Bien sûr, mais…

Je ne sais pas si vous avez déjà expérimenté cette situation, où l’on parle d’un quelconque scandale ou situation violente, et quelqu’un intervient en disant « Oui, bien sûr, mais Machin à l’époque a fait aussi grave, voire même pire« .

Actuellement, un des thèmes de discussion qui se prête le mieux à ce genre de réaction, c’est Vladimir Poutine et la guerre en Ukraine. Enfin, l’opération militaire spéciale de dénazification pour utiliser les circonlocutions du dictateur russe. Vous discutez avec des amis sur cette guerre tout de même relativement proche de nos frontières, et dont nous ressentons certains effets, et vous critiquez l’agression dont s’est rendu responsable Poutine, et très souvent l’un des participants fait remarquer « Oui, bien sûr, mais en Irak, les Amerloques de George W. Bush n’ont pas fait beaucoup mieux« . Et un autre de renchérir « D’ailleurs, il (Bush) l’a dit lui-même« , faisant référence à ce qui devrait constituer le lapsus de l’année 2022. Par ce genre de remarques, l’invasion de l’Ukraine par Poutine se trouve relativisée : puisqu’il y a eu d’autres envahisseurs avant lui, cela devient moins grave. Comme si un crime devenait moins « criminel » simplement par le fait qu’un autre a commis un acte similaire par le passé !

Dans cet exercice, certains sont devenus virtuoses; ainsi, Guy Mettan n’a-t-il pas hésité de parler, sur les ondes de la RTS, de la « paille dans l’œil de Poutine et des poutres dans les yeux des Occidentaux« . On peut comprendre que la russophilie de M. Mettan le pousse à défendre ce cher ami Vladimir, mais parler de paille(s) au sujet de l’agression de l’Ukraine, des crimes de guerre associés, et auparavant du soutien sanguinaire au copain non moins criminel Bachar Al-Assad, voire des actions de mercenaires au Mali, cela ne fait pas sérieux. Et si les Occidentaux ont fait aussi moche, voire pire, cela ne dédouane en aucune manière le dictateur criminel qu’est Poutine ! Tout au plus cela finit il de discréditer M. Mettan et les causes qu’il souhaite défendre.

Si l’on suit ce raisonnement, il me semble que plus rien ne devrait nous étonner ou nous scandaliser : après tout, quoi que fasse un dictateur ou chef d’Etat, on pourra toujours dire « Oui, bien sûr, mais Hitler (Staline, Mao, etc…) ont fait bien pire« .

On peut également étendre ce genre de réaction à d’autres thématiques. Je me demande comment on aurait accueilli, après les attentats de Charlie Hebdo ou les massacres de l’Etat Islamique en Syrie, une remarque du genre : « Oui, bien sûr, mais à l’époque, l’Inquisition d’Isabelle la Catholique a fait bien pire« . Et la Suisse n’a pas échappé à ce genre d’exactions !

Je doute toutefois qu’un juge au tribunal considère avec bienveillance un assassin ou son avocat qui argumenterait « Oui, bien sûr, mais Landru a fait bien pire…« 

Vous aurez sans doute compris que je ne suis pas très enthousiasmé par ce genre de remarque : en fait, cela aurait plutôt tendance à m’irriter. Le passé peut parfois expliquer le présent, mais non pas l’excuser ni le justifier. Une action criminelle n’a pas à être relativisée ou justifiée, mais simplement jugée, indépendamment d’éventuelles actions, peut-être similaires, qui ont pu avoir lieu par le passé.

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