Pénélope et la tapisserie

Voici plusieurs jours que celui qui aurait dû devenir le troisième François de la dynastie républicaine de France 5.0 s’enfonce dans les sondages et s’accroche contre toute raison à un rêve qui a d’ores et déjà tourné au cauchemar de toute la droite traditionnelle française. Une publication du Canard Enchaîné, acteur incontournable du paysage médiatique français, publication probablement initiée par une « fuite » de l’un de ses « amis » de la droite, aura suffi pour lancer la rumeur. L’amplification fournie par les réseaux sociaux, puis une interview de son épouse Pénélope, diffusée sur « Envoyé spécial », l’auront discrédité dans l’électorat français, même s’il assure vouloir s’accrocher. 

Ce qui m’a frappé dans cette affaire, ce n’est pas le probable emploi fictif organisé par « FF » pour encaisser un petit million d’euros pour faux frais : après tout, il est politicien, et ce genre d’affaires est relativement courant dans ce milieu, que l’on soit de gauche, de droite, du centre ou d’ailleurs. Et de manière assez peu surprenante, ce sont ceux qui se réclament le plus d’un comportement vertueux qui se voient entraînés dans les affaires les plus glauques. Non, ce qui m’interpelle, c’est l’attitude de l’épouse, Pénélope Fillon. Dans le cours de la fameuse interview diffusée par « Envoyé spécial », on s’est surtout intéressé à la fameuse phrase où elle dit ne jamais avoir travaillé de quelque manière que ce soit pour son mari, ce qui valide l’accusation du « Canard ». En revanche, un peu auparavant, elle dit aussi « s’être inscrite à l’Université parce que ses enfants ne la considèrent que comme une mère, alors qu’elle désire aussi donner une image plus valorisante d’elle-même » (enfin, c’est le sens général de sa phrase). C’est le constat d’insignifiance de la femme dans le rôle de mère à l’ombre de son mari brillant et connu. Plus que la fameuse phrase qui pose tant de problèmes à François (qui, comme Dominique, aurait pu et dû devenir roi), cette phrase donne du poids à l’accusation du « Canard Enchaîné » : Cette femme a été réduite au rôle de femme au foyer par la carrière de son mari, et rien d’autre. Elle a abattu un travail immense pour lui, mais pas comme assistante parlementaire, comme le prétend le candidat FF; simplement en jouant son rôle de mère.

On peut bien sûr argumenter qu’elle a droit à un « salaire » pour ce travail, et j’en tombe entièrement d’accord. Mais je doute que le mode de rétribution choisi par son mari soit légal dans le contexte actuel (d’ailleurs, je ne connais pas beaucoup de femmes, hélas, qui soient rétribuées de quelque manière que ce soit, légale ou non pour ce rôle de mère qui est pourtant si important et parfois lourd à assumer); et je doute aussi qu’elle ait personnellement profité de cette rétribution sinon en tant que membre de la famille-PME Fillon.

Depuis une quinzaine, « FF » nous joue un mauvais film : il met en évidence son épouse (traditionnellement présente au dernier rang dans ces meetings, maintenant au premier rang aux côtés de son époux aimant et attentionné), se présente comme défenseur indigné du travail de son épouse… C’est bien, mais il omet de souligner la véritable nature du travail d’une épouse mère de surcroît. Mère, ce n’est pas un travail, c’est un privilège; en revanche, assistante parlementaire, alors ça oui, c’est un travail, valorisant de surcroît, et qui peut être rémunéré. Mesdames, le chemin vers une égalité de traitement est encore long : un des nombreux écueils auxquels il faudra s’attaquer est la reconnaissance et la rémunération du travail de femme au foyer et de mère. Et une rémunération pas au travers de magouilles dignes d’un politicien de bas étage faites sur le dos du contribuable…

La Pénélope de la mythologie passait le temps en faisant et défaisant jour après jour une tapisserie en attendant son mari qui courait le guilledou avec Circé et bien d’autres. La Pénélope de François a élevé ses enfants en attendant que son mari revienne de réunions parlementaires. Sur le fond, y a-t-il quelque chose de changé ?