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Le petit chaperon rouge 2.0

– Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents !
– C’est pour mieux te manger

Tout le monde connaît cette histoire, je suppose, du moins au sein de la francophonie. Charles Perrault a immortalisé le « petit Chaperon Rouge » dans ses « Contes de ma mère l’Oye » au dix-septième siècle. J’ai pour ma part subi le récit (avec « Le chat botté », « La Barbe Bleue », « La Belle au Bois Dormant » et d’autres) à l’époque où j’apprenais péniblement à déchiffrer un texte écrit. Admettons que l’intrigue n’est actuellement plus très crédible, même à l’égard d’enfants en bas âge. Pour confondre un loup, même déguisé, avec une grand-mère, il faut avoir la vue singulièrement basse, avoir oublié ses lunettes, et de plus subir une panne d’électricité dans la pièce obscure. Et puis, je n’ai jamais entendu s’exprimer un loup (hormis quelques hurlements dans l’un ou l’autre film de nature), mais je suppose qu’il doit être difficile de confondre son élocution avec celle d’une personne de grand âge, aussi chevrotante que soit devenue la voix de cette dernière.

Non, monsieur Perrault, en dépit de votre célébrité, certains de vos contes ne me paraissent plus vraiment d’actualité, et mériteraient d’être quelque peu revisités; la bonne nouvelle, c’est qu’il y a des gens qui y travaillent. Bon, on peut discuter de la qualité des propositions, mais l’important, c’est de participer, n’est-ce pas ?

Par exemple, une histoire concoctée par un groupe d’auteurs (que je crois conseillés par le faisandé M. Reblochon, le seul acteur qui pourrait jouer aussi bien le rôle du loup que celui de la mère-grand dans le conte original de Perrault) relate un conte de fées où, au nom de la neutralité, un Etat refuse toute participation à la défense de ses voisins en cas d’attaque (genre démerdez-vous avec Poutine, les gars; nous on s’occupe du Fendant cuvée 2030), mais compte absolument sur l’intervention de ces mêmes voisins lorsqu’il est lui-même agressé. La solidarité à sens unique, en quelque sorte. Comment dites vous ? Aussi invraisemblable que l’original ? Peut-être, mais dans cette histoire, il n’est pas nécessaire de déguiser le loup. Ceci dit, je vous accorde que le conte de fées est très médiocre et de mauvais goût.

Une autre ? Ca se passe dans le même Etat, qui veut absolument réaliser une transition énergétique vers des sources d’énergie non fossiles. Comment faire ? Une fée plutôt malveillante initie, d’un coup de baguette magique, le changement du responsable de l’environnement et de l’énergie en éliminant de manière discutable le préposé actuel. Dans la foulée, la fée vire aussi le ministre des Finances, mais pour celui-là, on s’en fout un peu, sa démission étant le seul acte constructif que l’on puisse lui attribuer a posteriori. Pour remplacer le ministre de l’Energie, on choisit un personnage qui est un des principaux défenseurs des énergies fossiles (D’ailleurs, certains l’appellent Ölbert Rösti) ! Même si le ministre fraîchement élu ne va pas saboter complètement les efforts de transition énergétique, il ne va pas non plus pénaliser les sources fossiles qui alimentent son compte en banque. L’histoire paraît à peu près aussi vraisemblable que l’original; mais elle reste assez cohérente : il y a même les galettes et le pot de beurre…qui restent du début à la fin dans la poche de M. Rösti.

La transition énergétique a d’ailleurs inspiré nombre d’autres auteurs, mais ce sont souvent des contes de fées « catastrophe » (peut-être est-ce l’époque qui veut qu’il y ait davantage de fées Carabosse que de fées Marraine en activité ?) : qu’on en juge sur ce troisième exemple, qui se passe toujours dans ce même Etat. Il relate le destin tragique d’un gouvernement qui croit bien faire (Le petit chaperon rouge qui amène des galettes, etc) mais qui se plante et finit lamentablement (le loup CO2 qui finit par tout bouffer, enfin l’histoire n’est pas terminée). Suite à une catastrophe organisée par la méchante fée Fukushima Tsunami, on renonce à l’énergie nucléaire, mais une autre fée un peu simplette, Doris Lagaffe-Leuthard, omet de prévoir un remplacement. Zut, quelle étourdie, celle-là ! Enfin, bon, chacun peut avoir un instant de distraction, non ? Un peu après, le sorcier diabolique Poutine fait des siennes, et cela coupe le gaz à l’Etat en question. Un autre sorcier, débonnaire mais carrément demeuré (bien qu’agissant avec l’appui franc et unanime de ses collègues), a entretemps coupé les ponts (fragiles, il est vrai) avec les voisins qui auraient pu lui venir en aide. Devant la probable pénurie de gaz, et poussé par un sain souci écologique de limitation de production du CO2, on incite le peuple ignorant à se convertir à l’adoration de la fée Electricité, si bonne et si généreuse. Las, cette dernière est un peu fatiguée, trouve qu’on lui en demande trop en ne lui offrant pas assez, et menace de se mettre en grève. « Vous me branchez des pompes à chaleur, vous me connectez des bagnoles électriques pourries qui consomment un max, ça me suce les sangs tout ça ! » qu’elle dit tout de go. Pour essayer de l’amadouer, on construit en hâte des centrales solaires, on remet en exercice des centrales à charbon qui polluent beaucoup plus que le gaz du sorcier Poutine, on propose des génératrices diesel, et beaucoup d’autres « solutions » tout aussi polluantes de ce genre. C’est à ce moment que l’on s’aperçoit que l’on n’a pas prévu les moyens de transport de toute cette énergie vers la bonne fée. Encore raté, damned ! Et pour couronner le tout, la méchante (très) fée COVID a gravement perturbé les circuits de distribution à l’échelle mondiale : les naïfs qui ont installé des panneaux solaires ont toutes les peines du monde à les raccorder pour cause de manque de composants électroniques (les onduleurs, en l’occurrence). Quel mauvais scénario ! On peut le dire déjà maintenant, alors même que le conte n’est pas encore finalisé : cette histoire ne tient pas debout.

J’arrête, de peur de vous lasser. Il y aurait le petit chaperon rouge et la défense aérienne (pas terminé ce conte là), le petit chaperon rouge visitant mère-grand à l’hôpital et recevant ensuite la facture du séjour… Bref, j’arrête.

Finalement, le scénario de Charles Perrault ne me semble plus si vieillot que cela. Et ce que je sais des autres auteurs me semble encore moins vraisemblable que ce que nous a légué le célèbre conteur du dix-septième siècle. Mais les nouveaux ont l’avantage de l’actualité… Qui a dit « C’est la réalité« , là-bas au fond de la classe ? Moi, je vous parle d’un conte, mais je ne prétends pas qu’il soit bon.

Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année. Ce souhait n’est pas un conte de fées.

Club de Rome

Le Club de Rome est un groupe de réflexion réunissant des scientifiques, des économistes, des fonctionnaires nationaux et internationaux, ainsi que des industriels de 52 pays, préoccupés des problèmes complexes auxquels doivent faire face toutes les sociétés, tant industrialisées qu’en développement. (Source : Wikipédia).

Réunie pour la première fois en avril 1968, l’organisation acquiert une notoriété mondiale à l’occasion de la publication de Les Limites à la croissance en 1972, aussi connue sous le nom de rapport Meadows, qui constitue la première étude importante mettant en exergue les dangers, pour la Terre et l’humanité, de la croissance économique et démographique que connaît alors le monde. (Source : Wikipédia)

Il est intéressant de relire ce rapport actuellement, alors que de nombreux faits qu’il prédit se sont déjà produits ou sont sur le point de se produire. Le document met en cause l’illusion d’une croissance infinie (démographique et économique) dans l’espace fini que constitue la planète, et les risques que fait courir cette croissance sur la situation environnementale de la planète : pollution, dérèglement climatique, pénurie de ressources, instabilité sociale et politique, etc…. La mise en parallèle de ce rapport avec la réalité actuelle est pour le moins édifiante : le monde a suivi le scénario « business as usual » depuis lors, comme si les ressources de la planète étaient infinies. Pour rappel, le rapport décrit un certain nombre de scénarios, parmi lesquels trois scénarios sont particulièrement mis en avant. Outre le déjà cité « business as usual« , le rapport mentionne également un scénario basé sur une technologie de plus en plus sophistiquée, et un scénario basé sur une croissance zéro, voire une décroissance.

Dans ses conclusions, le rapport mentionne qu’un scénario purement technologique ne fait que retarder l’échéance, que la seule solution réellement durable est une croissance zéro (aussi bien économique que démographique). De surcroît, plus on retarde le moment où l’on arrive à une croissance zéro ou négative, plus on aura besoin de technologies sophistiquées et d’investissements massifs pour éviter une dérive catastrophique de la situation (pénuries, guerres, migrations, catastrophes écologiques, extinctions massives, etc…). Le rapport ne mentionne pas les détails des causes effectives de ces catastrophes; ainsi, l’excès de CO2 induit par la combustion d’hydrocarbures fossiles, la pollution par pesticides ou plastiques ne sont pas citées nommément par le rapport qui se borne à parler de ressources disponibles et de pollution de l’environnement induite par une surconsommation de ces ressources.

Il n’en reste pas moins que la situation qu’il anticipe décrit assez fidèlement la réalité que nous vivons actuellement. Si, grâce à des recherches incessantes, on a pu reculer le moment inéluctable où l’on ne disposera plus d’hydrocarbures fossiles, d’autres ressources commencent à manquer. Parmi elles, l’eau constitue la plus préoccupante, mais d’autres secteurs sont menacés de disette, comme le sable, par exemple. Cette pénurie prévisible n’a cependant pour l’instant pas beaucoup d’influence sur le comportement : la mobilité électrique est actuellement encore basée sur le lithium (pour les batteries de stockage), une denrée pas très rare il est vrai, mais dont les réserves sont limitées à moyen terme. Or, actuellement, le lithium des batteries en fin de vie n’est pas récupéré (bien que cela ne soit pas très compliqué à réaliser), pour des raisons économiques ! Business as usual

A la lumière des projections énoncées dans le rapport Meadows, il ne semble plus guère possible de douter de l’influence humaine sur la situation environnementale que nous vivons actuellement. Si des scientifiques ont pu décrire avec une remarquable précision les problèmes actuels avec cinquante ans d’avance, c’est que les modèles utilisés sont raisonnablement pertinents et fiables. Il est de ce fait assez surprenant de constater que certaines personnes continuent à mettre en doute l’influence humaine sur le dérèglement climatique. Parmi ces « climatosceptiques » figurent des personnes (comme M. Roger Köppel, par exemple) ayant suivi des études avancées, dont on pourrait attendre une bonne capacité de compréhension de la démarche scientifique. Il y a même quelques spécialistes de phénomènes climatiques, dont quelques prix Nobel. D’autres (comme le président des Etats-Unis d’Amérique) ont largement de quoi s’entourer de conseillers ayant le niveau scientifique et culturel requis, leur nation figurant parmi les plus avancées de la planète; mais ils ne le font pas.

Bien sûr, il n’y a pas que les « climatosceptiques » qui tendent à douter des conclusions scientifiques (surtout lorsque cela sert à leurs intérêts, d’ailleurs). Sans trop parler des géocentristes, des adeptes du modèle de la Terre plate et d’autres hurluberlus du même tonneau, on a pu constater aussi que plusieurs détenteurs de doctorats en biologie (par exemple Denis O. Lamoureux, professeur à l’Université d’Edmonton, Alberta, Canada) étaient adeptes du créationnisme, alors que l’évolutionnisme de Darwin est amplement démontré par des faits scientifiques indiscutables. De hautes études ne sont pas une garantie de compétence, apparemment.

L’érudition n’implique pas l’intelligence…
L’intelligence n’implique pas la sagesse…

Malheureusement, ces controverses liées à l’incompétence, voire à la stupidité ou la mauvaise foi laissent à penser qu’une action concertée à l’échelle de la planète en faveur d’une croissance zéro n’est pas pour demain. Il est déjà assez difficile d’entamer une action concertée pour le « simple » problème du réchauffement climatique lié à l’excès de CO2 (Ce n’est pas cette charmante et brillante, mais parfois un peu crispante, Greta Thunberg qui me contredira), alors décider d’une décroissance à l’échelle mondiale…

America First, pour ne citer que cet aspect du problème…