5G

Vous n’avez sans doute pas échappé à la polémique 5G, sur laquelle tout ou presque a été dit. Tout a été dit,mais peu de réponses satisfaisantes ont été apportées au consommateur (victime ?) final que nous sommes.

Les détracteurs mettent le plus souvent en avant les risques sanitaires liés à une exposition soutenue à des ondes électromagnétiques. Ce souci est légitime, mais il doit être nuancé. Dans une première étape, la 5G ne modifie en rien la situation par rapport à l’existant (législation sur les rayonnements non ionisants, voir par exemple ici): mêmes antennes, mêmes fréquences, même puissance maximale admise. Il y a bien sûr les personnes électrosensibles (à des degrés divers),mais cela ne change rien pour elles non plus. L’électrosensibilité est un phénomène malheureusement mal connu, moins bien que le phénomène de l’hypersensibilité solaire dont souffrent certaines personnes obligées de se confiner à l’intérieur en raison des rayonnements ultraviolets (ces derniers sont d’ailleurs à la limite supérieure des rayonnements dits non-ionisants pour les UVA, les moins nocifs et les plus répandus). Mais même pour ces personnes là, la situation ne change absolument pas. Dans une deuxième phase de déploiement, de nouvelles fréquences vont être utilisées, ainsi que de nouvelles antennes; mais la législation en vigueur n’est pas modifiée, la valeur du champ électromagnétique reste définie par la loi sur les rayonnements non ionisants. On peut bien sûr discuter de la validité de cette loi qui ne tient que peu compte de la fréquence dans la définition des valeurs limites, mais ceci est un débat trop complexe pour être valablement abordé ici. Par ailleurs, l’effet de la bande de fréquences dans le cas qui nous préoccupe est sans doute minime, la largeur de bande considérée étant relativement modeste.

On ne se trompe donc probablement pas beaucoup en disant que du point de vue sanitaire, la 5G n’engendre pas une péjoration notable de la situation actuelle (3G/4G). Si un problème sanitaire existe (ce qui ne me semble pas improbable), alors il existe avec ou sans la 5G, et on espère qu’une étude réellement indépendante puisse mettre en évidence les risques éventuels.

Reste l’autre question : à quoi va servir la 5G ? A part bien sûr de permettre à Roger Federer de s’offrir une nouvelle salle de bain en paiement d’une pub improbable pour la 5G commanditée par Sunrise… Sûrement pas à surfer plus rapidement, contrairement à ce qui fait se réjouir Roger dans la pub en question; en tous cas pas dans le cadre de la première étape de déploiement : en utilisant des largeurs de bande comparables à la 4G, on ne peut pas aller beaucoup plus vite que la 4G, Claude Shannon lui-même vous le confirmerait. Et même dans le cadre d’un déploiement final, il y a d’autre limites physiques qui font qu’un terminal de la taille d’un smartphone, aussi sophistiqué qu’il soit, ne peut pas dépasser un certain débit sous peine de chauffer exagérément, ou de voir ses réserves d’énergie s’épuiser rapidement : il ne peut y avoir d’information sans énergie; plus on essaye de traiter de grandes quantités d’informations, plus il faut de l’énergie; et les batteries déchargées vont immanquablement rappeler à l’utilisateur amateur de hauts débits cette réalité de la physique et de la théorie de l’information.

Les opérateurs ont proposé quelques réponses à cette question de l’utilité de la 5G; malheureusement, ces réponses s’avèrent majoritairement peu convaincantes. La principale raison invoquée repose sur les besoins accrus de communication de l' »Internet des objets » . Dans ce schéma, tous les objets domestiques ou usuels sont connectés à Internet : un exemple volontiers cité par les opérateurs implique un réfrigérateur ou un congélateur capable de dire en temps réel ce qu’il contient. Cet exemple est intéressant par son manque de pertinence flagrant :

  • Il paraît pour le moins absurde de connecter un réfrigérateur (presque toujours fixe, et relié au réseau d’alimentation en énergie) à Internet par un réseau conçu pour l’itinérance. D’ailleurs, les réseaux mobiles n’ont pas été conçus au départ pour une utilisation à l’intérieur des bâtiments : il y a WiFi pour cela…
  • Un congélateur est souvent situé dans la cave d’un immeuble, et donc souvent difficile à connecter par un réseau mobile; d’ailleurs, il est assez rare que l’on se rende à a cave pour téléphoner à l’aide de son téléphone mobile…
  • Un réfrigérateur peut être connecté à Internet aisément par WiFi ou par modem PLC (même les opérateurs qui vendent la 5G proposent des kits de connexion) , voire par des protocoles de domotique sans fil comme Z-Wave ou zigbee, pour ne citer que ces deux exemples. Dans tous ces cas, il y a beaucoup moins (voire pas du tout) de radiations électromagnétiques induites !

Même argumentation pour les infrastructures urbaines,comme les éclairages, les caméras de vidéosurveillance ou les feux de signalisation des carrefours : il est plus facile de les connecter de manière filaire, puisqu’ils ne sont guère susceptibles de se déplacer. Les feux de chantier n’ont quant à eux guère besoin de la 5G.

Un autre exemple cité par les opérateurs est la voiture autonome. Moins absurde que le précédent, cet argument doit néanmoins être mis en rapport avec la réalité; contrairement à ce que l’on pensait (moi-même compris, d’ailleurs) jusqu’il y a peu, l’automobile autonome est encore loin d’être une réalité, et il n’y a aucune urgence à introduire un réseau 5G pour son déploiement qui attendra vraisemblablement encore plusieurs années, le temps que les opérateurs introduisent la 6G (ou mieux si entente).

Une raison non mise en avant par les opérateurs réside bien sûr dans les énormes investissements consentis par ces derniers pour l’acquisition de licences qu’ils souhaiteraient amortir aussi rapidement que possible en vendant de nouveaux abonnements et de nouveaux terminaux; comme on l’a mentionné au début de ce texte, ces nouveaux terminaux n’apporteront pratiquement rien, donc ce n’est pas une raison valable pour l’utilisateur final.

Les seules raisons intéressantes qui me viennent à l’esprit actuellement sont à lier aux infrastructures de mobilité émergentes :

  • La mise à disposition de véhicules en partage (voiturettes, vélos, trottinettes et autres) est actuellement difficile, car le vandalisme et la négligence des utilisateurs entraîne une importante dégradation du parc de véhicules mis à disposition des utilisateurs potentiels. Un réseau mobile performant permet de connecter tous les véhicules en partage, et ainsi de les suivre et les localiser; le réseau actuel serait sans doute dépassé par le nombre élevé de connexions qu’un tel mécanisme implique.
  • L’utilisation industrielle de drones est sérieusement envisagée, en particulier dans le domaine de la distribution (La Poste, Amazon, etc). Là aussi,un réseau mobile très efficace est exigé pour contrôler un trafic qui risque de devenir vite problématique. Reste à savoir comment se comporte la transmission d’ondes du réseau 5G, guère optimisée pour la transmission en altitude, et de surcroît soumise ici à d’incessants changements d’antenne par les drones très mobiles…

La 5G semble donc -dans l’immédiat, en tous cas- plus utile comme infrastructure industrielle que comme service aux particuliers. Mais même si elle n’implique pas de péjoration grave des risques sanitaires, ne serait-ce pas plutôt aux industriels d’en payer le prix qu’aux clients particuliers que nous sommes ? Ou peut-être à Roger Federer, puisqu’il semble être le seul à se réjouir de surfer « plus rapidement » avec la 5G…

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