Récemment, des citoyens ont lancé une nouvelle collecte de signatures pour une initiative visant à réduire, voire annuler, les émissions de CO2 de la confédération helvétique d’ici 2050. Il y a même un prix Nobel qui s’implique dans la démarche, c’est dire le sérieux de l’entreprise !
Le fait que de telle initiatives existent est évidemment éminemment souhaitable, mais elles restent malheureusement désespérément limitées et inefficaces. Admettons que cette initiative soit mise en oeuvre; il y aura peut-être des taxes incitatives avant 2050, mais rassurez-vous, cela ne va pas être insupportable, politiquement, on ne peut pas affaiblir trop l’économie suisse, pas vrai ? Et puis, jusqu’en 2050, on a le temps de voir venir; d’ailleurs, bon nombre des initiants (dont Jacques Dubochet, le prix Nobel en question) ne seront plus concernés par le problème d’ici là; moi non plus d’ailleurs, il est vrai. Et quand à savoir si le bel exemple donné par l’Helvétie va inciter les Trump ou Bolsonaro à revoir leur copie écologique, alors là, c’est carrément de la science-fiction; on ne peut qu’espérer que leurs successeurs seront plus perméables à l’argument écologique parce qu’ils seront peut-être plus immédiatement concernés, eux…
J’ai passé des vacances (excellentes, d’ailleurs) cet été au Canada: je n’ai donc pas été très écolo en l’occurrence. J’ai utilisé pendant plus de 3000 kilomètres de route un camping-car (un VR ou RV, en nord-américain moderne) qui consommait allègrement ses 45 litres aux 100 kilomètres. J’ai passé une nuit dans un camping à Amqui, en Gaspésie, où il y avait un meeting de quads sur un weekend prolongé. Le camping était rempli de camping-car immenses, la plupart accompagnés d’un gros pick-up 4*4 pour tirer une remorque comprenant un ou deux quads. Un de nos voisins de camping venait de Montréal (640 kilomètres tout de même) pour l’occasion, avec le camping-car, alors que madame conduisait le pick-up avec un quad dedans. Certains de leurs amis occupaient une place voisine avec un camping-car pour eux aussi, ainsi que les quads et les tracteurs respectifs. Supposer qu’une action contraignante, mais exemplaire en Suisse va opérer une révolution de mentalité à brève échéance dans ce genre de milieu relève d’un bel optimisme.
Si un pays comme la Suisse (avec le concours des voisins européens, n’en déplaise à nos souverainistes) veut inciter de manière sérieuse la planète Terre à changer de comportement, elle n’a à mon avis qu’un moyen de se donner les chances d’y parvenir, et c’est en développant des produits énergétiques meilleurs et moins coûteux que les équivalents pétroliers. Avec ce genre d’arguments, il n’est plus nécessaire de s’impliquer politiquement dans des luttes qui n’ont d’incidence directe qu’en Suisse, et peu ou pas d’influence, même chez nos voisins immédiats; au contraire, chacun voudra bénéficier des apports d’une technologie meilleure et moins coûteuse. Moins de pollution, plus de richesse, et une image améliorée. Les produits meilleurs existent, indubitablement. Les pompes à CO2, les capteurs solaires multimodaux (thermique-voltaïque), les piles à combustible, les systèmes de gestion des eaux de ruissellement en milieu urbain et péri-urbain sont des réalités, déjà maintenant. Des infrastructures de télé-travail réellement efficaces pourraient être développées assez aisément, par exemple en partant de modèles développés par Uber ou d’autres, et en les adaptant à des conditions de travail quelque peu humaines et socialement acceptables. Oui, mais cela coûte…
La Suisse couvre la moitié de ses besoins énergétiques avec des produits pétroliers (plus de dix millions de tonnes en 2017). Et ce chiffre ne tient pas compte de l’utilisation indirecte venant de l’importation de biens de consommation comme des cerises du Chili au mois de janvier. Il suffirait de taxer même modérément cette consommation et de reverser le produit au développement des énergies propres ou à bilan neutre pour permettre de rendre les prototypes actuels plus performants et plus rentables que leurs équivalents basés sur l’énergie fossile. Après tout, les investissements consentis pour la recherche pétrolière restent aujourd’hui encore des milliers de fois plus importants que ceux dévolus aux énergies non fossiles; et malgré cette disparité, on parvient à des résultats tout à fait convaincants: donc l’objectif est réaliste et probablement pas très compliqué à atteindre. Les mécanismes de taxation sont en place, il suffit de les adapter légèrement pour permettre aux forces de développement en Suisse et en Europe d’améliorer et d’optimiser les prototypes et produits existant.
Cerise sur le gâteau, cela permettrait à des gens comme les initiants cités au début de cet article d’être impliqués d’emblée au processus, puisque les taxes peuvent entrer en vigueur à très brève échéance. Mais cela implique aussi une certaine ouverture à la collaboration avec les partenaires, et c’est probablement là que le bât blesse. Mieux vaut faire quelque chose d’inutile mais bien de chez nous, que quelque chose d’utile mais qui puisse aussi profiter aux autres. Pas simple, l’écologie, quand on y mêle de la politique…