BREXSHIT

Mère Teresa (May, bien sûr) écartée d’un poste de premier ministre à l’allure de sacerdoce, les Boris Johnson ou autres Nigel Farage ont désormais les coudées franches pour finaliser les effets de leurs mensonges. Parce qu’il faut le dire explicitement : le Brexit a été voté sur la base d’informations mensongères relayées par les partis nationalistes. Des mensonges tellement graves qu’ils devraient en toute logique conduire leurs auteurs derrière des barreaux solides et ceci pour une durée respectable. En tous cas, dans le monde normal -le vôtre ou le mien-, un tel délit est punissable : essayez,pour voir, d’accuser votre voisin de vous soutirer de l’argent, alors que c’est faux. Il ne se fera pas faute de vous démentir et de vous demander raison et réparation de vos mensonges; or, c’est exactement ce qu’ont fait les Johnson et autre Farage, avec des conséquences potentiellement beaucoup plus catastrophiques que ce que vous ou moi aurions pu atteindre. En toute logique, ils auraient dû être condamnés par un tribunal adéquat. Mais dans le monde de la politique, on est tellement habitué aux mensonges que pas grand-monde ne songe à s’en formaliser; tout au plus entendra-t-on l’une ou l’autre remarque du genre « Ah oui,ils ont menti, ce n’est pas bien, si j’avais su, j’aurais peut-être réfléchi, etc… ». Finalement, la politique récompense le mensonge : il y a en effet fort à parier que les menteurs en question se retrouvent aux rênes du pouvoir prochainement.

C’est ainsi qu’un parti à priori minoritaire au départ parvient à créer une majorité populaire en mêlant plus ou moins habilement mensonges et approximations; en Suisse, l’UDC était ainsi parvenue à faire passer son initiative restreignant la libre circulation des personnes contre l’avis de tous les autres partis. Des recettes bien connues également en France, en Italie et partout où les partis souverainistes ont quelque succès.

Il est clair que les réseaux dits « sociaux » permettent à ces démagogues modernes d’atteindre une efficacité sans pareille dans la diffusion de fausses nouvelles; et depuis que l’on sait que les fameuses « fake news » sont potentiellement plus faciles à diffuser que les vraies informations, les politiciens peu scrupuleux (mais y en a-t-il de scrupuleux ? on aimerait l’espérer…) ne se privent pas de cette caisse de résonance efficace et bon marché.

Le projet européen est ainsi remis en question par des groupes majoritairement d’extrême-droite qui exploitent les inquiétudes réelles et justifiées d’une partie défavorisée de la population pour détruire la construction communautaire sans rien proposer de valable comme alternative. Dés qu’ils sont au pouvoir, ces gens font immanquablement montre de leur incapacité à construire quelque chose de cohérent; même en Suisse, on a pu constater que mettre un trublion de ce genre de mouvance au pouvoir décrédibilise durablement la mouvance en question. Mais dans l’intervalle, beaucoup de mal est fait ! Je ne suis pas certain que les Britanniques ne vont pas regretter amèrement leur vote pour le Brexit, et devoir attendre de constater les dégâts pour essayer de reconstruire ce que les menteurs auront détruit d’ici quatre ou cinq ans…

Une chance pour le projet européen, c’est peut-être le problème écologique. Pour parvenir à contenir éventuellement le réchauffement climatique, et limiter l’appauvrissement de la biodiversité, les solutions nationales sont largement illusoires; il est nécessaire de penser au moins à l’échelle d’un continent pour espérer une quelconque efficacité. Il n’est d’ailleurs guère surprenant que les mouvements dits souverainistes (UDC suisse comprise) soient largement climato-sceptiques. Lors des dernières élections européennes, les partis « verts » ont réalisé des scores prometteurs. Le projet européen sera peut-être finalement sauvé par l’écologie. En tous cas, le problème du réchauffement climatique ne sera sûrement pas maîtrisé sans une Europe unie et solidaire. Dans cette optique, le Brexit est un désastre; un Brexshit, si vous me permettez ce pauvre jeu de mots. Mais il paraît d’ailleurs certain que l’Europe seule n’y suffira pas, ce qui ne laisse pas que d’inquiéter lorsque l’on jette un coup d’œil du côté de Trump ou de Bolsonaro…

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