Windows, MacOS, Linux…

La guéguerre des systèmes d’exploitation s’est quelque peu calmée ces dernières années, ou est passée en arrière-plan, tant les possibilités offertes par les trois principaux acteurs sur le marché tendent à converger, et aussi parce que les terminaux mobiles prennent de plus en plus le pas sur les ordinateurs conventionnels. Mais les acteurs restent pour l’essentiel les mêmes. Corollairement, ils restent toujours américains, qu’ils se nomment Microsoft, Apple ou Google.

Cette hégémonie pose à terme un problème potentiellement grave aux économies non-américaines; il y a bien sûr le problème commercial qui implique que chaque fois qu’un européen, un africain ou un asiatique utilise un outil informatique, il va passer par un intermédiaire situé aux Etats-Unis; mais ce problème n’est pas le plus préoccupant. Le problème sécuritaire doit également être envisagé : est-il prudent de confier toutes ses informations à des systèmes d’exploitation ultra-connectés, au comportement peu transparent, originaires d’un seul et même pays ? La prudence prônée par les militaires ne voudrait-elle pas que les informations sensibles ne passent que par des outils informatiques vérifiables ? Le même raisonnement peut s’appliquer à des secrets d’entreprise; est-il prudent de confier ces secrets à un ordinateur contrôlé par Apple , Google ou Microsoft  ? En cas de conflit, militaire ou commercial, une institution comme la CIA ou la NSA ne risque-t-elle pas de faire pression sur ces entreprises pour récupérer des informations utiles ? Et peut-on compter sur ces entreprises pour protéger leurs clients, pour autant qu’une telle protection soit dans leurs moyens ?

Quant aux mécanismes qui permettraient d’espionner n’importe qui par le biais des ordinateurs que vous et moi utilisons chaque jour, faites confiance aux éditeurs de logiciel : les outils nécessaires sont d’ores et déjà implantés et fonctionnels. Un simple analyseur de réseau suffit à démontrer à quel point nos outils informatiques peuvent être bavards…

On peut légitimement se demander pourquoi les Européens n’ont pas été en mesure d’écrire un système d’exploitation digne de ce nom; ils disposent de tous les composants nécessaires (souvent d’ailleurs repris par les américains ensuite). Linux, un excellent noyau qui pourrait servir de base stable (d’ailleurs utilisé pour Android de Google) a été écrit par un étudiant finlandais, Linus Thorvald. Il s’agit d’un noyau stable, mille fois plus performant que Windows et MacOS. Nokia (un finlandais aussi) avait le premier d’ailleurs écrit un système d’exploitation pour mobiles (Symbian, aujourd’hui abandonné). Certains constructeurs ont d’ailleurs joué avec l’approche Linux, comme le français ordissimo, par exemple. Les graphismes assez sommaires desservent malheureusement cet outil par ailleurs fort intéressant. C’est un fait que Apple a compris mieux que les autres : un bon design fait vendre un produit médiocre, et est de surcroît moins cher à développer tout en nécessitant moins d’entretien et de service après-vente. Et pour l’innovation, il suffit de racheter la bonne start-up avec le bon produit au bon moment. C’est peut-être à ce niveau que les Européens ont le plus de retard.

Et pourtant, lorsque l’on observe les capacités de développement disponibles en Europe, il semble qu’il devrait être possible de réaliser quelque chose de bien, et certainement mieux que l’existant. Simplement en Suisse Romande (c’est la région que je connais le mieux, mais à Grenoble, Londres, Rome, Barcelone ou Karlsruhe, on fait au moins aussi bien), nous avons l’EPFL et la HES-SO avec des informaticiens de pointe et des sites qui regroupent aussi des écoles d’art et de design; tout ce qu’il faut pour mettre sur pied un système d’exploitation qui serait réellement performant et élégant, contrairement à ces bidules traîne-savates qui nous viennent des Etats-Unis, venant d’éditeurs plus soucieux de maximiser leurs bénéfices que d’innover avec des produits performants. 

A quand un système d’exploitation (OS, Operating System) européen réellement performant ? Un OS dans lequel la sécurité serait d’emblée incluse sans nécessiter d’ antivirus qui ralentit inexorablement l’exécution des programmes. Un OS dans lequel la virtualisation du stockage (crypté, bien entendu) serait implicite, sans nécessiter d’ajouts comme dropbox ou autre cloud qui pompe des ressources supplémentaires et permet à des tiers d’accéder au besoin à nos données. Un OS qui procure une isolation réseau efficace en intégrant la virtualisation du réseau (une technique similaire à un VPN, Virtual Private Network) dans son noyau sans que l’utilisateur ait besoin de connaissances particulières pour en bénéficier. Un OS qui intègre la mobilité de manière transparente (mais de grâce pas comme Microsoft l’a tenté avec Windows 8 !!!), permettant de passer de son smartphone à son ordinateur de table puis à son téléviseur de manière naturelle. Ceci permettrait au grand-père d’utiliser une connexion vidéo genre skype à l’aide de sa télécommande de téléviseur pour dire bonjour à la petite-fille en Australie…

Quand ? Peut-être quand les circonstances économiques, politiques ou militaires obligeront les éditeurs à le réaliser… Espérons qu’alors, il ne sera pas trop tard…

 

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Transition énergétique…

Le nouveau et charismatique ministre français de la transition écologique, M. Nicolas Hulot, a lancé ces derniers jours quelques belles annonces; voici pour mémoire les plus spectaculaires :

  • Passer en dessous du seuil des 50% de dépendance de l’énergie nucléaire d’ici 2025 en France. Pour ce faire, il s’agirait de fermer jusqu’à 17 centrales nucléaires d’ici là. 
  • Fin de la vente de voitures à moteur à essence ou diesel d’ici 2040, avec le cas échéant une aide financière pour ceux qui devraient se ré-équiper le moment venu.
  • Neutralité carbone à l’horizon 2050, ce qui impliquerait que toute émission carbone serait compensée par une contre-mesure comme la plantation d’arbres, des technologies permettant de piéger le CO2, etc…
  • Projet de loi visant à interdire toute prospection de nouvelles ressources basées sur les hydrocarbures en France (les gaz de schiste étant tout particulièrement visés)

Toutes ces mesures sont éminemment louables, et doivent être prises; on peut en revanche se demander quel en sera l’impact réel sur le bilan écologique de la France, et accessoirement de la planète. 

Fermer une centrale nucléaire n’est pas une mince affaire; cela fait plusieurs années (Lionel Jospin, 1997) que l’on a décidé de « fermer » Superphénix à Creys-Malleville. AREVA, chargé du démantélement, y travaille depuis quelque temps déjà et pense en finir en 2024. On en sera alors probablement à plus de 2 milliards d’euros de frais de démantèlement pour 500’000 tonnes de déchets dont 100’000 radioactifs. Bon, Superphénix était une exception, seule installation à neutrons rapides jamais construite; mais lorsque l’on considère les chiffres de Chooz, centrale en cours de déconstruction, on se rend compte que les ordres de grandeur sont tout à fait comparables; de fait, il n’y a pas de « petite » centrale nucléaire. Mieux, le démantèlement de l’une n’implique pas que la suivante pourra être démantelée de la même manière; mais dans chaque cas, c’est une opération qui se déroule sur près de trente ans avec le concours de personnel spécialisé. Actuellement, six centrales sont en cours de « déconstruction » : Brennilis, Chooz A, Chinon A, Bugey A, Saint-Laurent A et Creys-Malville. Pour chacune d’entre elles, il a fallu mettre sur pied des stratégies en partie spécifiques; le terme de « déconstruction » préféré au terme de « démantèlement » est d’ailleurs révélateur : pour « déconstruire » une centrale nucléaire, il faut d’abord construire des installations qui permettront le démantèlement.

Alors, bravo à Nicolas Hulot pour le courage de proposer la fermeture de 17 centrales dans un pays aussi dépendant de l’énergie nucléaire que la France, mais on ne peut s’empêcher de se demander « Et après ? Que va-t-il se passer avec les centrales fermées ?  » Où trouvera-t-on la main d’oeuvre assez spécialisée pour « déconstruire » les 17 installations prévues, sans compter la quarantaine de réacteurs qui sera encore en activité à ce moment-là, mais parviendra gentiment en fin de vie. La même question se pose d’ailleurs dans tous les pays ayant des centrales nucléaires, Suisse comprise bien entendu… Maintenant, il est vrai que d’ici 2025, pas mal de choses peuvent arriver, y compris un changement de gouvernement en 2022…

Ne plus vendre de voitures à essence ou diesel ? Bon, d’ici 2040, on a le temps de voir venir; enfin certains d’entre nous. Et il y a encore 4 législatures d’ici là. D’ailleurs, il n’est pas certain que cette date soit vraiment optimiste : Volvo a d’ores et déjà annoncé l’arrêt de la fabrication de voitures entièrement basées sur le moteur à explosion en 2019. En réalité, un véhicule électrique est beaucoup plus simple à produire, permet des marges plus intéressantes, et techniquement est plus facile à commander. Le seul (très gros) problème est le stockage ou la production locale, et les récentes avancées dans ces domaines donnent à penser que Volvo est simplement le premier à annoncer un changement de technologie que tous les constructeurs vont adopter dans un très proche futur, d’autant que les réseaux de distribution se développent à toute allure. Donc, l’annonce de Nicolas Hulot est avant tout un effet de manches, même s’il a l’immense mérite de donner une impulsion et une justification supplémentaire aux constructeurs automobiles qui n’auraient pas encore eu le courage de pousser à fond le développement dans ce secteur.

La neutralité carbone est un objectif beaucoup plus flou, et qui demandera encore pas mal de recherche et de développement, probablement.  Peut-être Nicolas Hulot espère-t-il que les mesures d’économie suffiront ? Rien n’est moins sûr, car certains secteurs de l’industrie ne sont pas, et de loin, prêts à baisser notablement les émissions de carbone. Mais on peut effectivement mettre des incitations sérieuse à le faire pour les chauffagistes, les constructeurs d’avions, les constructeurs de poids lourds ou de machines de chantier, les constructeurs de machines agricoles, etc…

L’interdiction de prospecter ? Le territoire français ne dispose pas de ressources d’hydrocarbures notables, et la prospection de gaz de schiste y est peu répandue : c’est une interdiction qui ne rencontrera guère d’opposition; qui voudrait s’élever contre l’interdiction de faire quelque chose qu’il ne peut de toutes façons pas faire ?

En résumé, bravo à Nicolas Hulot pour ses déclarations; mais cela reste pour le moment, à mon sens, des déclarations qui n’engagent pas grand-monde dans l’immédiat. Comme disait un Suisse célèbre quoique francophone : « Le futur nous dira de quoi l’avenir sera fait ». Souhaitons vivement qu’il y ait un futur…

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