Douce France

Jeudi 18 septembre 2014, conférence de presse de rentrée à l’Elysée. Débat contradictoire sur France 2 dans la soirée.

J’aime la France. La diversité des régions, des caractères, des accents, des sensibilités… La beauté des paysages, montagnes, plages, collines, landes, forêts, marécages. Discuter avec un paysan de montagne autour d’une bouteille sur une terrasse dans la région de Sixt, se mêler à une conversation sur le vieux port pour se croire un peu dans un bouquin de Pagnol, traverser Sarlat pour se remémorer La Boétie, s’asseoir près d’un figuier de Barbarie à Sète pour se fredonner une chanson de Brassens, et tant d’autres ambiances que je n’oublie aucunement, mais qu’il devient vite fastidieux de citer.

J’aime mon pays aussi (même si je m’en gausse régulièrement), et ce n’est pas la France, même s’il partage une culture largement commune et des sensibilités proches. Certains de mes compatriotes n’aiment pas les Français. Chauvins, gonflés, méprisants, vulgaires et que sais-je encore… voilà les qualificatifs que j’entends parfois proférer au sujet des Français de la part de personnes par ailleurs pas complètement stupides. Mise à part l’idée que mettre un peuple de plusieurs dizaines de millions d’habitants sous un même qualificatif est en soi une hérésie dont la stupidité n’a d’égal que la confortable simplicité (à l’échelle de l’esprit de l’auteur sans doute), je ne parviens pas à comprendre une telle réaction autrement qu’en l’expliquant par l’ignorance et une réaction excessive à un certain sentiment d’infériorité.

Personnellement, je ne me sens pas inférieur aux Français. Ni supérieur d’ailleurs, dans la mesure où ce genre de notion a un sens dans un contexte aussi général. Il n’est qu’un domaine où je ne comprends pas les Français ; ce domaine fait régulièrement la une des journaux, c’est la gouvernance politique.

Voici plusieurs gouvernements que nous voyons se succéder à l’Elysée, et vu d’ici, du pays des Nains de jardin, j’ai l’impression d’assister à une inexorable dégradation de tout ce qui a fait la richesse et la puissance économique et culturelle de ce magnifique pays. Peu importe la couleur du gouvernement d’ailleurs : gauche, droite, même échec. Et c’est tout à fait à dessein que je ne parle pas de « même combat », car on a réellement l’impression qu’il n’y a plus de combat. Juste l’échec.

Bien sûr, on me reprochera de faire le lit de Marine ; c’est mal me connaître que de me croire capable de souscrire à des idées aussi nauséabondes ; d’ailleurs, nous avons chez nous des nains porteurs d’idées du même acabit, voyez Reblochon… Non, si Marine gagne la prochaine présidentielle, ça ne changera pas grand chose, à part une certaine mise à l’écart du pays par ses voisins, éventuellement jusqu’à ce que le néo-nazisme gagne d’autres pays d’Europe. Et mon pays de nains de jardin n’est pas à l’abri, tant s’en faut !

Mais revenons à notre sujet : les gouvernements majoritaires qui se succèdent sont à l’évidence un échec. Parce que vous croyez que si Nicolas Premier revient, ou que si Marine Première débarque, ou encore si François IV prend le pouvoir, tout va s’arranger ? Les indicateurs ne sont pas favorables, et si Nicolas Premier fait un meilleur score que François III, c’est simplement qu’il a moins la gueule d’un porteur de cerise. Vu de chez les Nains, c’est François-Modème Zéro qui semble avoir les meilleures chances de s’approcher d’une solution au problème de la descente aux Enfers du royaume de France. Le problème, c’est que c’est Zéro, justement. Il a juste aucune chance d’être élu. Encore un peu plus loser que François III, de loin moins « people » que Nicolas Premier, largement moins menteur que Marine Première… que lui reste-t-il en Cinquième République ? Les yeux pour pleurer. Et malheureusement, il semble que c’est aussi ce qui reste aux Français.

Alors quoi, une Sixième République, avec peut-être une représentation proportionnelle ? Je ne sais pas. Je n’ai jamais prétendu vendre des solutions, juste des élucubrations. Mais merde, les frouzes : sortez-vous les pouces du cul ! Et de grâce autrement qu’en vous mettant en grève, car c’est vrai que c’est une arme efficace pour imposer ses vues dans un contexte conflictuel; mais elle rend impopulaire, et pour ce qu’on a pu voir jusqu’ici, elle est inefficace à reconstruire un pays que je vois avec tristesse se dégrader de plus en plus. La prochaine fois que les représentants des partis TEKON, TATORT et JEREZON se mettent autour d’une table, ça serait sans doute intéressant pour plus d’un Français s’ils passaient du temps à réfléchir au lieu de s’engueuler.

Allez, les Frouzes, montrez-nous que la Révolution peut se faire encore. Montrez-nous que l’Europe, c’est pas que l’Allemagne. Et jetez un coup d’œil à la gouvernance des nains de jardin, il y a peut-être des idées à tirer… Mais aussi des erreurs à ne pas commettre…

Les besoins de Valérie

Valérie a fait un gros caca. Ça ne sent pas vraiment la rose, mais ça soulage ; enfin, on l’espère pour elle. La vengeance, ça sert à ça, mais il est rare que cela guérisse les plaies.

Être roi de France et se prénommer François semble impliquer une vie sentimentale quelque peu mouvementée. Rappelez-vous :

François 1er (1494-1547) a été atteint de la syphilis en 1524 ; malgré l’hygiène parfois douteuse de l’époque, on peut estimer que ce n’est pas sur la lunette des W.C. qu’il avait contracté la maladie. Non, François 1er était plutôt du genre « plusieurs femmes dans chaque château ». (Il disait : « Une cour sans femmes, c’est comme un jardin sans fleurs »). Et il avait beaucoup de châteaux, quand il n’en faisait pas construire de nouveaux. Comme quoi, au lieu de financer les arts et se faire construire une petite résidence secondaire à Chambord où il passa tout de même une quinzaine de jours, il aurait mieux fait de financer les sciences, la biologie en particulier pour inventer la pénicilline trois cents ans avant Pasteur : cela lui aurait fait plus d’usage.

François II (1916-1996) a fait fort lui aussi, puisqu’il a revisité le concept de l’épouse morganatique. Bon, tout le monde était au courant, mais les proches et les journalistes de l’époque avaient encore le respect de l’autorité établie et ne faisaient pas de déballage public. Ce n’est qu’en 1994, peu de temps avant le décès de François II qu’on apprit l’existence de Mazarine, sa fille naturelle.

Ce qui nous ramène à François III. Depuis le début de son règne, on pressent que ce monarque, c’est un peu Gaston Lagaffe, le côté comique en moins, le côté pathétique en plus. Il suffit de le voir présider une cérémonie quelconque sous une pluie battante pour se rendre compte qu’il porte la cerise. Et ce n’est pas parmi ses ministres (parmi lesquels l’ineffable ministre du « Redressement productif », ci-devant démissionnaire, celui-là même qui disait que le seul défaut de Ségolène c’était son compagnon François, justement) qu’il va trouver le soutien nécessaire.

Ceci dit, Valérie aurait pu éviter de frapper un ennemi à terre : ça manque de classe. Quand on est face à un gars qui bat tous les records d’impopularité, à quoi bon en rajouter une couche ? Notez que l’action est peut-être plus subtile qu’il n’y paraît : Valérie est en train de pulvériser les ventes de livres et va se faire un best-seller. Ça va lui faire plein de fric à déclarer aux impôts, et elle contribuera ainsi au redressement financier de la France. Mais bon, même en comptant la TVA, je doute un peu que cela soit suffisant pour remettre les finances de l’État dans le positif…

A la décharge de François III, mentionnons tout de même qu’il a dû succéder à Nicolas Premier (celui qui a réussi à faire croire à certains qu’on pouvait gagner plus en travaillant plus), et qu’il a remplacé au pied levé le putatif Dominique Premier (celui qui recrutait son cheptel chez Dodo la Saumure).  Avec un contexte pareil, tu es forcément marqué à la culotte (si je puis me permettre). Il est quand même étonnant de constater que les monarques français, de quelque bord qu’ils soient, manient avec tant d’aisance la tromperie et le mensonge. Un effet de leurs études quasi incontournables à l’ENA ?

Carlo Collodi avait imaginé un remède souverain contre le mensonge. Pinocchio avait le nez qui s’allongeait à chaque mensonge ; à ce taux-là, les compagnes des monarques français auraient eu meilleur temps, pour embrasser leurs compagnons sur les deux joues, de passer par derrière… ou de passer leur chemin, plus simplement. Et puis, les électeurs auraient rapidement su à quoi s’en tenir (enfin, ceux qui se font encore des illusions sur la politique en général). Cela aurait peut-être pu contribuer à résoudre un certain nombre de problèmes, non ?

Apple Event

Ça y est ! Apple a présenté l’Apple Watch le 09.09. « One more thing… » et c’était parti pour une nouvelle révolution technologique appelée à marquer le futur durablement (et accessoirement nos porte-monnaie, enfin pour ceux qui vont acheter le bidule ainsi qu’un nouvel iPhone pour être compatible). Pensez : une montre avec un remontoir ! C’est révolutionnaire, jamais vu, d’autant qu’il ne sert pas à remonter ! Elle pourra vous indiquer qu’un message arrive, que votre cœur bat encore (ça peut être utile, après tout, on est parfois si distrait…), probablement que vous ne devriez pas fumer autant (ça fait quand même un peu double emploi avec les textes sur le paquet de clopes), sûrement que vous bouffez trop de graisses, à tous les coups que vous devriez bouger plus, etc…

Bon, quant à moi, si un gadget se permet de me faire la leçon après un bon repas un peu arrosé avec des amis chers, je ne vais pas le garder longtemps à mon bras, mais c’est affaire de goût. D’ailleurs, il va falloir de toutes façons l’ôter du bras parce qu’avec ce qu’il consomme comme énergie, vaut mieux le garder sur son chargeur qu’au bras. Chargeur à induction bien sûr. Si vous portez un implant cardiaque genre pacemaker, méfiez-vous. Mais c’est vrai que si vous avez un implant, votre fréquence cardiaque ne doit pas vous intéresser, donc tant pis pour l’Apple Watch ou la Samsung Gear ou la LG Vatfervoir.

Paraît qu’elle pourra même fonctionner sans smartphone; presque comme une vraie montre quoi. Mais franchement, à ce prix, Swatch fait un peu mieux tout de même…

Question design, c’est comme d’hab. Lé-ché. Apple made, quoi. Apple, comme d’autres avant lui (Bang & Olufsen, par exemple) a compris cette vérité fondamentale: la technique, ca ne rapporte rien, c’est le design qui est important. Il est plus rentable d’investir dans le design quitte à proposer des technologies repiquées par ci par là, que de vouloir innover. Laissons les autres innover, ensuite on les rachète et on dit qu’on écrit l’histoire. Quitte à organiser un méga-show très design pour convaincre un public déjà acquis à ta cause que ce que tu fais est forcément génial. Résultat ? Une capitalisation record : en billets de mille dollars empilés, on arrive à fabriquer une tour de 60 kilomètres de haut avec la capitalisation de Apple Computers. Dubaï et Burj Khalifa (800 mètres de haut) ? Ri-di-cule ! Merci, aimables clients de Apple qui avez contribué à ce merveilleux édifice pour un ou deux millimètres (le prix de votre iPhone et de votre Mac, je pense).

Une question récurrente : qui voudra bien nous proposer des bidules qui font réellement ce qu’on serait en droit de souhaiter ? Des outils, quoi. Une montre toujours à l’heure et qu’il n’est pas besoin de remonter, qu’il ne faut pas recharger ou dont il n’est pas nécessaire de changer la pile. Qui m’indique l’heure qu’il est quand j’atterris à Washington, et pas l’heure qu’il est à Genève d’où je suis parti. Je suis utopiste ? Non. La technologie existe depuis la fin du vingtième siècle (1980, je pense) ; mais on y a très vite renoncé. Probablement trop efficace. Mais Apple nous sortira ça comme une révolution incroyable en 2018, j’en suis sûr, quand ils auront racheté Swatch Group et ses brevets. Mais là, ça leur sera compliqué de prétendre à une révolution, après Microsoft et Nokia ou Google et Motorola-Lenovo… Mais je leur fais confiance.

Il m’arrive de penser à un ordinateur qui s’éveille en 100 millisecondes, qui repart toujours dans l’état où on l’a laissé, qui tient dans une poche de veste, qui… Un vrai ordinateur, pas un xyzPad juste pour faire joli… Mais un ordinateur vraiment utile, on ne le verrait même pas : donc le design devient inutile. Inintéressant pour Apple et son armada de designers. Ainsi que pour les autres fabricants d’ordis…

Les initiatives de Reblochon

On a vu que Reblochon avait utilisé avec succès un outil à priori à vocation démocratique pour en faire une arme servant ses aspirations personnelles. Mais comment s’y est-il pris ? C’est ce qu’un politologue expert du monde des Nains de jardin (Dwarfland), nous explique ci-dessous, par le biais d’une recette sur la manière de composer une initiative populaire à succès.


 

Point 1 : Ne jamais mentionner explicitement l’objet réel de votre initiative.

Si vous voulez par exemple torpiller les accords passés avec un pays voisin ou une communauté d’États voisins, ne mentionnez surtout pas lesdits États voisins. Trouvez une entité plus floue, une communauté d’États qui n’aie pas une identité propre trop précise. Cherchez parmi les accords que vous désirez mettre à mal un point vraiment sensible, par exemple le droit mutuel de circulation et de travail entre les partenaires, et sur ce point sensible, cherchez tous les arguments réels ou fictifs qui pourraient être ressentis comme négatifs. Dans cette liste, cherchez les deux ou trois arguments qui sont susceptibles de faire peur. Ne choisissez pas des arguments trop pertinents, car vous aurez quelque peine à les manipuler à votre bénéfice (un argument pertinent risque d’être compris par vos électeurs). Prenons la simple méfiance des nains de jardin pour « ceux qui ne sont pas d’ici » :

    • Des gens qui viennent de l’extérieur prennent du travail aux gens d’ici. Moins de gens de l’extérieur = plus de travail pour les gens d’ici. Peu de nains de jardin (il y en a tout de même quelques-uns) sont réellement dans une telle situation, mais on en trouvera bien deux-trois pour témoigner (si possible devant des médias au cours de présentations savamment orchestrées), et les autres nains de jardin s’apitoieront pour ces quelques malheureux.

    • Il y a certainement des faits divers où des gangsters de régions voisines s’introduisent en Suisse pour commettre des délits et repartent ensuite ; ceci n’a rien à voir avec la libre circulation, mais pas mal de gens n’y verront que du feu et feront l’amalgame.

    • On trouvera bien quelques terroristes pour diaboliser les étrangers du dehors…

    • Il y aura sûrement des gens malintentionnés parmi les pouvoirs politiques extérieurs qui voudront du mal aux nains de jardin, par exemple en exigeant des restitutions d’argent pourtant durement gagné grâce aux efforts incessants des banques des nains de jardin.

 

Point 2 : Ne pas parler d’objectifs ou de but(s) à atteindre. Si vous ne l’atteignez pas (ce qui est d’emblée évident lorsqu’on parle politique où il y a autant de vérités que de vaches broutant les prairies du Pôle Nord), on vous le reprochera ; si par mégarde vous l’atteignez, tout le monde trouvera ça normal puisque vous l’aviez annoncé et on ne vous en saura aucun gré.

Soit, mais si vous n’avez aucun objectif à viser, comment orchestrer votre propos, me direz-vous ? Commencez par montrer que la situation actuelle est pire que « dans le temps ». Ça c’est facile, de nombreuses personnes en tomberont d’accord; en particulier tous les gens ayant dépassé la cinquantaine et qui souhaiteraient retrouver leur jeunesse passée. Et comme les nains de jardin ont une moyenne de population âgée… Et il est bien connu que la mémoire est sélective : on se rappelle plutôt les choses agréables (heureusement d’ailleurs).

Ensuite, accusez tous les autres acteurs politiques de la péjoration (probablement fictive, mais ceci n’a aucune importance) qui vous a amené à déposer une initiative populaire. Donc, les gens pensent que vous voulez revenir à une situation « d’avant », et beaucoup vont par nostalgie trouver votre démarche sympathique.


Point 3 : Dans le même ordre d’idées, ne jamais prétendre que vous allez améliorer quoi que ce soit ; utilisez une logique négative : vous allez faire en sorte d’éviter que la situation ne se dégrade trop. Si votre initiative a des effets vraiment délétères, vous pourrez toujours prétendre que ça aurait été bien pire si vous n’aviez pas été là.


Bon, ce n’est pas encore gagné : il faut maintenant que vous disposiez de gros moyens pour inonder Dwarfland de propagande, et ça n’est pas à la portée de tout le monde. Mais Reblochon possède clairement ces moyens et les exploite avec le succès que l’on sait…

Dans les années 1960-1970, un célèbre humoriste (Fernand Raynaud) présentait un sketch hilarant et prémonitoire (qui accessoirement prouve que la xénophobie n’est pas un phénomène récent et que l’on ne s’est guère amélioré avec le temps). Dans une région reculée de France, dans un village, débarquait un « étranger pas d’ici ». On se mit, par méfiance, à médire de cet étranger qui venait ici « manger le pain des Français », tant et si bien que l’on finit par chasser ce sale étranger qui « mangeait le pain des Français ». Ce n’est qu’après son départ que l’on s’apercevait que cet étranger qui « mangeait le pain des Français » était le boulanger… Et que du coup il n’y avait plus de pain au village.

Reblochon avec son initiative sur la libre circulation voulait restreindre le nombre d’étrangers qui prennent le travail des nains de jardin (il ne l’a jamais dit explicitement, en vertu du point 1 ci-dessus). A quand le patient qui décède à l’hôpital parce qu’on a chassé l’infirmière qui prenait le travail des nains de jardin ?