Peut-être avez-vous, comme moi, été sidérés par le résultat de l’élection du président des Etats-Unis d’Amérique début novembre. Non que l’élection de Donald Trump ait réellement surpris, on sentait depuis quelques jours que les affaires de la démocrate Kamala Harris n’étaient plus au beau fixe; mais de là à prédire un quasi plébiscite pour l’ex-président, avec son discours grossier et outrancier, il y avait un pas que l’on n’avait pas encore osé franchir.
Je me suis demandé, comme beaucoup d’autres, comment un tel résultat a pu être possible. Comment soixante millions de personnes ont-elles pu plébisciter un individu ouvertement climatosceptique, outrancier, grossier, ordurier parfois même, tolérant envers le racisme, indulgent envers les dictateurs comme Poutine et notoirement antiféministe ? Je suppose que c’est la même question que se sont posées certains allemands dans les années 1920 quand Hitler a été élu démocratiquement avec un discours certes différent, mais tout aussi outrancier.
Et puis, ce dimanche matin, je me plonge dans mes devoirs d’électeur helvétique, et j’essaie de comprendre le sujet des prochaines votations (24 novembre) en Suisse, en particulier sur la loi sur le financement des prestations de santé). Je lis attentivement, mais force m’est d’admettre que je n’y comprends pas grand-chose; difficile de prévoir si cela va mener en fin de compte à une baisse des primes d’assurance-maladie, ce qui m’importe le plus directement pour l’instant. Je lis des critiques venant de personnes que je pense tout de même compétentes, à l’exemple du syndicaliste Pierre-Yves Maillard, ou de la responsable du département de la Santé Madame Elisabeth Baume-Schneider, mais je ne parviens pas à me faire une idée précise du sujet sur lequel on veut que je donne mon opinion. C’est d’autant plus frustrant que mes deux références sont, dans ce cas particulier, opposées sur le sujet mais participant d’un même parti politique. Je voudrais bien voter avec mon avis personnel, mais si je ne comprends pas parfaitement le sujet, comment donner un avis pertinent ?
Par opposition, aux Etats-Unis, la réponse serait assez simple :
Trump will fix it !
Dans le cas de la guerre en Ukraine, le contraste est assez frappant; d’un côté Joe Biden – et une Kamala Harris qui promet de continuer dans le même registre – qui donne des milliards à l’Ukraine pour un résultat pour le moins douteux, en argumentant qu’il faut défendre la démocratie à tout prix, que Poutine est un agresseur inqualifiable, et ainsi de suite- De l’autre côté, un électeur qui voit le prix de l’essence augmenter, qui ne sait pas où se trouve l’Ukraine, et qui se fout de l’Europe parce qu’il n’en a rien à cirer de ces crazy guys. Il ne voit que de l’argent dépensé sans résultats réellement tangibles et son portemonnaie moins bien gonflé que ce qu’il souhaiterait. Mais en face, il y a un gars qui lui dit » Je vais te régler ça en 24 heures ». Génial, bravo, le gars.
Trump will fix it !
Il y a aussi la guerre au Moyen Orient. Israël contre le reste du Moyen Orient, pourrait-on dire. Mais bon, les Arabes, hein… Et puis c’est tous des terroristes, ces mecs, même pas des chrétiens. Alors pourquoi ne pas les balayer une fois pour toutes, qu’on puisse se préoccuper des affaires locales ? Ah, ben justement :
Trump will fix it !
Nous avons, en Suisse, une démocratie directe qui nous permet d’intervenir dans des questions extrêmement techniques; mais qui parmi les citoyens possède les connaissances techniques pour juger valablement d’un texte qui va peut-être entraîner une amélioration ou une péjoration d’un système de santé déjà trop complexe ?
C’est la force des démagogues populistes à la Trump, Berlusconi ou autres polichinelles se réclamant du peuple mais milliardaires. Ils parviennent à parler au portemonnaie des gens, à leur ressenti de tous les jours (trop d’étrangers, des prix qui augmentent, des restrictions de carburant,,,) et esquiver les questions plus abstraites mais non moins importantes (dont leur électorat n’a d’ailleurs souvent cure) par un simple » je vais résoudre ce problème ». Entre une équipe de gens raisonnables et instruits qui parle de la fin du monde (guerre, catastrophe écologique, biodiversité) et un hurluberlu grossier, inculte et outrancier qui parle de la fin du mois (pertes de pouvoir d’achat, prix qui augmentent…), il n’y pas photo : l’hurluberlu a la partie gagnée d’avance. Et puis, pour le reste…
Trump will fix it !