Avalanches

Une nouvelle saison de ski à l’horizon : et déjà on parle du danger d’avalanches. Déjà des victimes, alors qu’il n’y a pratiquement pas de neige. Il y a bien sûr plein d’explications, de la part de spécialistes de haut niveau; mais je crois tout de même que la raison principale est ailleurs. La montagne a longtemps été fréquentée par des randonneurs amoureux de cet environnement si particulier. Lorsqu’ils faisaient une rando à peaux de phoque, le temps leur importait peu. Ils prenaient le temps d’observer la neige, les pentes, l’orientation du soleil; ils cherchaient à savoir d’où avait soufflé le vent lors des jours précédents pour tenter de deviner les corniches et les plaques.

Or, ces observations prennent beaucoup de temps; mais elles me semblent indispensables pour quiconque veut comprendre le milieu dans lequel il évolue. Certes, l’observation est un travail de patience; en effet, il n’est pas possible de se livrer à une observation attentive du milieu et simultanément monter d’Arolla à Bertol en moins de deux heures; lorsque l’on arrive de Genève et que l’on monte en vingt minutes au Mont Fort, on n’est pas forcément motivé pour s’asseoir un moment afin d’examiner les conditions, se renseigner auprès des personnes indigènes, prendre le temps de comprendre les conditions de neige; mais je pense que c’est clairement la seule et unique manière de diminuer les risques liés à la pratique du ski de haute montagne et hors pistes balisées.

Je voudrais applaudir bien fort l’initiative de Dominique Perret, skieur « fou » s’il en est. Il s’engage pour définir un espèce de certificat ou de brevet qui permettrait de témoigner des connaissances indispensables à la pratique raisonnable du ski hors pistes. Une connaissance qui manque trop souvent aux skieurs-alpinistes hyper performants qui avalent des dénivelés impressionnants en moins de temps qu’il n’en faut à vous ou moi pour escalader un escalier, voire aux freeriders hyper-spectaculaires qui sautent des barres de plus de dix mètres au hasard d’un périlleux arrière parfaitement maitrisé.

Un bon freerider est un freerider vieux. Dominique n’est pas encore vraiment vieux; mais c’est probablement  le meilleur de sa génération. C’est un freerider qui a appris il  y a longtemps à observer le terrain, la météo, la neige. Pas besoin de GPS, de DVA, d’airbag, de balises de survie pour cela : juste un peu de temps, de réflexion, et beaucoup d’humilité. Le matos et les accessoires électroniques ne sont pas inutiles; mais cela vient après. Et ces accessoires ne sont en aucun cas un alibi pour prendre un risque supplémentaire.

Je ne souhaite pas me poser en exemple; mais j’ai pratiqué la peau de phoque pendant plus de cinquante ans, et pendant près de trente ans dans des pentes et des environnements exposés. Au début, je n’avais pas de DVA, car cela n’existait pas; cela ne m’a pas empêché de descendre des pentes qu’aujourd’hui encore, malgré un matériel extraordinairement performant, certains hésitent à aborder. Et je suis toujours de ce monde, sans DVA, sans airbag, et sans GPS. Ces bidules ne sont pas inutiles, loin de là; mais ils sont là pour pallier aux erreurs que vous allez inévitablement commettre un jour. Et accessoirement, pour faire gagner de l’argent aux constructeurs de ces divers équipements. Ces accessoires devraient idéalement ne jamais être utilisés; ou alors, c’est qu’on a fait une erreur.

Amis skieurs qui aimez les pentes hors des pistes, apprenez à comprendre le milieu dans lequel vous évoluez. La montagne est si incroyablement belle : pourquoi la gâcher avec un souci de chronomètre ? Pourquoi faire passer une performance forcément anecdotique avant le plaisir combien plus durable de la contemplation? Essayez plutôt de  vous intégrer dans ce milieu complexe et magnifique, et au bout d’un certain temps, vous comprendrez automatiquement les erreurs à ne pas commettre, et comment éviter les risques inutiles. Et vous tirerez encore plus de plaisir de votre expérience dans ce milieu extraordinaire qu’est la montagne.

Bonne trace en 2015 !

 

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