Le frein à l’endettement est un mécanisme approuvé par le peuple suisse en 2001, et mis en place en 2003, qui permet de limiter la dette de la Suisse à un chiffre jugé acceptable (actuellement environ 17% du PIB). Ce mécanisme a souvent été cité dans les médias, à l’occasion de diverses prises de décisions politiques, et il sert de prétexte à certains politiciens pour restreindre les investissements de l’Etat, et partant, le service public en général.
Ainsi, lorsque l’on désire introduire de nouveaux services, il devient nécessaire d’en restreindre d’autres, de manière à équilibrer la dépense totale. L’armée demande 4 milliards ? Bien sûr, le risque représenté par Poutine est tellement grand que l’on doit équiper notre armée d’opérette pour faire opposition aux chars russes qui traverseront le Rhin bientôt ! Mais on ponctionnera l’enseignement, la culture, l’information publique et les développements en énergie renouvelable pour équilibrer les comptes.
On s’accorde généralement à dire que notre principale source de richesse est notre matière grise. Pas de pétrole, pas de minerais intéressants, pas assez de vin ou de gruyère pour exporter valablement… Il n’y a que notre savoir-faire qui puisse s’exporter, et encore… Alors, ponctionner les hautes écoles pour acheter des équipements militaires qui ne serviront jamais, cela prêterait à rire si ce n’était pas si tragiquement ridicule.
Si le prétexte – maîtriser la dette – peut sembler pertinent au moment où certains de nos voisins européens voient leur ardoises s’allonger démesurément, la mise en oeuvre par le pouvoir politique laisse songeur. L’un des plus grands défis auquel est confrontée l’humanité actuellement est le dérèglement climatique, associé depuis très longtemps aux activités humaines et en particulier aux énergies fossiles par les scientifiques du monde. Au lieu de s’en alarmer, la majorité des dirigeants continuent à investir dans les énergies fossiles ou non renouvelables. Comme si cela ne suffisait pas pour péjorer la situation, on organise un peu partout de petits et grands conflits qui sont non seulement meurtriers, mais extrêmement néfastes pour le bilan CO2 de la planète. Les menaces nucléaires de Poutine et autres malades mentaux paraissent redoutables, mais les menaces climatiques pourraient bien entraîner des conséquances peut-être plus tragiques, plus définitives, et ceci dans un avenir plus proche qu’on ne le prévoit généralement; sans qu’il soit nécessaire de presser un bouton quelconque d’ailleurs.
Donald Trump élu, les Etats-Unis, plus gros producteur et utilisateur d’énergies fossiles du monde, sortiront de l’accord de Paris; non que le monde eût été sauvé si Kamala Harris l’avait emporte, bien sûr; mais il s’agit d’un signal très fort pour tous les pollueurs du monde (comme l’Argentin Javier Milei, par exemple) que l’on peut continuer à profiter des énergies fossiles efficaces et bon marché. A un niveau certes beaucoup plus modeste, Ölbert Rösti, notre conseiller fédéral en charge de l’énergie, du transport et de l’environnement. s’est trouvé de bonnes (?) excuses pour investir dans l’élargissement d’autoroutes qui aboutissent cependant toujours dans les mêmes culs-de-sac urbains. Pour tenter d’équilibrer le budget, il supprime le financement des trains de nuit, alternative pourtant intéressante à terme aux vols intercités en Europe.
D’une manière générale, on a un peu l’impression que, polarisés sur des conflits de plus en plus nombreux, et obnubilée par le souci d’un portemonnaie moins bien fourni qu’on ne le voudrait, la société se désintéresse des problèmes climatiques; et pourtant, l’année bientôt écoulée a été riche en péripéties liées au réchauffement global; ces catastrophes entraînent des dépenses conséquentes; mais on craint plus Poutine que les catastrophes naturelles, on se méfie plus de Netanyahou et des Iraniens que des pluies diluviennes. Je ne suis pas certain que cette attitude soit très pertinente. Poutine a une date de péremption relativement proche; dans une dizaine d’années, il se mettra à bégayer des incohérences comme l’a fait Biden cette année, et comme Trump le fait depuis sa naissance. Le dérèglement climatique n’a provisoirement pas de date de péremption; même si nous cessons demain toute activité émettant du CO2 (ce qui, soit dit en passant, commencerait par cesser de respirer), le réchauffement va perdurer encore de nombreuses années, et les enfants de nos enfants, et leurs enfants probablement aussi, en subiront encore les conséquences.
Limiter l’endettement ? Oui, bien sûr. Mais sans limiter les investissements nécessaires, et surtout pas les investissements rentables, même si ce n’est qu’à long terme. Mais encore faut-il comprendre où sont les priorités, et de ce côté, il semble que la tendance générale privilégie la réelection et le statu quo courageux et responsable.