Transition énergétique

J’ai un souci potentiel avec le système de chauffage de mon domicile et la génération d’eau chaude domestique : la chaudière (fonctionnant au gaz naturel) est en excellent état, mais a plus de vingt ans d’âge, et n’est plus entretenue par le fabricant. En d’autres termes, si la chaudière tombe en panne, il faut la remplacer.

Parallèlement à cet état de fait, la loi, dans le canton où j’ai le douteux privilège de payer mes impôts, impose lors du remplacement d’un système de chauffage d’utiliser une part significative d’énergie renouvelable (donc non fossile). Remplacer la chaudière revient donc en substance à reconsidérer l’une des principales sources d’énergie de l’habitation. Un problème assez complexe à envisager pour un non-initié (et expérience faite, pas forcément évident non plus pour certains initiés ou se présentant comme tels) !

Fort heureusement, il y a des aides mises à disposition par les administrations cantonales; souvent hétéroclites d’un canton à l’autre, elles permettent néanmoins de se faire une petite idée des solutions existantes et des conséquences qu’elles impliquent (financièrement, économiquement, et du point de vue du confort de vie qu’elles entraînent). Ainsi, j’ai pu demander un conseil incitatif gratuit qui m’a permis de connaître les options possibles pour le cas particulier de mon habitation. Une pompe à chaleur à sonde géothermique semblait difficilement implantable, une chaudière à pellets m’aurait privé de tout ou partie de ma cave pour y stocker le combustible, seul un système de pompe à chaleur air-eau semblait adéquat. De manière extrêmement simpliste, il s’agit de faire fonctionner un très gros (et par ailleurs assez coûteux) réfrigérateur à l’envers : le réfrigérateur prend de l’air chaud pour éjecter d’un côté de l’air plus chaud et à l’intérieur de l’air plus froid, la pompe à chaleur prend de l’air à température ambiante pour éjecter de l’air plus froid à l’extérieur et plus chaud à l’intérieur.

C’est très simple en théorie, mais en pratique, un très gros réfrigérateur nécessite beaucoup d’énergie électrique pour fonctionner, et a besoin d’un ventilateur tournant pratiquement en permanence pour assurer la circulation d’air forcée. Malheureusement, l’approvisionnement électrique pourrait devenir problématique dans un futur proche, selon nos autorités; et la voiture électrique (que je persiste à considérer de manière très dubitative sous sa forme actuelle) ne va pas contribuer à améliorer la situation, ce qui pose des questions sur la sécurité d’investissement dans un tel système de chauffage…

L’une des solutions classique à ce dilemme est de coupler la pompe à chaleur à un capteur photovoltaïque pour produire soi-même une partie significative de l’énergie électrique consommée par la pompe à chaleur; mais comme le soleil ne brille pas forcément au moment opportun relativement aux besoins de chauffage, on va également utiliser une batterie à grande capacité pour stocker l’énergie électrique, ainsi qu’un gros réservoir de stockage de l’eau chaude (qui accessoirement, va occuper une place considérable dans le local technique). Bien sûr, il faut encore un onduleur pour revendre l’éventuel trop-plein d’énergie au fournisseur d’énergie électrique.

On s’en doute, la facture s’allonge notablement. La question qui se pose alors est de savoir combien de temps il faudra pour amortir l’investissement, pour autant que cela soit possible. Une première estimation (grossière, il est vrai, réalisé à l’aide d’une calculette en ligne) me propose un amortissement sur trente ans de mon investissement pour qu’il devienne effectivement rentable. Me voilà rassuré. Sauf que dans trente ans, je ne serai fort vraisemblablement plus là pour profiter de cet investissement, Sauf qu’une batterie au lithium-ion doit être remplacée après environ 6000 cycles de charge, donc (en supposant qu’en saison hivernale, on réalise un cycle par jour, ce qui ne paraît pas absurde) probablement après cinq ans environ. Sauf que les panneaux photovoltaïques connaissent de nouvelles générations tous les quatre à cinq ans. Les composants électroniques omniprésents dans ces systèmes ne sont plus fabriqués après une dizaine d’années (essayez donc d’obtenir sur le marché un microprocesseur Intel 80586 – ou Pentium – qui représentait le top du top en l’an 2000). D’ailleurs, ma propre chaudière à gaz a vingt ans d’âge et n’est plus entretenue par le fabricant, alors comment tabler sur un amortissement à trente ans ?

La conclusion est claire : pour le système photovoltaïque en tous cas, un amortissement à trente ans n’est pas réaliste : l’investissement est donc à pertes. Je n’ai pas considéré la pompe à chaleur elle-même jusqu’ici, parce que je ne suis pas suffisamment au fait de ces technologies pour émettre un avis pertinent, mais j’ai l’intention de corriger ces lacunes dans un proche avenir; par ailleurs, j’ai un congélateur qui fonctionne depuis bientôt quarante ans, je pense donc que la technologie est mature, même si l’intégration électronique et informatique nécessaire dans une pompe à chaleur pourrait être moins pérenne que la pompe proprement dite. De surcroît, l’investissement doit encore être complété par un système de gestion des flux énergétiques qui permette de contrôler la consommation et la production : un système de domotique à installer et à gérer, avec les mises à jour et les contraintes de sécurité que cela implique par les temps qui courent.

Par ailleurs, les tarifs pratiqués pour l’électricité (sur la base de mes factures d’énergie) ne sont guère incitatifs : à l’achat sur le réseau, le kilowattheure (kWh) coûte 17 centimes, alors que la revente de courant photovoltaïque rapporte 8 centimes. Aux heures de grande production, je reçois donc 8 centimes pour alimenter la pompe à chaleur de mon voisin qui lui, dépense 17 centimes pour ce même courant. Mais le kWh que je revends au réseau m’a lui, coûté 27 centimes (calcul confirmé par le fournisseur d’énergie) ! Je suppose que cela doit être considéré comme un encouragement à effectuer la transition énergétique; mais je reste assez sceptique.

Les aides financières proposées pour aider à la transition énergétique sont inférieures à 10% du prix de l’installation. L’exonération fiscale ne parvient pas à rendre l’investissement rentable. En effet, dans l’estimation proposée par la calculette en ligne que j’ai utilisée, ces paramètres sont déjà pris en compte. Reste bien sûr la satisfaction de produire moins de gaz à effet de serre, et de moins dépendre de sa Majesté le tsar Poutine ou du prince Mohammed ben Salmane. Mais à quel point ? Selon les fournisseurs d’énergie, une installation photovoltaïque telle qu’envisagée à mon domicile économise chaque année ce que rejette une automobile (laquelle ?) parcourant 1050 km avec un moteur thermique. Pour la pompe à chaleur, le bilan est beaucoup plus spectaculaire, puisqu’estimé à 11000 kilomètres parcourus en automobile. L’investissement que j’envisage (partiellement à pertes) me permet donc d’économiser globalement par année l’équivalent des rejets en CO2 d’une voiture ayant roulé 12000 km; ou, en gros, ce que rejette un avion de combat pendant les quelques secondes du décollage de l’aérodrome militaire de Payerne distant de 50 kilomètres. Je ne suis pas certain que la comparaison avec l’avion de combat constitue une grande motivation pour ma dépense…

Si nos pouvoirs politiques entendent encourager une réelle transition énergétique, ils doivent impérativement changer fondamentalement leur état d’esprit. Il est nécessaire que les citoyens voient concrètement un intérêt dans leur investissement si l’on veut faire avancer les choses. Madame la ministre de l’Energie, des Transports et de l’Environnement, il ne suffit pas de se mettre en colère face aux impérities de la COP26, ou de s’asseoir avec un gréviste de la faim sur la place fédérale à Berne. Il y a des mesures importantes à prendre, même si parmi vos collègues de gouvernement, d’aucuns ont des priorités apparemment différentes. Merci de bien vouloir utiliser votre énergie à essayer de les convaincre. Merci pour le climat, pour les générations futures, et accessoirement pour les contribuables qui souhaitent remplacer leur chauffage sans forcément se mettre sur la paille. Non chauffée, la paille, d’ailleurs !

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