Le temps qui passe…

Lorsque j’étais enfant, un voisin répétait à chaque fin d’année la même phrase, qui me semblait un peu sybilline, mais qui devait probablement être très savante, puisque je ne la comprenais pas : Une année de plus en moins…

Plus tard, j’ai bien sûr compris le sens que ce paysan voulait donner à cette phrase : la nouvelle année sonnait aussi le glas de la précédente, une nouvelle année s’ouvrait sur la fin d’un année d’existence; en somme une manière un peu bizarre de célébrer le temps qui passe…

Je ne suis pas tout à fait aussi âgé que ne l’était le paysan -l’ami- de l’époque; mais en cette fin d’année, j’ai envie de répéter sa phrase, ou une autre qui symbolise en peu de mots cette réalité qui se fait de plus en plus présente au fil des années : le temps qui passe…

C’est le déclin des démocraties occidentales que je croyais indiscutables dans un passé pas si lointain; Internet avait été à l’origine conçu pour diffuser et vanter les bienfaits de la démocratie aux populations opprimées des blocs de l’Est. Ce même Internet aujourd’hui utilisé pour diffuser et promouvoir les contre-vérités, les doctrines totalitaires, les théories complotistes et autres aberrations nées des inégalités, des volontés de pouvoir et de la misère des peuples.

C’est l’effondrement du climat mondial, qui a tellement été prédit que plus personne n’y croit vraiment; sauf les victimes de cataclysmes météorologiques, peut-être. Faudra-t-il attendre 2040, une des dates annoncées par le GIEC de bascule climatique, pour constater une quelconque réaction tangible des pouvoirs politiques ? Rien n’est moins sûr, avec le retour au pouvoir d’un climatosceptique aux Etats-Unis, et l’accroissement des conflits dans le monde.

C’est des conflits de plus en plus nombreux dans le monde, ce monde qui nous avait paru en paix pendant toute notre existence, et qui semblait s’ouvrir vers une globalisation et une harmonisation bienvenues après les années de guerre froide. L’exacerbation de l’identitarisme, les religions et le terrorisme, opposés à l’aveuglement de dirigeants croyant que l’on peut inculquer la démocratie avec des bombes aura eu raison de cette utopie d’un monde harmonieux.

C’est la croissance de l’obscurantisme partout dans le monde; alors que l’on pensait que la connaissance progressait partout, l’ignorance gagnait du terrain presque aussi rapidement que la progression des ventes de smartphones dans le monde. Parmi les presque 78 millions de voix qui ont choisi Donald Trump, la majorité sont sans doute des gens de peu d’instruction, les autres des gens très instruits qui comptent s’enrichir et accroître leur pouvoir aux dépens de ces derniers.

Quelque 70% des vertébrés ont disparu au cours des 50 dernières années; c’est l’une des plus grandes extinctions massives de l’histoire de notre planète. Notre planète s’en accommodera sans doute; mais nous-même ? Probablement pas, mais ce n’est que bien plus tard que nous en prendrons pleinement conscience; et puis, quand je dis « nous »… Nos enfants peut-être, ou leurs enfants, qui devront réapprendre à vivre avec la famine et les affamés du monde.

Le temps qui passe, c’est aussi cette inexorable baisse des capacités, cette lente décrépitude qui mêne infailliblement vers la vieillesse. Je continue à ne pas me sentir vieux, mais je dois à la vérité la concession que mes possibilités physiques ne sont de loin plus en accord avec cette impression.

Vous me trouvez pessimiste ? Sans doute avez-vous raison; mais je continue à ne pas prétendre que « c’était mieux avant ». Après tout, c’est nous qui avons fait de ce monde ce qu’il est, et s’il est déplaisant, alors nous en portons aussi la responsabilité. Et puis, Poutine, Erdogan, Netanyahou ou Trump sont des vieillards, des gens de ma génération que la sénilité gagnera tôt ou tard et que l’on sera bien obligé, lorsqu’ils s’oublieront dans leur culotte, d’écarter du pouvoir un jour ou l’autre : il n’est pas encore trop tard pour l’espoir.

Mais c’est vrai que le temps qui passe devient pressant. Les signaux qui nous proviennent du monde ne sont pas rassurants; et le temps commence à manquer pour y réagir de manière appropriée. Angela Merkel avait surpris le monde (2015) en disant « Wir schaffen das« ; cela lui avait moyennement bien réussi, mais parions nous aussi sur le même thème : On y parviendra!

Je vous souhaite très sincèrement une excellente année 2025.

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