Le nouveau et charismatique ministre français de la transition écologique, M. Nicolas Hulot, a lancé ces derniers jours quelques belles annonces; voici pour mémoire les plus spectaculaires :
- Passer en dessous du seuil des 50% de dépendance de l’énergie nucléaire d’ici 2025 en France. Pour ce faire, il s’agirait de fermer jusqu’à 17 centrales nucléaires d’ici là.
- Fin de la vente de voitures à moteur à essence ou diesel d’ici 2040, avec le cas échéant une aide financière pour ceux qui devraient se ré-équiper le moment venu.
- Neutralité carbone à l’horizon 2050, ce qui impliquerait que toute émission carbone serait compensée par une contre-mesure comme la plantation d’arbres, des technologies permettant de piéger le CO2, etc…
- Projet de loi visant à interdire toute prospection de nouvelles ressources basées sur les hydrocarbures en France (les gaz de schiste étant tout particulièrement visés)
Toutes ces mesures sont éminemment louables, et doivent être prises; on peut en revanche se demander quel en sera l’impact réel sur le bilan écologique de la France, et accessoirement de la planète.
Fermer une centrale nucléaire n’est pas une mince affaire; cela fait plusieurs années (Lionel Jospin, 1997) que l’on a décidé de « fermer » Superphénix à Creys-Malleville. AREVA, chargé du démantélement, y travaille depuis quelque temps déjà et pense en finir en 2024. On en sera alors probablement à plus de 2 milliards d’euros de frais de démantèlement pour 500’000 tonnes de déchets dont 100’000 radioactifs. Bon, Superphénix était une exception, seule installation à neutrons rapides jamais construite; mais lorsque l’on considère les chiffres de Chooz, centrale en cours de déconstruction, on se rend compte que les ordres de grandeur sont tout à fait comparables; de fait, il n’y a pas de « petite » centrale nucléaire. Mieux, le démantèlement de l’une n’implique pas que la suivante pourra être démantelée de la même manière; mais dans chaque cas, c’est une opération qui se déroule sur près de trente ans avec le concours de personnel spécialisé. Actuellement, six centrales sont en cours de « déconstruction » : Brennilis, Chooz A, Chinon A, Bugey A, Saint-Laurent A et Creys-Malville. Pour chacune d’entre elles, il a fallu mettre sur pied des stratégies en partie spécifiques; le terme de « déconstruction » préféré au terme de « démantèlement » est d’ailleurs révélateur : pour « déconstruire » une centrale nucléaire, il faut d’abord construire des installations qui permettront le démantèlement.
Alors, bravo à Nicolas Hulot pour le courage de proposer la fermeture de 17 centrales dans un pays aussi dépendant de l’énergie nucléaire que la France, mais on ne peut s’empêcher de se demander « Et après ? Que va-t-il se passer avec les centrales fermées ? » Où trouvera-t-on la main d’oeuvre assez spécialisée pour « déconstruire » les 17 installations prévues, sans compter la quarantaine de réacteurs qui sera encore en activité à ce moment-là, mais parviendra gentiment en fin de vie. La même question se pose d’ailleurs dans tous les pays ayant des centrales nucléaires, Suisse comprise bien entendu… Maintenant, il est vrai que d’ici 2025, pas mal de choses peuvent arriver, y compris un changement de gouvernement en 2022…
Ne plus vendre de voitures à essence ou diesel ? Bon, d’ici 2040, on a le temps de voir venir; enfin certains d’entre nous. Et il y a encore 4 législatures d’ici là. D’ailleurs, il n’est pas certain que cette date soit vraiment optimiste : Volvo a d’ores et déjà annoncé l’arrêt de la fabrication de voitures entièrement basées sur le moteur à explosion en 2019. En réalité, un véhicule électrique est beaucoup plus simple à produire, permet des marges plus intéressantes, et techniquement est plus facile à commander. Le seul (très gros) problème est le stockage ou la production locale, et les récentes avancées dans ces domaines donnent à penser que Volvo est simplement le premier à annoncer un changement de technologie que tous les constructeurs vont adopter dans un très proche futur, d’autant que les réseaux de distribution se développent à toute allure. Donc, l’annonce de Nicolas Hulot est avant tout un effet de manches, même s’il a l’immense mérite de donner une impulsion et une justification supplémentaire aux constructeurs automobiles qui n’auraient pas encore eu le courage de pousser à fond le développement dans ce secteur.
La neutralité carbone est un objectif beaucoup plus flou, et qui demandera encore pas mal de recherche et de développement, probablement. Peut-être Nicolas Hulot espère-t-il que les mesures d’économie suffiront ? Rien n’est moins sûr, car certains secteurs de l’industrie ne sont pas, et de loin, prêts à baisser notablement les émissions de carbone. Mais on peut effectivement mettre des incitations sérieuse à le faire pour les chauffagistes, les constructeurs d’avions, les constructeurs de poids lourds ou de machines de chantier, les constructeurs de machines agricoles, etc…
L’interdiction de prospecter ? Le territoire français ne dispose pas de ressources d’hydrocarbures notables, et la prospection de gaz de schiste y est peu répandue : c’est une interdiction qui ne rencontrera guère d’opposition; qui voudrait s’élever contre l’interdiction de faire quelque chose qu’il ne peut de toutes façons pas faire ?
En résumé, bravo à Nicolas Hulot pour ses déclarations; mais cela reste pour le moment, à mon sens, des déclarations qui n’engagent pas grand-monde dans l’immédiat. Comme disait un Suisse célèbre quoique francophone : « Le futur nous dira de quoi l’avenir sera fait ». Souhaitons vivement qu’il y ait un futur…