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Le temps qui passe…

Lorsque j’étais enfant, un voisin répétait à chaque fin d’année la même phrase, qui me semblait un peu sybilline, mais qui devait probablement être très savante, puisque je ne la comprenais pas : Une année de plus en moins…

Plus tard, j’ai bien sûr compris le sens que ce paysan voulait donner à cette phrase : la nouvelle année sonnait aussi le glas de la précédente, une nouvelle année s’ouvrait sur la fin d’un année d’existence; en somme une manière un peu bizarre de célébrer le temps qui passe…

Je ne suis pas tout à fait aussi âgé que ne l’était le paysan -l’ami- de l’époque; mais en cette fin d’année, j’ai envie de répéter sa phrase, ou une autre qui symbolise en peu de mots cette réalité qui se fait de plus en plus présente au fil des années : le temps qui passe…

C’est le déclin des démocraties occidentales que je croyais indiscutables dans un passé pas si lointain; Internet avait été à l’origine conçu pour diffuser et vanter les bienfaits de la démocratie aux populations opprimées des blocs de l’Est. Ce même Internet aujourd’hui utilisé pour diffuser et promouvoir les contre-vérités, les doctrines totalitaires, les théories complotistes et autres aberrations nées des inégalités, des volontés de pouvoir et de la misère des peuples.

C’est l’effondrement du climat mondial, qui a tellement été prédit que plus personne n’y croit vraiment; sauf les victimes de cataclysmes météorologiques, peut-être. Faudra-t-il attendre 2040, une des dates annoncées par le GIEC de bascule climatique, pour constater une quelconque réaction tangible des pouvoirs politiques ? Rien n’est moins sûr, avec le retour au pouvoir d’un climatosceptique aux Etats-Unis, et l’accroissement des conflits dans le monde.

C’est des conflits de plus en plus nombreux dans le monde, ce monde qui nous avait paru en paix pendant toute notre existence, et qui semblait s’ouvrir vers une globalisation et une harmonisation bienvenues après les années de guerre froide. L’exacerbation de l’identitarisme, les religions et le terrorisme, opposés à l’aveuglement de dirigeants croyant que l’on peut inculquer la démocratie avec des bombes aura eu raison de cette utopie d’un monde harmonieux.

C’est la croissance de l’obscurantisme partout dans le monde; alors que l’on pensait que la connaissance progressait partout, l’ignorance gagnait du terrain presque aussi rapidement que la progression des ventes de smartphones dans le monde. Parmi les presque 78 millions de voix qui ont choisi Donald Trump, la majorité sont sans doute des gens de peu d’instruction, les autres des gens très instruits qui comptent s’enrichir et accroître leur pouvoir aux dépens de ces derniers.

Quelque 70% des vertébrés ont disparu au cours des 50 dernières années; c’est l’une des plus grandes extinctions massives de l’histoire de notre planète. Notre planète s’en accommodera sans doute; mais nous-même ? Probablement pas, mais ce n’est que bien plus tard que nous en prendrons pleinement conscience; et puis, quand je dis « nous »… Nos enfants peut-être, ou leurs enfants, qui devront réapprendre à vivre avec la famine et les affamés du monde.

Le temps qui passe, c’est aussi cette inexorable baisse des capacités, cette lente décrépitude qui mêne infailliblement vers la vieillesse. Je continue à ne pas me sentir vieux, mais je dois à la vérité la concession que mes possibilités physiques ne sont de loin plus en accord avec cette impression.

Vous me trouvez pessimiste ? Sans doute avez-vous raison; mais je continue à ne pas prétendre que « c’était mieux avant ». Après tout, c’est nous qui avons fait de ce monde ce qu’il est, et s’il est déplaisant, alors nous en portons aussi la responsabilité. Et puis, Poutine, Erdogan, Netanyahou ou Trump sont des vieillards, des gens de ma génération que la sénilité gagnera tôt ou tard et que l’on sera bien obligé, lorsqu’ils s’oublieront dans leur culotte, d’écarter du pouvoir un jour ou l’autre : il n’est pas encore trop tard pour l’espoir.

Mais c’est vrai que le temps qui passe devient pressant. Les signaux qui nous proviennent du monde ne sont pas rassurants; et le temps commence à manquer pour y réagir de manière appropriée. Angela Merkel avait surpris le monde (2015) en disant « Wir schaffen das« ; cela lui avait moyennement bien réussi, mais parions nous aussi sur le même thème : On y parviendra!

Je vous souhaite très sincèrement une excellente année 2025.

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C’est quoi, le projet ?

J’écoutais d’une oreille distraite l’autre jour notre ministre en charge du département des Finances, madame Karin Keller-Suter (KKS pour les intimes), discourir sur la politique poursuivie par le Conseil Fédéral. Il a beaucoup été question de chiffres, d’objectifs financiers, et de stratégies pour limiter les dépenses publiques. Madame Keller Suter est sans conteste une femme supérieurement intelligente et très difficile à prendre en défaut; aussi n’essaierai-je même pas ! Mais en gros, le discours de madame Keller-Sutter réside en deux maîtres-mots : austérité et frein à l’endettement. Ce n’est pas une vision qui me donne particulièrement envie de l’avenir; je dois même dire que c’est un discours qui me laisse un peu indifférent, voire découragé. L’avenir, qui verrra madame Keller-Suter présider aux destinées de notre pays, me semble gris et sans opportunités.

Où sont les leaders radicaux du dix-neuvième siècle, qui ont mis sur pied une Constitution fédérale moderne, révolutionnaire, qui a assuré au pays une prospérité et une stabilité que beaucoup de nos voisins nous envient ? Les leaders radicaux actuels sont plutôt du genre à tenir un discours minimaliste, à l’exemple de M. Nantermod qui répète à chaque projet proposé que « Oui, mais non, parce que si on donne quelque part, il faut prendre ailleurs, vous comprenez, c’est comme les vases communiquants« . Les projets même les plus minuscules s’achoppent à cette logique de gagne-petit. Il n’y a que l’Armée qui parvienne à se doter de financements dignes de ce nom; ce qui ne signifie pas que l’Armée ait des projets ou constitue en soi un projet, bien évidemment. La crainte devant un ennemi supposé ou imaginé ne peut guère être qualifiée de projet d’avenir.

Par opposition, 1986 voyait la naissance officielle du projet européen au Luxembourg, après des travaux préparatoires entamés au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, aux environs de 1952. Tout d’abord initié sous la forme d’une communauté essentiellement économique, il était prévu de faire évoluer l’Europe vers un Etat Fédéral; un projet très ambitieux. Infiniment plus ambitieux que la mise sur pied des Etats-Unis d’Amérique, car il s’agissait ici de fédérer des Etats qui traditionnellement se faisaient la guerre depuis plusieurs siècles, comme la France et l’Allemagne, les deux principaux moteurs de la mise sur pied de l’Union Européenne. Mais il s’agit aussi d’un projet éminemment social, un véritable projet de société, puisqu’il vise à terme à rendre égaux les membres les moins nantis et les Etats les plus riches. Enfin, il s’agit d’un projet de société égalitaire vivant en paix, et le projet a été d’ailleurs récompensé du prix Nobel de la Paix en 2012. Ce fut à mon humble avis l’un des Nobel de la Paix les plus justifiés depuis bien des années…

Les premières fissures dans le projet apparaissent au début des années 2000, lors du refus de la mise en œuvre d’une constitution européenne : la France et le Danemark refusent cette Constitution; des pays de l’Est de l’Europe s’invitent dans l’Union Européenne, parfois plus pour profiter des crédits alloués au développement des Etats que pour réellement contribuer au projet. Finalement, en 2020, la Grande-Bretagne quitte le projet (Brexit), estimant que le coût en est trop élevé; au vu des résultats, on n’est pas certain qu’ils aient eu raison; mais ceci est un autre débat.

Dans les années 1990, la Suisse avait modestement cherché à adhérer à cet ambitieux projet; porté par deux conseillers fédéraux atypiques, René Felber et Jean-Pascal Delamuraz, venant de deux partis traditionnellement opposés, ils avaient initié une votation qui proposait aux Suisses de se rapprocher de l’Union Européenne par le biais d’un traité commercial nommé EEE (Espace Economique Européen); dans la foulée, le Conseil Fédéral déposait même une demande d’adhésion à l’UE. On connaît le résultat du scrutin populaire, et le discours désabusé de M. Delamuraz au soir de la votation, voyant le principal projet de sa carrière échouer sur l’autel du conservatisme gris et morose. Y a-t-il eu depuis cette époque un autre projet de société proposé aux citoyens helvétiques ?

Actuellement, le projet européen vit la crise la plus grave de son existence avec la montée de l’extrême-droite, et du conservatisme égoïste qui privilégie le profit individuel au bien-être commun; avec l’affaiblissement des deux principaux porteurs du projets que sont la France et l’Allemagne, on peut être inquiet pour le déroulement futur de ce projet pourtant unique au monde.

La France a ces dernières années sous la présidence d’Emmanuel Macron, montré deux visages à l’opposé l’un de l’autre. D’un côté, un sens de l’organisation exceptionnel ayant abouti à l’accomplissement de deux évènements majeurs qui ont fait l’admiration du monde entier : les Jeux Olympiques de Paris 2024, et l’inauguration, ou la résurrection, de Notre Dame de Paris. Deux évènements dont on avait prédit qu’ils étaient voués à l’échec, mais qui se sont avérés des projets magnifiquement conduits et exécutés. D’un autre côté, la France du désordre politique, d’un Parlement transformé en cour de récréation pour enfants immatures, la France qui vacille désormais dans une incertitude politique dommageable pour toute la société française, et aussi pour l’Europe, en tant que continent. Les projets évènementiels ont été maîtrisés bien au-delà de ce que l’on attendait de cette France réputée ingérable. Mais Emmanuel Macron a oublié d’imaginer un projet institutionnel qui puisse, sinon fédérer, du moins réunir autour d’une table, et d’une préoccupation commune les différentes factions politiques à l’oeuvre en France. Chaque orientation politique, laissée à elle-même, a oeuvré dans la médiocrité qui caractérise tout politicien normalement constitué : comment gagner les prochaines élections, comment s’arroger le pouvoir; ce qui ne peut guère aboutir à un consensus en fin de compte.

Nos gouvernements n’ont apparemment plus de projets de société; c’est passé de mode. Il faut parvenir à contrôler le budget, et maintenir les mécanismes de l’Etat en fonction. Le projet du gouvernement peut se traduire en deux mots de latin : le statu quo. Pas de quoi enthousiasmer qui que ce soit, en l’occurence.

Madame Keller-Suter, ( je m’adresse à vous, mais je pourrais m’adresser à n’importe lequel de vos collègues, bien sûr, alors ne le prenez pas personnellement); madame, c’est quoi, votre projet pour la Suisse ?

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Abbé Pierre

Dernièrement j’ai entendu à la radio, un peu par hasard, l’interview d’une personne qui parlait avec véhémence du comportement scandaleux de l’abbé Pierre, dont on sait maintenant qu’il appréciait les femmes et n’hésitait pas à abuser de sa position pour obtenir ce qu’il voulait. Cette personne interviewée soutenait qu’il fallait détruire les références à ce prêtre indigne, et elle se félicitait de ce que Emmaüs ait décidé d' »oublier » son père fondateur, sous-entendant que tout le monde devait en faire autant.

On a voué aux gémonies l’Abbé Pierre après la révélation de ses frasques sexuelles. On pourrait croire que cet homme s’est soudain déguisé en un suppôt de Satan, que tout ce qu’il a pu réaliser au cours de son existence doit être balayé en raison de ces abus sexuels. Une fondation portant son nom a décidé de renier cette filiation en changeant de nom, la fondation Emmaüs ne veut en effet plus entendre parler de son père fondateur; tout ce que cet homme a pu faire de bien pendant son existence est effacé par la révélation de ce que certains n’hésitent pas à qualifier – peut-être avec raison – de perversions sexuelles.

Je ne veux pas excuser l’Abbé Pierre, pas plus que ces chanoines ou religieux de tout poil et de toutes variétés confessionnelles qui ont un jour montré leur sexe à de jeunes hommes ou femmes et leur ont ensuite fait violence pour leur seul plaisir. L’agression sexuelle, quelle que soit sa forme est inexcusable; mais cela doit-il effacer tout ce que les auteurs desdites agressions ont pu faire de bien au cours de leur vie ?

Pour en revenir à ces religieux en mal d’expériences sexuelles, on oublie un peu trop facilement de mentionner une des causes de leur comportement. Le vœu de chasteté est l’un des trois vœux principaux (chasteté, obéissance et pauvreté) que prononce un homme ou une femme au moment de son admission dans une congrégation religieuse. Aucun de ces grands dirigeants de l’Eglise que sont les évêques ou le pape n’a jamais pu imaginer que si Dieu avait mis des testicules et un pénis entre les jambes d’un être mâle, c’était dans un but précis; et que si on rendait ce but inatteignable, cela pouvait poser problème.

J’irai plus loin : on crie au scandale parce que des cinglés criminels imposent le voile intégral à des jeunes filles en Afghanistan ou en Iran; mais on passe sous un silence bienveillant mais aussi assourdissant le fait que l’Eglise catholique impose la chasteté (il est vrai avec le consentement implicite des intéressés) à ses adeptes. Et pourtant ces deux restrictions partent du même principe aberrant : imposer une pratique contre nature à des gens avec ou sans leur consentement.

La religion a pu, par le passé, représenter un contre-pouvoir intéressant aux seigneurs féodaux; elle a pu dans une certaine mesure encourager la propagation du savoir, en le censurant toutefois quand ce savoir menacait de mettre en évidence les lacunes de la foi. Mais, basées sur des croyances, les religions se trouvent actuellement à chaque instant menacées de contradictions flagrantes, à tel point que beaucoup d’états qui ont fondé leur existence sur une croyance religieuse ont été contraints de devenir des dictatures parfois sanglantes pour éviter de disparaître. Le voeu de chasteté, comme le port du voile pour les femmes, est une survivance d’une époque – pas si lointaine, et parfois encore très présente – où le sexe était assimilé au péché.

Je ne sais pas si l’abbé Pierre se serait mieux conduit si on lui avait permis d’avoir une compagne. Mais sans aucunement excuser des abus sexuels commis sur des êtres innocents, je refuse d’oublier tous ses actes de bien en raison de ses agressions sexuelles.

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C’était mieux avant…

Je lisais le journal ce matin… que des nouvelles peu encourageantes ! L’Ukraine est le plus grand champ de mines du monde; l’arrivée de Trump au pouvoir va probablement forcer le gouvernement de Volodymyr Zelensky à entériner les annexions de Poutine, conférant au dictateur russe une aura de conquérant victorieux, et fortifiant les différents mouvements pro-russes sévissant dans les pays limitrophes de la Russie, et même en Europe. Ainsi, Poutine pourra annexer la Géorgie et la Moldavie sans que personne ne songe à protester; peut-être même qu’il pourra s’intéresser aux pays baltes, qui sait ?

A part ça, oui, on a un cessez-le feu fragile entre Israël et le Hezbollah au Liban; mais on enregistre un regain d’activités belliqueuses en Syrie, à Alep plus exactement. Bon, si cela peut permettre de renverser le sordide Bachar Al-Assad, pourquoi pas, mais son copain Poutine finira bien par lui envoyer quelques aides pour le tirer de ce mauvais pas. On parle moins de la guerre civile soudanaise (parfois appelée quatrième guerre civile), mais elle n’en est pas moins réelle et meurtrière. Oui mais vous savez c’est en Afrique, alors…

Trump comme président aux Etats-Unis, c’est une énorme incertitude qui plane sur le monde occidental. C’est qu’il est sûr de sa légitimité, et qu’il a a les coudées franches, l’animal. Le Congrès et le Sénat sont républicains, et il a choisi une équipe dirigeante à sa botte. Il va sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris, probablement se distancier de l’OTAN, voire peut-être se rapprocher de son ami Poutine qu’il admire tant. Bon, notre estimé ministre Guy Parmelin a bien affirmé qu’il allait négocier un accord avec Trump. mais ce n’est pas forcément une nouvelle rassurante.

Ah là. là… C’était mieux avant.

Bon, pour être franc, « avant » est un terme assez vague; on remonte le temps jusque où ? On ne va pas remonter avant notre naissance, parce que la deuxième Guerre Mondiale, c’était pas si bien que cela. « Avant », cela désigne souvent les Trente Glorieuses, l’époque où l’on pouvait polluer le monde sans arrière-pensées. Et soit dit en passant, on ne s’en est pas privés ! Il y avait bien quelques voix discordantes pour nous dire que la croissance aurait des limites, mais on les a écoutées d’une oreille poliment intéressée.

Il y avait aussi des conflits, « avant ». La Guerre Froide, vous vous souvenez ? Les massacres au Cambodge, la guérilla des Khmers Rouges, Pol Pot… Et puis il y avait déjà quelques soucis avec les Russes, pardon, les Soviétiques. Comme ce fameux épisode des missiles de Cuba entre Khrouchtchev et Kennedy, où le président américain avait fait décoller les bombardiers B-52 avec leurs ogives nucléaires (niveau d’alerte maximal), et que le président soviétique avait in extremis fait démanteler les bases de missiles à Cuba. Puis, il y a eu le « Grand Bond en Avant« , cette initiative pensée par Mao Zedong en Chine, qui s’est soldée au final par un nombre de victimes évalué entre vingt et trente millions (plus que la Deuxième Guerre Mondiale !).

Ce qui est vrai, c’est que nous avons vécu un magnifique effort de la part des démocraties européennes, qui ont cherché à constituer les Etats-Unis d’Europe. Ceci nous a donné soixante ans de paix en Europe, dont nous avons pu profiter pendant toute notre vie, n’en déplaise à des Suisses eurosceptiques plus intéressés à leur portemonnaie qu’à des projets de société. Un projet européen qui a traversé bien des crises, et qui est sur le point de traverser la plus grave avec la montée mondiale d’un conservatisme d’extrême-droite qui considère la démocratie comme une entrave à l’enrichissement personnel. Les Etats-Unis de Donald Trump, mais surtout d’Elon Musk, en sont un exemple navrant.

Etait-ce vraiment mieux avant ? La montée de l’extrême droite, et la dégradation spectaculaire des conditions climatiques dans le monde nous en donnent l’impression; la dégradation de mes propres capacités, en raison de l’âge d’abord, et aussi de quelques problèmes de santé me confortent dans cette impression; mais si je fais abstraction de ma petite personne, je n’en suis plus tout à fait persuadé. Il n’y a pas forcément plus de conflits armés dans le monde qu’avant, la situation au Moyen Orient n’est ni plus ni moins tendue qu’à l’époque de Desert Storm ou de la Guerre des Six Jours. Et pour ce qui est du dérèglement climatique, nous ne le subissions pas à l’époque, mais nous y avons très largement contribué; est-ce préférable ?

Somme toute, j’aurais tendance à dire que ce n’était pas forcément mieux avant; mais j’étais plus jeune et sûrement plus insouciant, et cela, c’est vrai que c’était vachement mieux.

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Frein à l’investissement

Le frein à l’endettement est un mécanisme approuvé par le peuple suisse en 2001, et mis en place en 2003, qui permet de limiter la dette de la Suisse à un chiffre jugé acceptable (actuellement environ 17% du PIB). Ce mécanisme a souvent été cité dans les médias, à l’occasion de diverses prises de décisions politiques, et il sert de prétexte à certains politiciens pour restreindre les investissements de l’Etat, et partant, le service public en général.

Ainsi, lorsque l’on désire introduire de nouveaux services, il devient nécessaire d’en restreindre d’autres, de manière à équilibrer la dépense totale. L’armée demande 4 milliards ? Bien sûr, le risque représenté par Poutine est tellement grand que l’on doit équiper notre armée d’opérette pour faire opposition aux chars russes qui traverseront le Rhin bientôt ! Mais on ponctionnera l’enseignement, la culture, l’information publique et les développements en énergie renouvelable pour équilibrer les comptes.

On s’accorde généralement à dire que notre principale source de richesse est notre matière grise. Pas de pétrole, pas de minerais intéressants, pas assez de vin ou de gruyère pour exporter valablement… Il n’y a que notre savoir-faire qui puisse s’exporter, et encore… Alors, ponctionner les hautes écoles pour acheter des équipements militaires qui ne serviront jamais, cela prêterait à rire si ce n’était pas si tragiquement ridicule.

Si le prétexte – maîtriser la dette – peut sembler pertinent au moment où certains de nos voisins européens voient leur ardoises s’allonger démesurément, la mise en oeuvre par le pouvoir politique laisse songeur. L’un des plus grands défis auquel est confrontée l’humanité actuellement est le dérèglement climatique, associé depuis très longtemps aux activités humaines et en particulier aux énergies fossiles par les scientifiques du monde. Au lieu de s’en alarmer, la majorité des dirigeants continuent à investir dans les énergies fossiles ou non renouvelables. Comme si cela ne suffisait pas pour péjorer la situation, on organise un peu partout de petits et grands conflits qui sont non seulement meurtriers, mais extrêmement néfastes pour le bilan CO2 de la planète. Les menaces nucléaires de Poutine et autres malades mentaux paraissent redoutables, mais les menaces climatiques pourraient bien entraîner des conséquances peut-être plus tragiques, plus définitives, et ceci dans un avenir plus proche qu’on ne le prévoit généralement; sans qu’il soit nécessaire de presser un bouton quelconque d’ailleurs.

Donald Trump élu, les Etats-Unis, plus gros producteur et utilisateur d’énergies fossiles du monde, sortiront de l’accord de Paris; non que le monde eût été sauvé si Kamala Harris l’avait emporte, bien sûr; mais il s’agit d’un signal très fort pour tous les pollueurs du monde (comme l’Argentin Javier Milei, par exemple) que l’on peut continuer à profiter des énergies fossiles efficaces et bon marché. A un niveau certes beaucoup plus modeste, Ölbert Rösti, notre conseiller fédéral en charge de l’énergie, du transport et de l’environnement. s’est trouvé de bonnes (?) excuses pour investir dans l’élargissement d’autoroutes qui aboutissent cependant toujours dans les mêmes culs-de-sac urbains. Pour tenter d’équilibrer le budget, il supprime le financement des trains de nuit, alternative pourtant intéressante à terme aux vols intercités en Europe.

D’une manière générale, on a un peu l’impression que, polarisés sur des conflits de plus en plus nombreux, et obnubilée par le souci d’un portemonnaie moins bien fourni qu’on ne le voudrait, la société se désintéresse des problèmes climatiques; et pourtant, l’année bientôt écoulée a été riche en péripéties liées au réchauffement global; ces catastrophes entraînent des dépenses conséquentes; mais on craint plus Poutine que les catastrophes naturelles, on se méfie plus de Netanyahou et des Iraniens que des pluies diluviennes. Je ne suis pas certain que cette attitude soit très pertinente. Poutine a une date de péremption relativement proche; dans une dizaine d’années, il se mettra à bégayer des incohérences comme l’a fait Biden cette année, et comme Trump le fait depuis sa naissance. Le dérèglement climatique n’a provisoirement pas de date de péremption; même si nous cessons demain toute activité émettant du CO2 (ce qui, soit dit en passant, commencerait par cesser de respirer), le réchauffement va perdurer encore de nombreuses années, et les enfants de nos enfants, et leurs enfants probablement aussi, en subiront encore les conséquences.

Limiter l’endettement ? Oui, bien sûr. Mais sans limiter les investissements nécessaires, et surtout pas les investissements rentables, même si ce n’est qu’à long terme. Mais encore faut-il comprendre où sont les priorités, et de ce côté, il semble que la tendance générale privilégie la réelection et le statu quo courageux et responsable.

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Trump will fix it !

Peut-être avez-vous, comme moi, été sidérés par le résultat de l’élection du président des Etats-Unis d’Amérique début novembre. Non que l’élection de Donald Trump ait réellement surpris, on sentait depuis quelques jours que les affaires de la démocrate Kamala Harris n’étaient plus au beau fixe; mais de là à prédire un quasi plébiscite pour l’ex-président, avec son discours grossier et outrancier, il y avait un pas que l’on n’avait pas encore osé franchir.

Je me suis demandé, comme beaucoup d’autres, comment un tel résultat a pu être possible. Comment soixante millions de personnes ont-elles pu plébisciter un individu ouvertement climatosceptique, outrancier, grossier, ordurier parfois même, tolérant envers le racisme, indulgent envers les dictateurs comme Poutine et notoirement antiféministe ? Je suppose que c’est la même question que se sont posées certains allemands dans les années 1920 quand Hitler a été élu démocratiquement avec un discours certes différent, mais tout aussi outrancier.

Et puis, ce dimanche matin, je me plonge dans mes devoirs d’électeur helvétique, et j’essaie de comprendre le sujet des prochaines votations (24 novembre) en Suisse, en particulier sur la loi sur le financement des prestations de santé). Je lis attentivement, mais force m’est d’admettre que je n’y comprends pas grand-chose; difficile de prévoir si cela va mener en fin de compte à une baisse des primes d’assurance-maladie, ce qui m’importe le plus directement pour l’instant. Je lis des critiques venant de personnes que je pense tout de même compétentes, à l’exemple du syndicaliste Pierre-Yves Maillard, ou de la responsable du département de la Santé Madame Elisabeth Baume-Schneider, mais je ne parviens pas à me faire une idée précise du sujet sur lequel on veut que je donne mon opinion. C’est d’autant plus frustrant que mes deux références sont, dans ce cas particulier, opposées sur le sujet mais participant d’un même parti politique. Je voudrais bien voter avec mon avis personnel, mais si je ne comprends pas parfaitement le sujet, comment donner un avis pertinent ?

Par opposition, aux Etats-Unis, la réponse serait assez simple :

Trump will fix it !

Dans le cas de la guerre en Ukraine, le contraste est assez frappant; d’un côté Joe Biden – et une Kamala Harris qui promet de continuer dans le même registre – qui donne des milliards à l’Ukraine pour un résultat pour le moins douteux, en argumentant qu’il faut défendre la démocratie à tout prix, que Poutine est un agresseur inqualifiable, et ainsi de suite- De l’autre côté, un électeur qui voit le prix de l’essence augmenter, qui ne sait pas où se trouve l’Ukraine, et qui se fout de l’Europe parce qu’il n’en a rien à cirer de ces crazy guys. Il ne voit que de l’argent dépensé sans résultats réellement tangibles et son portemonnaie moins bien gonflé que ce qu’il souhaiterait. Mais en face, il y a un gars qui lui dit  » Je vais te régler ça en 24 heures ». Génial, bravo, le gars.

Trump will fix it !

Il y a aussi la guerre au Moyen Orient. Israël contre le reste du Moyen Orient, pourrait-on dire. Mais bon, les Arabes, hein… Et puis c’est tous des terroristes, ces mecs, même pas des chrétiens. Alors pourquoi ne pas les balayer une fois pour toutes, qu’on puisse se préoccuper des affaires locales ? Ah, ben justement :

Trump will fix it !

Nous avons, en Suisse, une démocratie directe qui nous permet d’intervenir dans des questions extrêmement techniques; mais qui parmi les citoyens possède les connaissances techniques pour juger valablement d’un texte qui va peut-être entraîner une amélioration ou une péjoration d’un système de santé déjà trop complexe ?

C’est la force des démagogues populistes à la Trump, Berlusconi ou autres polichinelles se réclamant du peuple mais milliardaires. Ils parviennent à parler au portemonnaie des gens, à leur ressenti de tous les jours (trop d’étrangers, des prix qui augmentent, des restrictions de carburant,,,) et esquiver les questions plus abstraites mais non moins importantes (dont leur électorat n’a d’ailleurs souvent cure) par un simple  » je vais résoudre ce problème ». Entre une équipe de gens raisonnables et instruits qui parle de la fin du monde (guerre, catastrophe écologique, biodiversité) et un hurluberlu grossier, inculte et outrancier qui parle de la fin du mois (pertes de pouvoir d’achat, prix qui augmentent…), il n’y pas photo : l’hurluberlu a la partie gagnée d’avance. Et puis, pour le reste…

Trump will fix it !

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Quo Vadis, Elon ?

Elon Musk a été souvent qualifié de « fantasque » par des journalistes en mal d’adjectifs pertinents; mais récemment, le milliardaire d’origine sud-africaine a défrayé la chronique par ses relations privilégiées avec le candidat républicain Donald Trump. Une vidéo montrant les deux protagonistes dansant sur « Stayin’Alive » a même fait le tour des réseaux sociaux; bien que générée par l’intelligence artificielle (on voit mal le bientôt octogénaire Trump se tortiller ainsi), la vidéo a apparemment été avalisée par les deux danseurs virtuels.

Auparavant, Elon Musk avait longuement interviewé Trump sur X, se montrant très ouvert aux déclarations pour le moins arbitraires et infondées de son interlocuteur, qui n’en est d’ailleurs pas à ça près. A plusieurs reprises, le débat a franchi les limites du complotisme. On se demande où est passé l’entrepreneur qui n’hésitait pas, il y a peu, à émettre des jugements de qualité sur des solutions technologiques avancées, ce qui semblait impliquer un minimum de culture scientifique tout de même.

On avait aussi connu un Elon Musk plutôt bien disposé envers l’Ukraine, quand il avait mis à disposition des troupes ukrainiennes le réseau satellitaire Starlink. Il est toutefois fortement soupçonné d’avoir bloqué l’accès au réseau lors de certaines opérations qu’il a unilatéralement jugées trop dangereuses dans l’optique d’une potentielle escalade du conflit. Il est vrai que dans ce contexte, il avait déjà « proposé son concours » dans la mise sur pied d’un accord de paix qui n’était qu’une capitulation sans conditions, avec félicitations à Poutine, de la part de l’Ukraine dans ce conflit.

Bien sûr, le changement de sexe de l’un de ses fils a été pour Elon Musk un traumatisme qui lui a fait déclarer la guerre aux milieux woke; et dans cette optique, le conservateur Trump est plus en adéquation avec ses desseins que la démocrate Kamala Harris; mais je doute qu’il s’agisse là de son principal motif de soutien; il est plutôt probable que le modèle de dérégulation sauvage que veut introduire Donald Trump séduise le multimilliardaire Musk, qui voit en la présidence du républicain conservateur une occasion d’accroître sa fortune et d’avoir les coudées plus franches dans l’optique de ses projets délirants, comme une expédition sur Mars avec fondation d’une colonie; au passage, Donald Trump ne lui a-t-il pas promis de le charger de réformer l’administration américaine s’il est élu ? C’est la cerise sur un gâteau déjà bien décoré !

Elon Musk offre ainsi à Donald Trump le soutien de la plate-forme X, le réseau social (si peu) le plus anarchique, où à peu près n’importe qui peut dire n’importe quoi à n’importe quel moment sur n’importe quel sujet. Il lui offre aussi le soutien de celui qui incarne pour beaucoup l’innovation (Tesla, Starlink, SpaceX) et la réussite industrielle. Il ne faut pas s’y tromper : Elon Musk a les moyens de faire basculer les élections américaines en faveur de Trump, comme la Russie l’avait réalisé lors de la victoire de Trump face à Hillary Clinton. Ainsi, Trump aurait par deux fois dégommé des femmes aux élections fédérales par des moyens malhonnêtes, au mépris des processus démocratiques : je suppose que ce n’est pas pour déplaire à ce triste individu. En échange, Elon Musk a la bride sur le cou pour s’enrichir. Un oligarque, en somme.

Dans le modèle établi par Vladimir Poutine, c’est le chef de l’Etat qui confie à des proches « sûrs » des responsabilités qui leur permettent de s’enrichir de manière parfois scandaleuses. Elon Musk innove dans la mesure où c’est lui qui incite à nommer des présidents qui vont plus tard lui permettre d’obtenir les dérégulations nécessaires à ce qu’il puisse encore s’enrichir davantage, et accroître son pouvoir déjà excessif. Elon Musk reste donc d’une certaine manière un novateur, mais la société vers laquelle il veut conduire les Etats-Unis d’Amérique, et à terme ses alliés européens, n’est qu’une copie -une de plus- des oligarchies à la Poutine. C’est le but vers lequel tu tends, Elon ?

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Gloire et richesse

Pour beaucoup de nos contemporains, la gloire ou la richesse, voire les deux ensemble, car souvent liées, sont des objectifs de vie primordiaux. Toutes leurs vies sont conditionnées par une recherche du pouvoir, par le biais de la politique ou par le biais de l’économie, mais un peu curieusement, lorsqu’ils sont parvenus à leurs fins, ils continuent à se battre pour y demeurer en dépit de la logique élémentaire qui devrait les inciter à se consacrer à d’autres objectifs, les leurs ayant été atteints. C’est une tendance que l’on retrouve chez de nombreux êtres humains; même dans des domaines pourtant réservés aux plus jeunes, comme le sport : il y a plein de vieilles gloires qui tentent de s’accrocher à un passé plus prestigieux. Nous vivons actuellement un exemple particulièrement sensible de ce genre d’attitude, puisque la plus grande puissance mondiale est dirigée par un président de 81 ans, et que l’un des principaux prétendants à sa succession est un jeune homme de 78 ans, qui a déjà été président et accessoirement grossier, machiste, vulgaire, menteur invétéré et probablement mafieux.

Ce n’est pas un phénomène nouveau; en 1997, Pierre Accoce et le Dr Pierre Rentchnik publiaient un ouvrage intéressant, à relire même s’il date un peu, « Ces malades qui nous gouvernent ». On y indiquait quelques pistes pour inciter des dirigeants diminués à renoncer à leurs fonctions en temps utile sans impliquer le corps médical et en respectant la dignité de l’individu. Ce livre avait été publié suite à la présidence de François Mitterand, qui avait dissimulé une maladie grave lorsqu’il s’était présenté pour un second septennat en 1988, et il ciblait aussi d’autres dirigeants, souvent français, comme par exemple Georges Pompidou. Le cas de Mitterrand est particulièrement exemplaire : on lui diagnostique un cancer de la prostate en 1981, mais il va tout de même chercher un deuxième septennat en 1988; d’aucuns crieront au sacrifice face aux intérêts de la Nation, mais le sacrifice ne consisterait-il pas plutôt en la décision de se résigner et soutenir une candidature plus jeune et donc plus résiliente et plus à l’écoute des problèmes qui seront d’actualité à la fin du mandat actuel ? Il me semble au contraire que l’attitude des Mitterrand, Biden et autres Trump relève de l’égocentrisme de bas étage, de la peur de voir son nom disparaître du haut de l’affiche, de la crainte de devoir déléguer un pouvoir auquel on s’est habitué.

Dans le monde économique, c’est peut-être encore plus flagrant, bien qu’avec des effets moins immédiatement perceptibles pour le commun des mortels; aux Etats-Unis, Elon Musk et Jeff Bezos se disputent – avec quelques autres, dont le français Bernard Arnault (LVMH) – le titre discutable de plus grande fortune de la planète. Ces personnages, dont la fortune s’évalue en centaines de milliards d’euros détiennent un pouvoir immense, mais non contrôlé par les règles démocratiques. Ils peuvent, par leurs ressources et leurs financements souvent opaques, soutenir de manière très concrète la campagne ou la politique de tel ou tel candidat dans le cadre d’une élection majeure; candidat qui, élu, deviendra ainsi de facto leur obligé, voire leur débiteur par la suite, créant ainsi les conditions cadre pour s’enrichir encore davantage.

Les hommes acquièrent du pouvoir en vue de réaliser des objectifs auxquels ils croient; mais arrivés au pouvoir, ils se rendent compte que ces objectifs sont peut-être irréalistes, et surtout que le pouvoir est une chose confortable et enivrante. L’exercice du pouvoir corrompt les idéaux qui ont conduit à la prise de pouvoir…

Il y a une phrase qui résume quelque peu tout ce discours, et son auteur est assez inattendu, car c’est une personne qui s’est accrochée au pouvoir absolu de quasi-dictateur pendant près de cinquante ans :

Sans le pouvoir, les idéaux ne peuvent être réalisés ; avec le pouvoir, ils survivent rarement.

L’auteur de cette phrase est Fidel Castro, dirigeant de Cuba de 1959 à 2008.

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Diversité

« il ne faut jamais mettre tous ses oeufs dans le même panier ».

Cette sagesse populaire cache une vérité fondamentale. Un système résilient est un système qui s’est doté d’alternatives crédibles en cas de dysfonctionnements; apparemment, nombre d’entre nous ont oublié cette vérité pourtant fondamentale, au profit de critères d’enrichissement ou de volonté de pouvoir personnels.

Ainsi, l’agriculteur sait qu’il devrait avoir plusieurs cordes à son arc; dépendre de la seule vigne ou de la seule récolte d’abricots, par exemple, le rend vulnérable à un orage de grêle ou à des gels printaniers inopportuns; il doit donc diversifier ses sources de revenus pour être en mesure de faire face à une catastrophe naturelle (même si le réchauffement climatique induit par l’homme rend le terme « naturel » quelque peu abusif actuellement).

Il y a eu très récemment une panne informatique d’ampleur mondiale dûe à un bug informatique. Ce bug a été introduit par un logiciel d’antivirus – ironie ! – crée par la firme américaine CrowdStrike et censé protéger les infrastructures « cloud » et les postes terminaux dans l’écosystème Windows de Microsoft. Ce bug a été diffusé dans le monde entier grâce aux systèmes de mise à jour automatique, en l’occurence beaucoup plus efficaces que n’importe quel pirate informatique russe pour mettre à genoux l’économie occidentale. L’informatique et les technologies de l’information sont un contre-exemple frappant de la diversité : nous ne communiquons pratiquement plus qu’à travers le protocole de communications IP, nous utilisons des postes de travail basés sur Windows (pas loin de 90%, plus même dans les environnements professionnels) ou UNIX (MacOS ou Linux); et nous sommes généralement connectés à des serveurs cloud, souvent même sans le savoir. Il en va ainsi également de nos smartphones, où il devient difficile à un non-expert d’éviter le transfert de ses données sur des serveurs éloignés. Ces dépendances nous rendent extrêmement vulnérables, à l’heure de la dématérialisation, de la virtualisation, où même les cartes de crédit sont en voie de disparaître progressivement au profit du paiement par smartphone ou par montre connectée.

Le pire, c’est que ces tendances à la centralisation et à la virtualisation ne profitent guère aux utilisateurs, sinon par un sentiment de confort souvent cher payé en cas d’arnaques. En revanche, les revenus et la puissance que confèrent à leurs propriétaires cette hégémonie posent des problèmes même aux plus grands états; on l’a vu dans le secteur bancaire : « Too big to fail »… Même les néo-libéraux les plus convaincus, les Reagan en herbe, les Thatcher en devenir, commencent à émettre des doutes sur la viabilité des géants des technologies de l’information qui sont parvenus à rendre le monde entier dépendant de leur bon vouloir. Elon Musk n’a-t-il pas à un moment donné pris des décisions ayant favorisé l’une ou l’autre partie dans la guerre que se livrent l’Ukraine et la Russie ?

En ce qui concerne les technologies de l’information, le monde a mis pratiquement tous ses oeufs dans le même panier; dans les années 1970-1980, le monde académique avait défini un environnement « ouvert », (OSI, Open Systems Interconnect) qui était destiné à assurer l’interopérabilité des systèmes de télécommunications et informatiques; nombre d’opérateurs ont tenté jusque dans les années 1990 d’implémenter ce modèle exemplaire, basé sur l’interopérabilité de systèmes hétérogènes. Il a été balayé en quelques années par des solutions plus simples et moins interopérables promues par des entreprises visant un profit rapide et maximal. Que ces entreprises aient eu ces objectifs est compréhensible, c’est l’objectif de toute entreprise dans un système prônant l’économie libérale; mais les lois visant à encourager la concurrence plutôt que l’hégémonie n’ont pas – ou mal – fonctionné. Ceux qui auraient alors dû réglementer ce développement étaient dépassés par la problématique, ou n’ont pas anticipé la mainmise actuelle de certaines entreprises plus puissantes que nombre d’Etats, et non des moindres, mais qui sont aussi des colosses au pied d’argile.

Les technologies que nous utilisons et consommons chaque jour font toutes parties d’écosystèmes homogènes et provenant d’un nombre très restreint de sources; que l’une de ces sources vienne à faire défaut, et c’est une partie considérable de l’édifice de notre société qui se lézarde. Le cas de CrowdStrike n’est qu’un avertissement; avec frais.

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Rhétorique nucléaire

Le président de la Russie, Vladimir Poutine agite de plus en plus souvent la menace à peine voilée de l’utilisation d’armes nucléaires tactiques dans le conflit ukrainien; si l’on songe aux conséquences d’une telle utilisation, on ne peut raisonnablement pas croire qu’il osera une telle escalade; la question qui se pose est plutôt : jusqu’à quel point le gouvernement russe est-il encore raisonnable ?

Selon de nombreuses études et simulations, résumées brutalement ici, une guerre nucléaire constituerait la fin de la civilisation telle que nous la connaissons, avec l’apparition d’un hiver nucléaire qui réduirait drastiquement les ressources alimentaires de la planète, de l’ensemble de la planète, et ceci de manière si durable que le plus cinglé des survivalistes ne pourra survivre à son stock de boîtes de conserves. Une conflagration nucléaire entre Russie et Etats-Unis détruirait les deux pays, mais les effets secondaires seraient tels que plus de la moitié de l’Humanité périrait à très brève échéance; et que le sort de l’autre moitié ne serait guère enviable, pas plus d’ailleurs que le sort de la faune et de la végétation.

Si la Russie utilise des armes nucléaires tactiques, l’OTAN sera contrainte de répliquer, peut-être pas de manière nucléaire, mais activement, ce qui risque de provoquer l’escalade de la part du paranoïaque tsar de Moscou, donc pousser l’OTAN vers l’utilisation de l’arme nucléaire; Poutine a littéralement le sort de l’Humanité dans ses mains. Comment a-t-on pu en arriver à un stade où un paranoïaque a le pouvoir de détruire la civilisation ainsi qu’une part très significative de la vie sur notre planète ?

Bien que Poutine assure qu’il n’utilisera l’arme nucléaire qu’en dernier ressort, comment le croire, alors que son discours est presque aussi truffé de contre-vérités que celui de son complice et admirateur Donald Trump ? (« Poutine, il conduit son pays, au moins c’est un dirigeant, contrairement à ce que nous avons dans notre pays” (citation de Donald Trump)). Comment croire que ce gouvernement dont certains membres appellent ouvertement à l’utilisation de l’arme nucléaire, comment croire que ce ramassis de nostalgiques de l’URSS de Staline aura l’intelligence élémentaire de s’arrêter à temps ? Le dirigeant chinois, Xi Jinping joue un jeu non moins dangereux en encourageant discrètement la Russie pour obtenir des coudées plus franches en mer de Chine et autour de Taïwan. Les Etats-Unis sont empêtrés dans une situation compliquée, entre le conflit du Proche Orient où Biden ne sait pas jusqu’à quel point il pourra soutenir l’Israël de Netanyahou sans se faire trop d’ennemis intérieurs en vue des élections, et ces mêmes élections où la menace de Trump est bien réelle, (malgré sa culpabilité prononcée) et où sa non-élection ne clorait pas forcément le problème d’un clown avide de pouvoir qui ne reconnaîtrait pas facilement une éventuelle défaite électorale.

On se croirait ramenés aux heures les plus chaudes de la guerre froide (désolé pour ce jeu de mots au goût très moyen), quand Khrouchtchev et Kennedy jouaient à qui pisse le plus loin avec des missiles nucléaires à Cuba. C’était en 1962, et Khrouchtchev avait eu au dernier moment la sagesse de renoncer à l’affrontement. Mais Poutine aura-t-il ce réflexe salvateur pour l’Humanité ? Si cet autocrate se sent menacé de défaite, on peut en douter; si la phrase « Après moi le déluge » n’est pas de Poutine (elle est de Louis XV, inspirée par Mme de Pompadour), elle semble pourtant lui convenir parfaitement. Et dans l’hypothèse où Poutine parvient à annexer l’Ukraine, ou à en faire un vassal obéissant, comment croire qu’il s’arrêtera là, alors qu’il est ouvertement encouragé à poursuivre ?

En face, il y aura un gouvernement présidé par un vieillard; soit un Biden à l’orée de la sénilité, soit un Trump presqu’aussi âgé mais à l’esprit complètement dérangé, et de surcroît menteur et mégalomane; comme arbitre, un Xi Jinping retors qui se croit revenu au temps de l’Empire chinois, et que seuls les dollars ramenés par l’exportation en Occident de produits manufacturés en Chine retiennent encore d’engager un conflit en mer de Chine. Quant à l’Europe, minée par les montées en puissance des extrémistes de tout poil, il est douteux qu’elle parvienne à jouer un rôle de médiation valable; et ce ne sont pas des conférences au Bürgenstock, où l’on n’a pas pu inviter certains des principaux protagonistes, dont le pays agresseur, qui permettent d’être optimistes quant à la suite des évènements.

Comme le disait mon voisin, paysan de son état : « On va pas vers le beau ». Mais lui parlait de la météo. Un problème tout aussi actuel, avec des conséquences potentielles similaires.

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