Sion 2026… ou pas ?

Ces prochains jours devrait se jouer un premier – et peut-être dernier –  épisode de l’aventure des Jeux Olympiques à Sion 2026. Il s’agit d’une vieille aventure jusqu’ici toujours liée à l’échec, qui ressort régulièrement au gré des ambitions de quelques acteurs souvent intéressés par des aspects annexes d’une telle aventure. Sous l’impulsion du président du club de football de Sion naissait le projet Sion 2026 ; las, ce même Christian Constantin démontrait, peu de temps après, de belles aptitudes pugilistiques en rossant devant les caméras de télévision M. Rolf Fringer, journaliste certes assez médiocre, mais aussi ex-entraîneur de l’équipe suisse de football. Pour commentaire, Constantin laissait entendre que c’était ainsi que se réglaient les affaires en Valais; ce qui peut donner à penser à certains que d’éventuels JO en 2026 pourraient s’organiser de la même manière… Un peu plus tard, ce même Christian Constantin trouvait bon d’allumer, en guise de publicité pour Sion 2026, un tonneau d’hydrocarbures au sommet du Cervin, en compagnie de l’ex-star de ski Pirmin Zurbriggen et du conseiller aux Etats Christophe Darbellay. Probablement pour militer en faveur de Jeux Olympiques respectueux de l’écologie ? Encore un peu plus tard, les installations de Crans-Montana (site en principe retenu pour le projet Sion 2026 pour les compétitions de ski alpin) se mettaient en arrêt en pleines vacances de Pâques suite à une bisbille entre la société d’exploitation et les communes de la région (imaginez la même action juste avant le départ de la course olympique, pour rigoler…). Quelles belles publicités pour le projet olympique ! Cerise sur le gâteau, une émission de la Télévision Suisse Romande (RTS), Infrarouge en l’occurrence, revenait sur ces diverses péripéties (comme je le fais ici) pour dénoncer un possible dysfonctionnement du canton. Dans le cadre de cette émission furent évoquées plusieurs anecdotes parfois savoureuses, mais aussi souvent nauséabondes.

Philippe Bender, historien distingué et accessoirement ancien condisciple au collège de l’abbaye de Saint-Maurice, avait beau proclamer haut et fort que « Christian Constantin n’est pas le Valais et le Valais n’est pas Christian Constantin », et encore que « le Valais méritait ces jeux », il avait tout de même quelque peine à convaincre ! De plus, même si Constantin n’est pas le Valais, c’est tout de même le valaisan que l’on entend le plus souvent… En résumé, rien n’est gagné pour Sion ; maintenant, quant à savoir si l’organisation de cette manifestation serait une bonne ou une mauvaise chose, au final, il reste difficile de se faire une opinion inconditionnelle.

Une bonne partie des opinions négatives (partis de gauche en tête) proviennent de la crainte d’un coût abyssal, comme cela a pu être le cas pour des épisodes précédents ; un coût abyssal dont le poids pourrait se répercuter sur un moindre investissement dans des projets à caractère social, comme l’enseignement et la santé, par exemple. Je respecte ces opinions, mais ai néanmoins quelque peine à les comprendre : il doit tout de même être possible de bloquer des budgets pour les œuvres à caractère social ; quant aux surcoûts qui ne manqueront pas de se manifester, l’un des pays les plus riches de la planète devrait être en mesure de les supporter, éventuellement au prix d’un ou deux avions de chasse dont l’utilité n’est pas forcément mieux avérée que celle de l’organisation de Jeux Olympiques.

Les écologistes, également opposés au projet, ne semblent guère plus cohérents : alors que les organisateurs promettent des jeux respectueux de l’environnement, pourquoi décider de ne pas les croire à priori, au lieu de les prendre au mot et de leur faire exercer un leadership dans une organisation respectueuse de l’environnement de cette manifestation ? Bon, c’est vrai que c’est un tout petit peu plus difficile de participer à un projet que de le démolir…

Les avis favorables à l’organisation se fondent sur la conviction que cela va apporter à terme une excellente visibilité au Valais et à son tourisme. On pourrait aussi leur rétorquer que ce n’est pas gagné d’avance. Les JO, ce n’est pas que le ski, c’est aussi le bobsleigh, le patinage de vitesse et le curling (vous avez suivi le curling à PyeongChang ? Moi non plus, je parviens encore à m’endormir sans somnifères). Et puis, il faut assurer pour que cela constitue une bonne publicité, enfin, meilleure que le tonneau de mazout au sommet du Cervin. D’accord, cela permet théoriquement de remettre au goût du jour certaines infrastructures et d’en construire quelques nouvelles (D’ailleurs, on peut compter sur M. Constantin pour participer à ce projet). Mais cela ne suffit pas à rendre attractive une région. Je ne crois pas que Sotchi soit devenue une station mondialement fréquentée simplement parce que M. Poutine a injecté une trentaine de milliards dans ce lieu, et Albertville n’a pas profité d’une telle organisation, tant s’en faut (certaines stations comme Val d’Isère exceptées, et encore…). On parle de louer les infrastructures manquantes (mais existent-elles réellement?) et de démonter les constructions inutiles après usage (un discours similaire avait été tenu lors de la catastrophique -cet avis n’engage que moi- exposition nationale Expo 02 ; le résultat, actuellement encore, ne semble guère concluant…)

Les Jeux Olympiques étaient au départ conçus comme une réunion pacifique de la jeunesse de diverses contrées pendant une période privilégiée appelée trêve olympique. On ne se battait plus avec des armes de guerre, les athlètes étaient ensemble pour se mesurer à travers des joutes pacifiques. Or, de nos jours, les athlètes ne sont plus réunis aux Jeux Olympiques, car c’est devenu bien trop grand : même lors des cérémonies d’ouverture et de clôture, la totalité des compétiteurs n’est pas présente (d’ailleurs, dans certains cas, il y a plus d’officiels que d’athlètes!). Les sites de compétition sont souvent fort éloignés les uns des autres, car il faut bien dispatcher une foule pareille sur un domaine raisonnablement étendu. Une quantité d’épreuves pléthorique rend de nombreuses compétitions inintéressantes car peu adaptées au cadre local. Mais les Jeux restent indéniablement un événement hors normes par l’audience suscitée, et génèrent donc une publicité impossible à réaliser par les moyens traditionnels. Encore faut-il que l’organisation soit de bonne qualité…

Certains opposants pensent que le Valais n’a pas besoin de publicité pour son tourisme. Je suis d’un avis contraire : le tourisme suisse, et valaisan en particulier, ne se porte pas trop bien vis-à-vis de ses voisins transalpins et autrichiens ; les infrastructures sont souvent vieillottes, et l’accueil laisse à désirer dans de nombreux cas. Une manifestation majeure permettrait sans doute une régénération salutaire d’un certain nombre d’outils de travail du canton.
Je pense que Sion 2026 est un projet porteur pour la Suisse, et qu’il peut être mené à bien, et que cela aura au final une répercussion positive sur le tourisme en Valais. Je pense aussi que l’organisation d’un tel événement est extrêmement complexe et dépasse largement les capacités du canton, tant du point de vue infrastructures, hébergement, accès, transports et approvisionnements divers; c’est un effort que toute la Suisse devrait (directement ou non) supporter. Le dossier, en l’état, n’est pas suffisamment explicite sur ces divers points; hélas, il n’est plus temps de le peaufiner, le verdict cantonal est tout proche : le tonneau de mazout au sommet du Cervin risque de ne pas être suffisant pour persuader les votants du bien-fondé de l’entreprise…

 

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