se comparer aux sommes mises en jeu actuellement dans le sport de haut niveau, et le football en particulier ? Et comment s’étonner encore qu’un organisme comme la FIFA soit corrompu ?

Mais une bonne nouvelle tout de même : en Suisse, nous allons voter pour l’avenir de nos retraites (en particulier l’AVS) : si cette modification de la loi est acceptée, les retraités, enfin certains d’entre eux, vont recevoir 70.- CHF de plus par mois !

C’est Byzance…

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Le prix de la gratuité

Internet est sans doute, avec le recul, le plus grand succès du développement scientifique -en particulier universitaire- des années soixante. Et ce succès a été rendu possible pratiquement sans financement autre que la bonne volonté de quelques universités américaines à l’origine du projet un peu fou qui était de relier des ordinateurs entre eux pour les faire communiquer. Le projet universitaire se basait sur le partage des codes-source et la gratuité des services mis à disposition. ARPA est devenu le protocole Internet, on a développé des applications simples comme telnet (terminal network) ou smtp (Simple Mail Transfer Protocol), on a développé IP (Internet Protocol) et TCP (Transmission Control Protocol), puis encore WWW (World Wide Web, appuyé sur tous ces standards). 

Le web a par la suite donné naissance à d’innombrables services comme les divers moteurs de recherche, Facebook, Spotify, twitter et autres; mais les développeurs et les investisseurs ont constamment cherché à conserver, du moins autant que faire se pouvait, les idées d’ouverture et de gratuité (le droit à l’information) qui avaient présidé à la création du réseau Internet. Y sont-ils parvenus ? On peut en douter; pour éviter de taxer directement le consommateur, on utilise de plus en plus la publicité comme générateur de recettes; Facebook et Google ont fait des recettes publicitaires des mines à profit tout à fait remarquables; mais bon, la publicité est tout de même payée par quelqu’un, et au final c’est toujours le consommateur qui va faire les frais de l’annonce qui perturbe la lecture de  l’information qu’il désirait consulter. Mais on peut aussi se poser la question de la pertinence du concept de gratuité en l’occurrence.

Prenons pour exemple le protocole de messagerie (e-mail). Ce service est largement gratuit, constitué d’une des plus anciennes applications d’Internet, le protocole SMTP, et de divers protocoles client, dont POP (Post Office Protocol) et IMAP (Internet Message Access Protocol) sont les plus connus. Le service de messagerie est un service lourdement pollué par les messages parasites, malveillants, frauduleux ou non sollicités (pourriels, SPAM). On estime entre 90%, voire parfois jusqu’à 98% (selon les sources) la proportion d’e-mails non sollicités dans le trafic global de messages sur Internet. Sachant que chaque message email est copié plusieurs fois par destinataire (parfois plusieurs dizaines de fois, selon les routages dans les entreprises) au cours de sa durée de vie sur chacun des serveurs  par lesquels il transite, on peut affirmer que les serveurs de messagerie (et aussi les clients, bien sûr, qui stockent les messages pour qu’ils soient lisibles hors connexion) sont essentiellement occupés à traiter des pourriels. Souvent l’utilisateur final n’est que peu dérangé par les pourriels, car il existe d’excellents logiciels anti-spam (à divers niveaux) qui le protègent de cette nuisance, au moins partiellement. On élimine les spams après qu’ils aient été transmis, alors qu’il semblerait plus logique d’éviter qu’ils soient produits; cela me rappelle quelque chose… Bref.

Si le service de messagerie devenait payant, il est possible que l’on élimine une grande partie du spam sur Internet. Un « spammeur » génère entre dix et cent millions d’emails à la fois, en utilisant des listes d’adresses qu’il se procure assez aisément sur certains sites peu recommandables, voire sur le Darknet. Imaginons un prix du message de 1 millicentime d’euro, ce qui serait totalement invisible pour les particuliers, et même les entreprises, encore que l’on puisse trouver des modalités pour ces dernières. Pour « spammer » 10 millions de personnes, il faudrait toutefois débourser 10000 €, ce qui refroidirait vraisemblablement l’ardeur des générateurs de spam. On aurait ainsi éliminé les déchets à la source, et non à l’arrivée, ce qui est trop souvent le cas aussi pour la majorité des autres déchets que produit notre société évoluée…

Par ailleurs, on se rend compte actuellement que les serveurs Internet constituent aussi une pollution énergétique non négligeable. Restreindre le trafic Internet en diminuant son intérêt dans le cadre d’informations peu pertinentes grâce à une taxe de l’information permettrait probablement aussi de diminuer la consommation d’énergie. On voit sur cet exemple simple que la gratuité peut s’avérer nettement plus coûteuse au final qu’un prix modique raisonnablement étudié !

Tout service a un prix; dissimuler ce dernier en utilisant des subterfuges pour laisser croire en une gratuité de ce service finit par coûter plus cher, dans la mesure où ce ne sont plus les principaux utilisateurs (et donc les plus gros consommateurs de ce service) qui en supportent le coût. On pourrait refaire un raisonnement analogue dans d’autres cas de figure, comme l’importation de denrées de pays où la main d’oeuvre est bon marché, et les frais de transport dissimulés dans le prix à payer ensuite pour essayer de diminuer la pollution engendrée, mais bon… Ne nous égarons pas, enfin pas trop… Soyons conscients que la gratuité a un prix, et que le gratuit peut s’avérer plus cher que prévu.

Encore une belle utopie des années soixante qui s’envole : un monde où l’information serait libre d’accès, universellement accessible, et de qualité parce que immédiatement vérifiable par tout un chacun de par le monde. 

Mais quelle belle utopie c’était…

 

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