LAMal où ?

Période électorale oblige, on parle de coûts et de porte-monnaie (cela s’appelle « pouvoir d’achat », semble-t-il). Les primes d’assurance-maladie tiennent une place de choix dans le discours des partis en mal de voix.

La droite se précipite dans les pas de Donald Trump pour proposer des affaiblissements de l’assurance obligatoire. Ainsi un membre éminent du PLR (M. Nantermod) propose une assurance à deux vitesses. Ceux qui n’ont pas les moyens s’offriront une assurance « light », alors que les nantis auront accès aux prestations plein pot. Et il propose une analogie qui pourrait prêter à rire si elle n’était pas tragiquement cynique : « c’est comme prendre le train en première ou en deuxième classe !« . Sauf que le train en deuxième classe vous mène au même endroit et en même temps à destination, alors que pour les soins, la destination finale reste la même, c’est vrai, mais la deuxième classe risque de vous y amener beaucoup plus tôt.

Natalie Rickli, ministre UDC de la santé zurichoise, va plus loin en proposant de renoncer carrément à l’assurance obligatoire. Si t’as les moyens, on te soigne, sinon, on te donnera éventuellement du paracétamol. C’est au principe de solidarité que s’attaque cette brillante politicienne qui s’inspire visiblement du chimpanzé hypertrophié américain. Et après ceci, on s’attaque à l’AVS ?

A gauche, ce n’est pas franchement plus réjouissant. On ressort la proposition de caisse unique, plusieurs fois rejetée par le passé, mesure dont personne n’a jamais réussi à me persuader de l’efficacité. On parle aussi de limiter à 10% du revenu la prime à payer par les assurés, ce qui a également été proposé précédemment (le Conseil Fédéral avait même proposé 8%). Mais bon, tant qu’à faire, pourquoi ne pas passer carrément l’assurance-maladie dans les impôts, alors ? Les primes payées deviennent fonction du revenu, les impôts augmentent quelque peu il est vrai, mais après tout, d’autres mesures sécuritaires, comme par exemple la Défense Nationale, dépendent également des impôts.

Il est intéressant de constater que tous ces brillants politiciens proposent des mesures pour faire baisser les primes des assurances-maladies, sans jamais se demander si les coûts de la santé pourraient être mieux contrôlés en Suisse. On s’attaque aux conséquences, pas aux causes, ce qui est un non-sens; mais il est vrai que la politique n’est pas réputée pour une attitude logique et rationnelle. Je ne veux pas me poser en spécialiste de la question, mais il y a tout de même quelques questions que je me pose (c’est juste un échantillon, ne craignez rien !) :

  • Le prix du Pantoprazol, un médicament très utilisé pour protéger le système digestif de l’action d’autres médicaments, est en Suisse de CHF 25.90 (14 comprimés de 20 mg, prix Sun Store), et en France de 15.95€, soit une différence d’environ CHF 10.- Multiplié par le demi-million de consommateurs quotidien (entre 5 et 7 % de la population) en Suisse, cela fait tout de même 5 millions de francs, si je compte bien. Ou CHF 360000.- par jour (14 jours par paquet), ou 10 800 000 par mois, ou encore les primes d’assurance de 18000 personnes. Une telle différence mériterait sans doute une petite enquête, non ? Mais qui aura le courage de s’attaquer au monde de l’industrie pharmaceutique ?
  • Nombre de cabinets médicaux spécialisés réclament le renseignement de coordonnées personnelles à chaque visite; ils justifient ces acquisitions de renseignements par la protection des données. Il est évident que cette raison est boiteuse, puisque la majorité des données récoltées est non confidentielle, et que le patient n’a pas la possibilité de refuser de fournir ces informations. Ironie supplémentaire : la quasi-totalité de ces renseignements figure également sur la carte d’assurance-maladie qu’il suffirait théoriquement de scanner : mais dans ce cas, cela ne pourrait pas être compté comme un acte médical !
  • Dans le même ordre d’idées, notre gouvernement cherche par tous les moyens à imposer l’utilisation du dossier électronique du patient (DEP). Les politiciens continuent à penser que l’on peut résoudre les problèmes avec des lois, alors qu’une loi peut au mieux prévenir l’occurrence d’un problème ! Et encore faut-il avoir anticipé ledit problème… Bref ! A l’école, on apprend qu’un problème se résout avec une solution, pas avec une loi, mais apparemment cela fait très longtemps que les politiciens ne sont plus allé à l’école. Quoi qu’il en soit, je connais assez bien le serpent de mer qu’est le DEP; assez pour affirmer que la solution actuelle constitue un emplâtre sur une jambe amputée. Les professionnels de la santé qui devraient alimenter le DEP ne s’y sont pas trompé et ils ont mille fois raison de mettre les pieds au mur ! Il y a plusieurs manières de concevoir les notions de confidentialité et de sécurité dans un monde numérique : on peut bâtir sur une infrastructure sécurisée, ou sécuriser à coups de mots de passe et de biométrie une construction boiteuse. Pour couronner le tout, certains cantons suisses (comme Neuchâtel) ont choisi d’implémenter une solution propriétaire, ce qui ne simplifie pas la tâche d’un médecin traitant des patients de plusieurs cantons. Tout ceci a un coût : il est considérable, voire prohibitif, mais personne ne s’en offusque !

Je connais nombre de spécialistes qui pourraient allonger cette brève liste; mais cela ne me semble guère intéressant. Les causes du coût de plus en plus insupportable de la santé me semblent quant à moi identifiables, pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine, et qu’on dispose du pouvoir de le faire; mais il me semble également probable que le pouvoir ne suffit pas : il faudrait la volonté.

Tamalou chantait Françoise Hardy dans les années 1980. La réponse, aujourd’hui en Suisse, est claire : « à ma LAMal« .

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