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La poupée qui fait non

« La poupée qui fait non » est une chanson de Michel Polnareff publiée en 1966; cela ne rajeunit personne… Si j’en parle ici, c’est que la gouvernance de notre Etat comprend, à mon humble avis, trop de poupées de ce genre. Et lesdites poupées n’ont même pas l’excuse d’être aussi séduisantes que celle de M. Polnareff, hélas.

Pour ne prendre qu’un exemple, nous devions voter au mois de juin sur une loi visant à encourager la transition énergétique vers des ressources non fossiles. La majorité des partis gouvernementaux (en fait, tous sauf un) ont collaboré pour élaborer ce texte qui n’a d’ailleurs rien d’une loi traditionnelle, dans ce qu’elle peut représenter de contraignant, puisqu’il n’impose pratiquement rien, mais il se contente d’inciter. Mais la poupée citée plus haut s’est entêtée à faire « non », à croire, comme le suggère le chanteur, qu’on ne lui a jamais appris à dire « oui ».

Une explication de ce refus a été donnée par le plus haut représentant de la poupée en question, un certain M. l’Eglise : cela coûterait trop cher, selon un complexe calcul proposé à nos sagacités. Le calcul en question utilise systématiquement les hypothèses les plus pessimistes pour les énergies renouvelables, et les plus optimistes pour un statu quo. Par exemple, l’acceptation de l’initiative aurait soi-disant pour conséquence de forcer le remplacement de toutes les chaudières de chauffage par des pompes à chaleur (PAC) en Suisse, alors que dans le cas du statu quo, ce remplacement n’aurait pas lieu d’être. On passe joyeusement outre le fait qu’à terme, toute chaudière doit être remplacée, et que par ailleurs, nombre d’installations individuelles fonctionnent déjà sur la base de PAC (qui devront, il est vrai, être remplacées tôt ou tard, mais indépendamment de la loi en question). Quant aux pénuries d’électricité que nous promet la poupée qui fait non, il est prévu d’importer une proportion substantielle de l’électricité nécessaire; mais il est vrai que depuis que cette même poupée a contribué de manière significative au rejet de l’accord-cadre avec l’Union Européenne, cela puisse s’avérer plus difficile que prévu à l’origine.

Mais c’est surtout et principalement passer complètement sous silence les frais causés par le dérèglement climatique. Les dégâts occasionnés touchent pourtant en premier lieu l’agriculture, une partie de la population dont se réclame la poupée en question, même si les paysans constituent probablement le cadet de ses soucis. En une période où l’Emilie Romagne, une province italienne à quelques cinq heures de voiture de la Suisse, est sinistrée par la tropicalisation du climat, ne pas faire mention de ces dégâts dans le calcul constitue une attitude méprisante pour nos voisins. Mais la poupée a des excuses : d’abord cela se passe à l’étranger, donc on s’en fout un peu (beaucoup, passionnément); ensuite, rien ne prouve que cette catastrophe soit due aux énergies fossiles. Et puis, ce sont les Italiens qui vont payer, pas les Suisses, donc tout va bien; je suppose qu’on importera les tomates chez Mohammed Ben Salmek : il paraît que là-bas, en Arabie Saoudite, on les cultive sous serres climatisées, et cela fait accessoirement du bien au portefeuille de certains actionnaires ayant investi dans le pétrole… A commencer par le ministre de l’Energie en exercice, M. Ölbert de la Galette-Patate, accessoirement ex-président de la poupée en question.

Ah oui, il y avait aussi La Chaux-de-Fonds, et la vague de canicule d’août qui pourrait en annoncer d’autres. Mais bon, la Chaux-de-Fonds, c’est en Suisse Romande, donc c’est moins grave; et le futur, on s’en fout aussi, du moment que c’est après les prochaines élections.

Heureusement, le projet de loi a passé la rampe malgré la poupée. Mais ce n’est qu’une toute petite victoire ! De nouveaux combats négatifs sont déjà proposés par cette élite politique suisse ! Il y a eu récemment, par exemple, pas mal de pronostics météo qui se sont avérés par la suite trop pessimistes. Une belle opportunité pour la poupée de dénoncer un discours alarmiste et de réitérer son opposition aux mesures de transition énergétique. Et, au passage, de mettre en doute la responsabilité humaine dans le changement climatique, en l’attribuant à une obscure manœuvre politique de la gauche abhorrée. M. Nid de Guerres, rhétoricien francophone hors pair de la poupée, l’a d’ailleurs clamé fort clairement, à son habitude (je cite en substance) : on qualifie de scientifique ce qui arrange le discours gauchisant. Il a souligné ses dires de son habituel sourire condescendant, un peu méprisant. Personne n’a songé à lui rétorquer que « traiter par le mépris les conclusions scientifiques représente une attitude irresponsable« ; d’ailleurs, il avait probablement une parade toute prête dans son escarcelle, escarcelle qu’il partage volontiers avec un collègue alémanique, un certain M, Queue de Pelle, poutinophile convaincu, rédacteur en chef d’une feuille de chou qui se veut observatrice du monde. Avec les affirmations récentes de l’ancien président de la République Française Nicolas Vladimirovitch Sarkozine, on se demande d’où vient cette poutinomania apparemment contagieuse qui gagne certaines de nos élites, par ailleurs souvent auto-proclamées. Ont-ils tous un compte en banque ouvert chez Vladimir, à l’instar de Marine Le Pénisse ?

Et il y a bien sûr le traitement à réserver aux réfugiés. M. l’Eglise a été très clair à ce sujet. On veut pouvoir choisir ceux qui entrent, et rejeter ceux dont on ne veut pas. En clair, un médecin blanc est plus susceptible de passer la douane à Chiasso au volant de sa Cayenne, qu’un adolescent bronzé crève-la-faim échappé d’un naufrage en Méditerranée, et ayant survécu à la traversée du Sahara, et de surcroît ne parlant que trois mots d’anglais. Non aux réfugiés, Punkt Schluss Basta Un point c’est tout ! J’ai eu un étudiant il y a quelques années (oui, au pluriel, années !) qui était un fils de réfugié du Sahel. Son père était technicien de surface, comme on dit actuellement, et le fils bricolait à gauche et à droite pour soulager sa famille et payer ses études. Accéder à des études supérieures, sous la menace d’une expulsion possible à ce moment-là, avait déjà dû constituer un exploit pour ce jeune qui avait oublié d’être stupide; mais en plus, sans être génial, il était intelligent, et surtout, il savait où il voulait arriver. Il a eu son diplôme et je l’ai reconnu récemment sur Linked In; il occupe un poste à responsabilités chez un grand opérateur de télécommunications en Suisse. Avec la proposition de M. l’Eglise, son père ne serait jamais entré en Suisse… Mais la poupée ne voit pas plus loin que les élections, alors une génération, vous pensez !

Je propose que l’on nomme désormais la poupée en question « Union Démagogique de la Contradiction » (Mais peut-être avez-vous mieux ?). Pour les gens qui représentent la poupée (en tous cas en Suisse francophone) cela ne changera pas grand-chose. Et ce sera peut-être plus clair pour les pauvres citoyens que nous sommes. Quoi que…

Nice Nancy

Je ne connais pas personnellement madame Nancy Pelosi; mais c’est une dame que je serais très honoré de connaître, et avec laquelle je serais passionné d’échanger diverses idées. Imaginez qu’à 82 ans, vous soyez capable, par votre seule présence, de faire peur au Parti Communiste chinois, présidé (?) par monsieur Xi Jinping. A tel point que, pour se rassurer (et calmer ses faucons guerriers, et aussi les vrais plus nombreux), M. Xi se sente obligé de sortir la toute grosse artillerie, le stade juste avant les ogives nucléaires. Si je suis capable de faire ce qu’a fait Mme Pelosi par sa seule présence, dans dix ans, alors je serai fier. Très. La mauvaise nouvelle, c’est que cela ne m’arrivera pas, et cela consolide mon admiration inconditionnelle pour madame Pelosi. J’avais déjà admiré, sans conditions, son geste spectaculaire à l’endroit du président en exercice Donald Trump. Mais à Taiwan, elle a fait fort, très fort. Une magnifique mise en évidence de l’absurdité d’un gouvernement comme la Chine, dépendant inexorablement d’un sans-faute permanent (réel ou imposé par la force) de ses dirigeants pour assurer un semblant de crédibilité, quitte à défendre une politique comme le zéro-COVID vouée à l’échec et abondamment confirmée comme telle. Une peur du ridicule poussée à l’obsession, et propre à justifier tous les excès d’un gouvernement qui n’a d’autre légitimité que celle qu’il se confère lui-même… On ne souhaite pas longue vie à une personne de plus de 80 ans; mais j’aimerais bien la remercier et lui dire que lorsqu’elle nous quittera définitivement, aussi tard que possible, elle laissera beaucoup de regrets et de vide; peut-être pas chez tout un chacun, mais bon… Personne ne plaît à tout le monde.

Madame Pelosi est une personne qui n’hésite pas à donner son opinion, que ce soit pour fustiger les mensonges de son propre président, ou pour dénoncer les visées impérialistes chinoises, qui considèrent Taïwan comme partie de la Chine alors même que historiquement, elle n’a jamais fait partie de l’Empire du Milieu. C’est une distorsion de l’histoire courante chez certains dirigeants, à l’instar de Poutine qui considère l’Ukraine comme partie de la Russie; encore que dans ce cas précis, il a peut-être moins tort que son homologue chinois, puisque l’Ukraine a effectivement fait partie de la défunte URSS.

Nancy Pelosi est gênante pour tous ceux qui refusent de se mouiller, comme certains patriotes suisses (souvent milliardaires) qui craignent pour la neutralité de la Suisse après sa prise de position contre l’attaque de l’Ukraine et les sanctions appliquées. L’un des plus connus d’entre eux est en train de concocter une initiative qui sera vraisemblablement soumise au vaillant peuple helvétique dans quelque temps. L’essentiel du texte consiste à marteler qu’il ne faut rien dire, rien faire, quoi qu’il arrive, sauf s’il y a unanimité des Nations Unies. Apparemment, la formule « Qui ne dit mot consent » n’a pas de signification pour certains ténors (riches, un peu cacochymes il est vrai) du plus grand parti de Suisse. Ses fidèles lieutenants (qu’ils soient de Genève ou de Zürich) le soutiennent activement, eux qui ont leurs entrées dans les partis d‘extrême droite des pays voisins. Ces mêmes partis qui sympathisent parfois ouvertement avec les dictateurs ou les autocrates de tout poil, ceux-là même que madame Pelosi dénonce.

Il faut dire que pour une certaine catégorie de gens, la neutralité inerte et passive qu’ils souhaitent maintenir a fait ses preuves : combien de fortunes ont vu le jour et persistent grâce à la neutralité suisse lors du second conflit mondial ? Quelles bonnes affaires ont pu être faites à l’époque, lorsque l’on pouvait profiter du commerce de guerre avec l’Allemagne nazie d’Adolf Hitler en détournant impudiquement les yeux des exactions pourtant bien connues de nombreux dirigeants ! Il serait vraisemblablement intéressant pour ces milliardaires (et leurs supporters fidèles) de pouvoir à nouveau, à la faveur de l’agression de l’Ukraine par la Russie, profiter des roubles des oligarques chassés par le reste de la communauté européenne ! Etonnamment, ces personnes sont les premières à s’insurger quand un politicien étranger épingle la Suisse parce qu’elle bénéficie des services de l’Europe et de l’OTAN sans en faire partie, et sans y contribuer, ou si peu. Comment ces gens peuvent ils encore s’étonner du fait que la Suisse soit désormais tenue à l’écart d’un nombre grandissant de projets européens, en particulier dans le domaine de l’enseignement et de la recherche ? Cet isolement est d’ailleurs assez préoccupant, en ces temps de pénuries; à l’époque, on avait tablé sur les importations en provenance de l’Europe; mais cela pourrait s’avérer assez difficile, pour un tas de raisons, parmi lesquelles le vieillissement des centrales nucléaires françaises, mais aussi l’absence d’accord-cadre entre la Suisse et l’Union Européenne..

La neutralité ne devrait en aucun cas brider les opinions, publiquement et politiquement assumées, et au besoin assorties de sanctions. La liberté d’expression existe aussi au niveau des Etats; enfin, il me semble que cela devrait être le cas. Sinon, autant déménager en Chine ou dans l’Amérique dont rêvent Trump et son parti républicain.

Pour une immigration modérée

L’initiative lancée par l’UDC sera proposée à la volonté populaire suisse le 27 septembre 2020. La radio-télévision suisse romande a diffusé une émission sur le sujet (Infrarouge) où figuraient quatre personnalités suisses :

La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, en charge du Département Fédéral de Justice et Police (DFJP). Elle représente l’avis du conseil fédéral, pas le sien propre (mais tout porte à croire que son avis concorde sur la plupart des points avec celui qu’elle doit véhiculer). Une politicienne extrêmement brillante, supérieurement intelligente, mais véhiculant une certaine image de froideur; les partis écologistes ont d’ailleurs envisagé de l’accueillir dans leurs rangs pour sauvegarder les glaciers et la banquise. S’ils ont finalement renoncé c’est qu’ils ont eu peur que cela marche, et que l’on n’aie plus besoin d’eux…

Le président de l’Union Syndicale Suisse Pierre-Yves Maillard, un remarquable négociateur qui a démontré à l’envi ses compétences dans le cadre de son ministère de la santé au gouvernement vaudois. Il se bat contre l’initiative, mais en fait il se soucie peu de l’immigration et des accords bilatéraux; il craint en revanche l’abandon des mesures compensatoires liées à la libre circulation, et c’est sur ce sujet qu’il argumente.

La conseillère nationale UDC Céline Amaudruz, un spécimen de la race linotte cacophonique (linaria convicia), passereau fringillidé parent de la linotte mélodieuse (linaria cannabina). La linotte en question se fait l’écho d’un mentor (en l’occurrence, le bientôt cacochyme tribun zurichois Reblochon) et demande l’appui de tonton Guy (pourtant personnellement opposé à l’initiative de son parti) lorsqu’elle a quelques ennuis éventuellement liés à un goût moyennement modéré pour les boissons euphorisantes.

Le journaliste et essayiste François Schaller, un ancien de l’AGEFI, qui tend à confondre réflexion et feuille Excel. Chaque fois qu’il prend la parole, il a des chiffres à faire valoir, chiffres qui lui servent d’argument, peut-être parce qu’il en manque ? « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément » a dit Nicolas Boileau. Dans le cas de M. Schaller, les explications de ses chiffres sont aussi claires qu’une bouillabaisse oubliée trop longtemps dans un placard, et probablement aussi digestes.

Le débat (il paraît que cela s’appelle ainsi) n’avait que peu d’importance. Toute personne sensée peut remarquer que le taux de chômage ne varie pratiquement pas entre un régime de libre circulation et « avant », si ce n’est de manière non corrélée ou sur des secteurs industriels bien précis (de manière aussi bien positive que négative d’ailleurs). Il est toutefois intéressant de constater que certains des principaux intéressés étaient exclus du débat. Ainsi, la Suisse possède essentiellement deux richesses : son savoir-faire (matière grise) et l’eau de ses montagnes. Pour l’eau des montagnes, cela semble compromis dans un futur qui se rapproche inexorablement : les glaciers fondent.

Dans le cas de la matière grise, on peut distinguer recherche et enseignement supérieur. Pour la recherche, la première initiative de limitation de l’immigration de masse (9 février 2014) avait déjà envoyé les chercheurs suisses sur les strapontins des grands projets européens; un renoncement aux accords bilatéraux verrait se clore tous les accès aux financements européens ainsi que la participation aux grands projets de recherche du continent. Je ne suis pas certain que l’on puisse obtenir une collaboration aussi étroite avec les Etats-Unis de Donald Trump ou de Joe Biden, même en achetant des F/A 18 Super Hornet. Quant à la collaboration avec la Chine de Xi ou la Russie de Vladimir, Reblochon ne serait probablement pas d’accord. Pour les étudiants, cela signifie la fin de la participation au programme Erasmus, ce programme qui a tant fait pour permettre à la jeunesse de ce pays d’ouvrir ses perspectives et diffuser le rayonnement de la Suisse en Europe. N’oublions pas que les crises écologiques qui sont déjà là vont demander une coopération de plus en plus accrue avec nos voisins. Se priver d’accords qui facilitent les collaborations semble suicidaire, en l’état.

Je considère donc cette initiative comme extrêmement néfaste, bien que je ne sois pas forcément le plus concerné. Les gens qui ont participé à ce débat ne sont pas non plus les principaux concernés, ayant tous atteint un âge dit mûr (Mais le terme de maturité peut prendre des sens différents selon la personne à laquelle on l’applique). Ce sont les jeunes d’aujourd’hui qui devront vivre avec les aberrations du vieux Reblochon, à une époque où il ne sera plus concerné depuis longtemps…

Malgré ces arguments, je crains que cette initiative, tout comme celle de 2014, ne finisse par passer; nombre de votants qui n’oseraient pas publiquement se déclarer hostiles aux étrangers déposeront un « oui » apeuré et un peu honteux dans l’urne le 27 septembre 2020. Le célèbre sketch de Fernand Raynaud (l’étranger) reste plus que jamais d’actualité ! L’inquiétude complaisamment orchestrée par l’UDC constitue un moteur dont le dindon hypertrophié Donald Trump sait se servir à merveille : les gens inquiets vont voter plus que les autres, donc, paniquons les gens ! Quand à la véracité ou la pertinence des arguments… On fait de la politique, pas de la science, bordel !