Un tintébin pour la démocratie

Le tintébin est l’appellation que donnent les Suisses Romands au déambulateur, vous savez, ce youpala pour personnes âgées :

Les actualités me donnent à penser que les démocraties sont de plus en vacillantes, comme si elles étaient usées, comme si elles avaient trop servi.

En cette fin de mois d’août s’est déroulé aux Etats-Unis un scénario impensable dans une démocratie occidentale. Donald J. Trump, inculpé pour divers motifs, et toujours candidat à l’investiture par le parti républicain, ne s’est même pas présenté aux débats préliminaires entre les potentiels candidats de son propre parti; un affront à la procédure démocratique qui devait permettre le choix du candidat le plus représentatif du parti. Mieux, il a organisé à la même heure une interview sur X (oui, ex-Twitter, quel nom stupide que ce X !) pour tenter de discréditer ses opposants potentiels, et occulter le débat entre ses collègues de parti. Non content d’avaler ces couleuvres, le parti républicain continue de soutenir majoritairement ce triste individu qui se moque de ses propres supporters. Et il y a de sinistres crétins qui votent encore pour ce clown malfaisant ! Il paraît de plus en plus probable qu’il obtiendra en 2024 l’investiture du parti sur lequel il crache avec mépris et application; et il se présenterait alors contre un Joe Biden plein de bonne volonté, mais tout de même au seuil de la sénilité ! Il ne serait guère difficile à Trump de discréditer Biden à coups d’affirmations fantaisistes qu’il a depuis longtemps renoncé à étayer, et dans ce cas, je crains très fort pour la démocratie aux Etats-Unis. Au vu du respect affiché par le chimpanzé hypertrophié pour le processus démocratique, il semble probable qu’il cherchera par tous les moyens à pérenniser son règne, comme Poutine et Xi l’ont fait avant lui. Heureusement qu’il a plus de 77 ans d’âge : il y a un espoir qu’Alzheimer ou une fracture du col du fémur ait raison du bonhomme dans un avenir pas trop éloigné, parce qu’on peut douter de l’efficacité de la justice en l’occurrence.

Vladimir Vladimirovitch Poutine est quant à lui accusé d’un nombre de moins en moins respectable de crimes contre l’humanité, mais actuellement personne ne songe à aller le chercher en Russie pour l’assigner à comparution devant un tribunal quelconque, fût-ce la Cour Internationale de Justice. C’est par ailleurs le dirigeant d’un gouvernement voyou, qui ne respecte aucun engagement et ne tient aucun compte des promesses qu’il a pu faire, à preuve les diverses agressions en Tchétchénie, en Géorgie ou en Ukraine, sans entrer dans les petits détails que constituent les nombreuses opérations paramilitaires en Afrique, ou la cyberguerre de déstabilisation (qui a tout de même permis l’élection de Trump aux Etats-Unis !) menée depuis plusieurs décennies à l’encontre des pays occidentaux. Au moins ne se réclame-t-il pas d’une quelconque légitimité démocratique puisqu’il est un dictateur assumé ! Dans nos démocraties (enfin, la plupart), un représentant de l’ordre qui abuse de la contrainte violente à l’égard d’un prévenu est en général plus ou moins rapidement traduit devant un tribunal, et c’est une bonne chose. Mais un assassin multirécidiviste comme le dictateur de la Fédération de Russie qui liquide ses adversaires politiques comme bon lui semble, en murmurant de cyniques condoléances devant une télévision qui lui est acquise n’a pas à rendre de comptes. De manière plus générale, le simple fait de disposer d’une force de dissuasion nucléaire garantit l’impunité à l’Etat voyou et ses dirigeants.

On pourrait aussi parler de Xi, de Kim, d’Erdogan, des talibans, des mollahs, ou deTchiani, putschiste au Niger; on pourrait même citer Orban ou Loukachenko, la liste est longue, bien trop longue ! Les partis d’extrême-droite, un peu partout, rêvent d’hommes (rarement de femmes, encore qu’en Italie…) forts et de gouvernements à poigne; les culs-bénis déplorent le laxisme des autorités face aux mœurs dissolues, à la mouvance LGBT perçue comme une maladie sociale. Même en Suisse, des opinions bien-pensantes proches de l’UDC ne craignent plus de proposer des restrictions aux droits pourtant chèrement acquis de l’individu, comme l’accès à l’interruption volontaire de grossesse pour les femmes.

Face à de telles crapules, glorifiant de manière éhontée le mensonge. l’assassinat et l’irrespect des lois, et ceci apparemment en toute impunité, comment persuader notre jeunesse de la nécessité qu’il y a de respecter les lois et la démocratie ? Les ordures que sont Poutine et Trump sont multi milliardaires; par contraste, un Macron n’est certes pas pauvre, mais quels ennuis on lui fait ! Quant au salaire d’un Conseiller Fédéral, cela permet certes de s’offrir des vacances sympa, mais pas trop ostentatoires tout de même: la villa à Mar-a-Lago ou sur les bords de la Mer Noire ne sont pas tout à fait dans le budget. Quel paraît être le modèle le plus intéressant ?

Il faudrait pouvoir réformer l’Organisation des Nations Unies de manière à ce qu’elle dispose d’un pouvoir d’intervention plus élevé. Mais qui va opérer cette réforme ? Certainement pas l’ONU elle-même, bridée par le droit de veto que se sont arrogé les vainqueurs de la Guerre en 1945, en oubliant de prévoir des renégociations de statut périodiques. Réformer l’ONU ? Poutine ne le permettrait pas, le statut actuel lui est par trop favorable !

Les démocraties traditionnelles ont du travail en perspective pour se rendre à nouveau crédibles; dans l’intervalle, un soutien extérieur pour leur assurer un minimum d’équilibre serait le bienvenu; mais encore faut-il trouver le tintébin adéquat…

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