La santé est trop chère

En Europe Occidentale et particulièrement en Suisse, nous disposons d’un système de santé d’excellente qualité et d’assurances maladies bien établies. Mais cela coûte cher. Lorsque l’on en fait la remarque, les réponses arrivent rapidement, si répétitives qu’elles finissent par ressembler à des lieux communs.

  • Les recherches en pharmacologie sont fort coûteuses, il faut bien les amortir… Euh, bien sûr… Mais pourquoi la même molécule est-elle trois fois plus chère en Suisse qu’en France ? Les recherches sont identiques, non ?
  • Pour être en mesure de conserver des places de travail en Suisse, il faut payer des salaires suisses, et ceux-ci sont plus élevés ! Ah ? Et les nombreux frontaliers que vous engagez, vous les payez aussi à des salaires suisses ?
  • Nous avons le meilleur système de santé du monde, cela a un prix, et la santé n’a pas de prix ! Ah, permettez : la santé a un prix : celui qu’on peut payer, et certains suisses ne peuvent plus payer ce prix !
  • Les appareils modernes sont très chers, il faut les payer ! Ah, c’est pour cela qu’on répète dans l’hôpital B les examens effectués deux heures avant dans l’hôpital A ?

Lors de divers projets de développement au cours de ma carrière d’ingénieur en technologies de l’information, j’ai pu déceler d’autres raisons au surcoût de la santé. Ainsi, tel hôpital universitaire a déroulé une étude sur plus de dix ans pour choisir un système informatisé de dossier du patient. Ils ont fait l’acquisition d’un système forcément obsolète (dix ans après, tu penses !) dont l’éditeur a rapidement décidé l’abandon un peu plus tard. Cet hôpital s’est doté avec force millions de francs suisses d’une antiquité (après dix ans d’étude, le système n’avait pratiquement pas évolué, car l’éditeur le savait obsolète) qui est entretenue par une entreprise américaine en seconde main qui n’attend que le moment opportun pour proposer son propre système en remplacement de l’actuel. Comment dites-vous ? Sera-ce compatible ? Franchement, quelqu’un a-t-il déjà vu deux systèmes informatiques conceptuellement différents pouvoir se targuer de réelle compatibilité ? Ce n’est pas tant le prix du système qui va coûter très cher au contribuable, mais les dizaines de milliers d’heures d’étude, d’apprentissage, de « customisation », etc… qui ont été mises dans cette gigantesque poubelle informatique.

La loi impose au soignant de documenter ses actes pour que les assurances maladies puissent rembourser les prestations. Mais cette documentation implique un travail de bénédictin pour les soignants : et pose d’une voie veineuse à M. Dufenu, code 534789234, pose d’un pansement à Mme Dumoulin, code 785234123, et… On parle ici de LaMAL et de codes TARMED. Il ne serait guère difficile de saisir ces codes automatiquement (nous avions proposé un système prototype à l’hôpital cité plus haut), mais l’inertie de ces grandes structures implique une absence de prise de risque de la part des responsables. Imaginez que le système choisi foire : si le logiciel est conçu par une société locale genre PRESDECHEZTOI SA, on va accuser le service ayant choisi le système de négligence coupable, alors qu’un système largement plus pourri et mille fois plus coûteux, mais estampillé MICROSOFT ou APPLE n’aura que peu de répercussions sur la personne ayant choisi le système (« Ah, mais c’était une grande maison, alors j’ai eu confiance »).

Le système de santé constitue certainement un poste forcément cher dans un bilan. Mais une partie conséquente de ce poste est à imputer à une inefficience qui touche parfois au ridicule. Un exemple encore, et ensuite je ferme mon usine à stupidités:

Récemment, j’ai été transféré en ambulance de Berne à Neuchâtel pour des raisons loufoques sur lesquelles je ne reviendrai pas ici. Dans le garage de prise en charge de l’hôpital de l’île, à Berne, on m’a mis dans une ambulance bernoise, avec un conducteur et un ambulancier très sympathiques. J’ai eu le temps au passage de voir deux autres ambulances vides sur le départ, ayant amené des patients de Neuchâtel à Berne, avec des plaques de Neuchâtel. J’ai demandé innocemment s’il n’eût pas été possible de rentrer avec l’une d’elles au lieu d’en affréter une troisième. Eh bien c’est impossible pour un tas de raisons que je ne vais pas détailler ici, sauf deux d’entre elles :

  • A qui facturer la course ? A l’assureur du patient aller ou à celui du retour ? Quant à partager, trop compliqué, et pas prévu par la loi, il n’y a aucun code défini pour cette opération.
  • Les syndicats ne sont pas d’accord, car cela fait du travail en moins pour les ambulanciers.

Oui, ce sont de petits frais, c’est vrai. Mais cela donne une idée de l’esprit de la chose… Du coup, trois ambulances se sont suivies sur l’autoroute entre Berne et Neuchâtel. Vous avez dit pollution ? Non, elles n’étaient pas munies de moteurs électriques.

Restez en bonne santé, c’est ce qui peut vous arriver de mieux ! Et accessoirement, ca aidera vos concitoyens aussi.

 

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