Abbé Pierre

Dernièrement j’ai entendu à la radio, un peu par hasard, l’interview d’une personne qui parlait avec véhémence du comportement scandaleux de l’abbé Pierre, dont on sait maintenant qu’il appréciait les femmes et n’hésitait pas à abuser de sa position pour obtenir ce qu’il voulait. Cette personne interviewée soutenait qu’il fallait détruire les références à ce prêtre indigne, et elle se félicitait de ce que Emmaüs ait décidé d' »oublier » son père fondateur, sous-entendant que tout le monde devait en faire autant.

On a voué aux gémonies l’Abbé Pierre après la révélation de ses frasques sexuelles. On pourrait croire que cet homme s’est soudain déguisé en un suppôt de Satan, que tout ce qu’il a pu réaliser au cours de son existence doit être balayé en raison de ces abus sexuels. Une fondation portant son nom a décidé de renier cette filiation en changeant de nom, la fondation Emmaüs ne veut en effet plus entendre parler de son père fondateur; tout ce que cet homme a pu faire de bien pendant son existence est effacé par la révélation de ce que certains n’hésitent pas à qualifier – peut-être avec raison – de perversions sexuelles.

Je ne veux pas excuser l’Abbé Pierre, pas plus que ces chanoines ou religieux de tout poil et de toutes variétés confessionnelles qui ont un jour montré leur sexe à de jeunes hommes ou femmes et leur ont ensuite fait violence pour leur seul plaisir. L’agression sexuelle, quelle que soit sa forme est inexcusable; mais cela doit-il effacer tout ce que les auteurs desdites agressions ont pu faire de bien au cours de leur vie ?

Pour en revenir à ces religieux en mal d’expériences sexuelles, on oublie un peu trop facilement de mentionner une des causes de leur comportement. Le vœu de chasteté est l’un des trois vœux principaux (chasteté, obéissance et pauvreté) que prononce un homme ou une femme au moment de son admission dans une congrégation religieuse. Aucun de ces grands dirigeants de l’Eglise que sont les évêques ou le pape n’a jamais pu imaginer que si Dieu avait mis des testicules et un pénis entre les jambes d’un être mâle, c’était dans un but précis; et que si on rendait ce but inatteignable, cela pouvait poser problème.

J’irai plus loin : on crie au scandale parce que des cinglés criminels imposent le voile intégral à des jeunes filles en Afghanistan ou en Iran; mais on passe sous un silence bienveillant mais aussi assourdissant le fait que l’Eglise catholique impose la chasteté (il est vrai avec le consentement implicite des intéressés) à ses adeptes. Et pourtant ces deux restrictions partent du même principe aberrant : imposer une pratique contre nature à des gens avec ou sans leur consentement.

La religion a pu, par le passé, représenter un contre-pouvoir intéressant aux seigneurs féodaux; elle a pu dans une certaine mesure encourager la propagation du savoir, en le censurant toutefois quand ce savoir menacait de mettre en évidence les lacunes de la foi. Mais, basées sur des croyances, les religions se trouvent actuellement à chaque instant menacées de contradictions flagrantes, à tel point que beaucoup d’états qui ont fondé leur existence sur une croyance religieuse ont été contraints de devenir des dictatures parfois sanglantes pour éviter de disparaître. Le voeu de chasteté, comme le port du voile pour les femmes, est une survivance d’une époque – pas si lointaine, et parfois encore très présente – où le sexe était assimilé au péché.

Je ne sais pas si l’abbé Pierre se serait mieux conduit si on lui avait permis d’avoir une compagne. Mais sans aucunement excuser des abus sexuels commis sur des êtres innocents, je refuse d’oublier tous ses actes de bien en raison de ses agressions sexuelles.

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