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i.A.g.

C’était vers 1976 environ; j’avais un diplôme d’ingénieur flambant neuf en poche et une expérience professionnelle nulle; je travaillais comme assistant à l’EPFL, et m’apprêtais à de long séjours en Afrique du Nord pour la coopération internationale. Un professeur d’université d’Allemagne de l’Ouest était venu donner une conférence dans les locaux de l’EPFL, et je l’avais abordé à l’heure de l’apéritif. Après un échange très intéressant (à vrai dire, surtout pour moi), il m’avait donné sa carte de visite que j’avais empochée sans prendre le temps de la lire attentivement.

Un peu plus tard, j’ai ressorti cette carte de visite, et, hormis les titres de « Doktor in angewandte Physik » ou « Professor in der Universität SoUndSo », j’ai remarqué, en bas à droite, les lettres « i.A.g.« . Je ne savais pas ce que cela signifiait, et je n’ai pas pris spécialement la peine de m’informer. Ce n’est que bien plus tard que, fortuitement, je me suis rappelé cette carte de visite, et me suis renseigné sur la signification de ce sigle cabalistique.  » i.A.g.  » était l’abréviation de « in Amerika gewesen » (est allé en Amérique).

C’était une époque où les Etats-Unis d’Amérique constituaient un véritable Eldorado pour les chercheurs et les scientifiques de tout poil. En 1975, il était plutôt rare de fréquenter une université américaine, alors on mentionnait simplement que l’on avait visité le continent nord-américain. Après 1980, il est devenu plus courant que de jeunes chercheurs aillent « faire leur doctorat » dans une université américaine, et souvent y restent d’ailleurs. On a vu fleurir les noms des universités en regard du titre sur les cartes de visite, genre « Docteur en Physique, M.I.T. ». Plus tard, dans les pays francophones et anglophones surtout, on a carrément remplacé le titre de docteur par l’acronyme « PhD (Philosophiae Doctor) » plus facile à caser sur une carte de visite, en regard du nom de l’université, et aussi plus « américain ».

Il n’y a pas si longtemps, l’un de mes collègues fraîchement engagé comme professeur à la HEIG-VD arborait sur sa carte de visite (en plus de l’adresse du domaine de son employeur) une adresse de courriel @berkeley.com pour bien souligner qu’il avait gardé des liens supposés étroits avec l’université où il avait « commis » son doctorat. On fait valoir la supposée excellence de sa formation comme on peut…

Pendant toute ma carrière, j’ai vécu les Etats-Unis d’Amérique comme la référence que l’on citait lorsque l’on avait besoin d’une caution scientifique. Ceux qui avaient pu fréquenter une université américaine se servaient de cette référence pour démontrer le sérieux de leur formation par des procédés parfois à la limite du ridicule. Aujourd’hui encore, les meilleures publications dans de nombreux domaines sont issues des universités américaines qui dominent les différents classements (rankings) mondiaux. Depuis 1950, les prix Nobel de physique, par exemple , sont dominés par des chercheurs américains. Les temps sont malheureusement en train de changer. La recherche fondamentale a besoin d’argent public pour fonctionner, car aucune industrie (sinon des mécènes par le biais de fondations) n’investirait dans une recherche aussi aléatoire et ayant une aussi faible probabilité de fournir des débouchés exploitables dans un délai permettant la rentabilité de l’investissement. Pourtant, c’est cette même recherche fondamentale qui a donné naissance aux semiconducteurs, à nombre de vaccins et médicaments, ou à de nouveaux matériaux ou alliages.

L’administration américaine a décidé de couper massivement dans les financements de la recherche, ce qui a amené le prix Nobel de physique 2025, John Clarke, à réagir. Nul doute que les universités américaines puissent tenir leur leadership encore pendant quelque temps en l’absence de financement public. La question est combien de temps. Dans de nombreux projets internationaux, les partenariats américains se délitent et nombre de projets -également en Europe- ont dû être abandonnés suite à la décision de l’administration Trump. Merci, Donald.

Ces projets internationaux, pourtant prometteurs, aujourd’hui abandonnés, méritent désormais d’être qualifiés par l’acronyme « i.A.g.« . Pour « in Amerika gestorben » (est mort en Amérique) bien sûr.

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Dystopie

J’ai adoré lire des romans de science-fiction, et j’apprécie toujours ce genre de littérature souvent tenue pour mineure. J’ai lu et relu les « Fondations« , « Dune » ou encore les romans atypiques de Philip K. Dick.

Dans ce genre de romans, les dystopies sont plutôt rares. Je rappelle brièvement ici qu’une dystopie est une vision particulièrement sinistre et négative, voire cauchemardesque de l’évolution d’une société. Mais il y en a de célèbres, à commencer par 1984 de George Orwell. ou le « Maître du Haut Château » de Philip K. Dick encore qu’on puisse débattre de ce qui constitue une dystopie ou une utopie, bien sûr.

Une dystopie est donc irréelle; mais j’ai l’impression que nous vivons actuellement une dystopie; ce qui bien sûr constite en soi un non-sens. L’administration américaine actuelle foule aux pieds tous les principes constitutifs de la démocratie américaine, de la Constitution qui leur a permis d’être élus. La justice continue à fonctionner, mais le gouvernement ne tient plus aucun compte de ses jugements, se bornant à virer tel juge qui a émis un verdict défavorable. Les médias continuent à effectuer leur travail, mais ils se voient retirer toute crédibilité par un gouvernement qui ne connaît d’autre vérité que celle qu’il réinvente à chaque minute. Les hôpitaux, dont certains comptent parmi les meilleurs du monde, fonctionnent en dépit du ministre de la Santé qui dénigre l’approche scientifique, les vaccins, et même parfois la médecine en général. Quelques-unes des meilléures universités du monde sont la cible d’attaques du gouvernement qui les rend responsables d’antisémitisme parce que leurs rectorats admettent que les étudiants puissent manifester leur opinion même si elle n’est pas représentative de celle du gouvernement. La NASA, fleuron de la conquète spatiale, se voit punie parce qu’elle privilégie une approche scientifique de l’étude de la planète Mars, alors que le président (et son complice intermittent Elon Musk) préfèreraient envoyer des hommes tout de suite, alors même qu’on doute qu’il soit possible de les en ramener en bon état avec les technologies à découvrir dans les dix prochaines années. Le président Trump désirerait se voir octroyer le prix Nobel de la paix, mais il coupe les financements à l’USAID, menaçant l’existence de millions de personnes, dont principalement des enfants. Le gouvernement affame les fermiers de l’Arkansas avec des taxes à l’importation censées enrichir les Etats-Unis; mais qu’à cela ne tienne, ces fermiers continuent à prier en attendant des jours meilleurs.

Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas la seule nation qui se distingue par un comportament de plus en plus irrationnel : en France voisine, deux des principaux partis politiques préfèrent laisser sombrer la nation dans le surendettement plutôt que d’envisager le mondre compromis avec ses adversaires politiques. A l’ONU, les nostalgiques de la défunte URSS, Poutine et Lavrov en tête, nient toute ingérence en dépit de l’évidence des faits. En réalité, ils nient tellement de choses que l’on se demande à quoi peut bien servir la Russie, car de l’aveu de ses propres dirigeants, elle ne fait strictement RIEN.

Et la Suisse, notre chère patrie, fait-elle tout juste ? J’ai quelques doutes à ce sujet, en vérité. Notre armée s’équipe de drones : malheureusement, ils ne fonctionnent pas en hiver, et il faut les faire accompagner d’un hélicoptère ou d’un avion pour qu’ils consentent à décoller. Elle va acquérir des avions d combat F-35 qui pourront traverser le pays en moins de 10 minutes : mais ces (très coûteux) monstres de technologies sont incapables d’intercepter des drones bon marché qui attaqueraient des cibles civiles ou militaires sur le territoire suisse. Malheureusement, on sait depuis la guerre en Ukraine que les drones constituent probablement la clé des prochains conflits armés. La Suisse possède un des ,meilleurs systèmes de santé du monde : mais il est très coûteux; et étrangement, la proportion du revenu consacrée à l’assurance maladie pour les cytoyens est inversément proportionnelle à ce même revenu. Moins tu gagnes, plus tu paies.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le caractère de plus en plus étrange et illogique des choses dans le monde; mais vous avez compris l’idée. Nous sommes en train de vivre le basculement de la société telle que nous l’avons connue dans un monde étrange et dystopique. Je ne suis pas certain que ce nouveau monde me plaise. En fait, j’aimerais bien avoir de nouveau vingt ans; mais dans ce monde qui se prépare, mon enthousiasme à cette perspective de rajeunissement est quelque peu tempéré.

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Langues « nationales »

Quelques cantons suisses alémaniques ont provoqué un vaste débat en supprimant l’enseignement du français à l’école primaire. La Suisse romande francophone a réagi de manière parfois indignée à l’idée que l’on puisse ne plus enseigner le français, la deuxième langue nationale du pays, et que l’on préfère l’enseignement de l’anglais. On a parlé d’atteinte à la cohésion nationale, quand on n’a pas fait usage de termes plus agressifs.

Je suis absolument en accord avec le fait qu’il faille faire un effort dans l’enseignement pour assurer une certaine volonté de cohésion nationale. Si rien n’est entrepris dans cette optique, il ne faudra pas très longtemps à un Zurichois moyen pour ne même plus se rappeler qu’il existe des régions reculées où l’on ne parle pas forcément le Züritütsch. et où il arrive que les gens lisent autre chose que la « Neue Zürcher Zeitung » ou la « Weltwoche ». Bon, je fais l’hypothèse optimiste qu’il existera encore des journaux papier en français d’ici là; soyons fous…

Je me demande simplement si par les temps qui courent, l’apprentissage d’une langue est la bonne manière d’intéresser les écoliers à l’existence de compatriotes barricadés si loin à l’Ouest, par-delà le « Röstigraben ». Moi-même je parle suffisamment correctement le suisse allemand pour faire (pendant un court moment) illusion par delà la Sarine. Mais cette maîtrise implique-t-elle vraiment que j’aie assimilé la culture de mes compatriotes germanophones ? Pas vraiment, si j’en crois mes lacunes culturelles pour ce qui concerne la Suisse alémanique. Oh bien sûr, j’ai eu l’occasion d’entendre parler de Jeremias Gotthelf et de quelques auteurs germaniques qui forgent l’environnement culturel de nos compatriotes alémaniques, mais pas forcément davantage que si j’étais resté étranger à la langue de Goethe.

Ce qui m’amène à me poser la question de manière très provocante : est-ce bien utile d’apprendre une langue nationale à l’école primaire ? Je sais que je vais en choquer plus d’un en Suisse romande, mais à l’époque où les téléphones mobiles proposent la traduction en temps réel, est-ce vraiment l’expression française qui permettra aux jeunes suisses alémaniques d’appréhender la mentalité et les différences culturelles des welsches ?

Je vous le concède, lire Voltaire ou Rousseau dans une traduction allemande n’a probablement guère de sens. Mais dans le cadre de l’école primaire, sensibiliser les jeunes à Brassens, Goldman ou Souchon ne serait-il pas plus productif que de leur inculquer de la grammaire et de l’orthographe qu’ils oublieront avant de faire le voyage de Lausanne pour encourager le hockey-club des Lions zurichois face aux Lions lausannois ? Marie-Thérèse Porchet serait-elle plus à même d’intéresser les jeunes écoliers à la culture française que le professeur de français ? Par comparaison, Emil Steinberger a su par le passé enthousiasmer les francophones pour l’humour alémanique. Et je me souviens que c’est le Bernois Stephan Eicher, avec « Hemmige » qui m’a fait découvrir le merveilleux artiste qu’a été le Bernois Mani Matter, et qui m’a donné envie de lire ses textes originaux à la fois drôles et profonds.

En conclusion, l’abandon du français à l’école primaire par des écoliers zurichois ou thurgoviens ne me choque pas outre mesure. A condition que l’on remplace l’étude de la langue par une approche des différences culturelles qui constituent la Suisse francophone (et aussi italophone, n’oublions pas nos chers compatriotes au sud du Gothard), à travers les manifestations artistiques, et les sensibilités politiques divergentes.

Mais là, en revanche, ce n’est pas gagné.

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Plus d’eau !

Je m’apprêtais à passer un week-end agréable en forêt, dans la maison des Monts sur Bex. En arrivant, après avoir posé les bagages et effectué les quelques gestes quasi rituels de l’installation dans la maison, je veux emplir la casserole d’eau…. Plus rien, à peine un filet évanescent au robinet de la cuisine.

Je me rends vers le système de surpresseur qui amène l’eau de citerne vers les divers robinets, et je me rends compte que le surpresseur tourne probablement depuis une boinne semaine sans discontinuer, sans rien pomper que de l’air, et produire de la chaleur. La note d’électricité du mois sera respectable, je suppose !

Après avoir débranché le surpresseur, je vais examiner la citerne de stockage d’eau de ruissellement; une opération pas forcément aisée, le couvercle est très lourd et malaisé à soulever. Mais le verdict est impitoyable : la citerne est vide. Pour quelque raison que ce soit, la citerne s’est vidée, soit parce qu’elle n’était plus alimentée par les pluies, soit parce que la consommation s’est trouvée excessivement impactée, par exemple par une chasse d’eau incorrectement fermée (c’est déjà arrivé par le passé).

Peu importe finalement la raison, ce n’est pas mon propos ici. Nous sommes samedi matin, on ne pourra pas amener de l’eau avant lundi; il va falloir vivre sans eau courante pendant le week-end, avec une citerne de réserve accessible par un seul robinet, situé dans la buanderie, une citerne que l’on n’utilise plus actuellement que pour l’arrosage des plantes.

Je ne vous raconterai pas les innombrables fois où l’on actionne en vain un robinet pour se rincer les mains, où l’on tire inutilement la chasse d’eau après le soulagement d’un besoin conséquent, où l’on peste parce que le seau d’eau que l’on porte jusqu’aux toilettes pour le rinçage heurte une porte et se renverse en partie sur le sol de la cuisine. La déception de ne pas pouvoir prendre une petite douche après un effort ou un travail salissant. Refaire la vaisselle à la main, dans une petite cuvette devant la cuisine, avec le peu d’eau chaude que l’on a pu chauffer dans une marmite trop petite.

J’avais déjà vécu ce genre de situation; mais j’étais beaucoup plus jeune, et c’est surtout ma maman qui avait dû gérer la problématique du manque d’eau pour la vaisselle, la lessive, la cuisson, les toilettes. On ne se rend pas toujours compte de l’utilisation de l’eau que nous faisons par jour; en Suisse (et dans les pays occidentaux, à quelques nuances près) , on estime à environ 140 à 160 litres d’eau par personne et par jour la consommation moyenne (sans tenir compte de l’eau virtuelle consommée pour implémenter les services et les biens importés qui monte l’addition à plus de 4200 litres). Ce qui fait une petite vingtaine de seaux d’eau de 10 litres pas trop remplis à convoyer depuis le point d’eau vers le point de consommation.

Bon, le temps passé à porter de l’eau n’est pas passé sur les écrans des réseaux sociaux. Il faut bien reconnaître que la situation dans laquelle je me suis trouvé constitue juste un modeste inconfort; mais c’est un désagrément suffisamment significatif pour perturber quelque peu nos habitudes de riches, de personnes avides de confort. Et puis, on se met tout doucement à penser à la valeur de l’eau. Cette eau que la société s’ingénie à purifier et à rendre consommable et dans laquelle nous faisons nos besoins.

Ensuite, on pense à ces gens vivant dans un pays en guerre, ou dans des régions désertiques, ces gens qui n’ont pas accès à l’eau, potable ou non. Ou qui doivent parfois mettre leur vie en péril pour quelques litres d’eau que l’on espère pas trop insalubre. Au Sahel, à Gaza, dans certains villages d’Ukraine peut-être. La cyberguerre et les F-35 paraissent soudain tellement dérisoires face à la menace que laisse entrevoir le réchauffement climatique (encore lui !) et qui paraît ultime : plus d’eau ! On se dit que, à la lumière des projections des climatiologues, et au vu des actions (?) entreprises pour remédier au changement climatique occasionné par notre société, le problème de raréfaction de l’eau pourrait bien gagner nos contrées privilégiées dans un avenir probablement moins lointain qu’on ne le souhaiterait.

Trump, Poutine, Netanyahou et les autres cafards sanguinaires et égocentriques qui entendent régir le monde à leur aise paraissent soudain si vains devant cette menace : Plus d’eau.

A quoi bon se battre pour ou contre la démocratie, alors qu’aujourd’hui déjà, de nombreux peuples doivent composer avec une réalité autrement cruelle : Plus d’eau !

C’est lorsque l’essentiel manque que l’on prend conscience de la véritable importance des choses.

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Euro Computer

Je me suis rendu compte récemment que j’utilisais le système d’exploitation Windows depuis pas mal de temps, et j’ai eu la curiosité de répertorier les applications que j’utilisais réellement. Le bilan est étonnant : parmi les applications que j’utilise couramment, il n’y en a que deux qui ne peuvent pas s’exécuter sans le système d’exploitation de Microsoft. L’une de ces applications est un jeu de stratégie d’un âge canonique, l’autre est un logiciel de traitement de photographies au format brut (RAW) édité par la société DXO, PhotoLab.

Toutes les autres applications que j’utilise sont des applications Open Source qui fonctionnent aussi bien, voire parfois mieux que les applications natives de Microsoft, en tous cas pour l’usage que j’en fais. Si l’on prend le traitement de texte, par exemple, hormis les fonctions de publipostage vraiment remarquables de Word, les fonctionnalités que propose un logiciel comme writer de la suite LibreOffice sont comparables et parfois nettement meilleures (comme l’indexation du texte, ou les documents multifichiers). Ceci ne signifie pas qu’un professionnel peut sans autres passer de la suite Office à une suite LibreOffice; mais il est tout à fait possible de réaliser un travail comparable avec une base de logiciels libres dans un contexte de bureautique.

Dans le cadre du traitement d’images, The Gimp est un outil probablement moins connu et plus difficile d’accès que le logiciel incontournable des photographes, Photoshop de la société Adobe, mais là encore, on peut réaliser la très grande majorité des effets proposés par Photoshop avec le logiciel libre The Gimp.

J’ai discuté avec la société qui édite le logiciel qui me maintient sur Windows, la société française DXO. Ils ne peuvent pas -je m’en doutais bien- porter leur logiciel sur un système d’exploitation Open Source comme Linux. Il y a des raisons commerciales qui font qu’il est malaisé de faire payer des licences d’utilisation à des utilisateurs de logiciels libres; or, DXO vit grâce à la vente de licences; leur modèle commercial ne fonctionnerait pas avec une distribution gratuite, bien sûr. Mais ceci est un problème qui peut être résolu en temps utile.

Mais il y a un problème plus complexe à résoudre, c’est le caractère disparate des distributions Linux existant de par le monde, avec des versions de noyaux très diverses, ce qui rend l’écriture d’applications pouvant fonctionner sur toutes les variantes très difficile. Plus grave encore, les pilotes de périphériques ne sont pas forcément portés sur Linux par les fabricants d’appareils, et le portage (quand un tel portage existe) est souvent le fait de bidouilleurs qui publient un bricolage insuffisamment testé et souvent fonctionnellement incomplet, pour ne rien dire de la documentation associée souvent inexistante.

Pourtant, l’Europe tient là une occasion de se rendre largement indépendante des géants de la tech américains, et à relativement peu de frais. Il suffirait de définir une distribution Linux, et un environnement de bureau associé (comme KDE, pour ne citer que celui-ci) et d’en faire une distribution officielle européenne (appelons-la UE/OS): on réunirait une équipe qui se chargerait de mettre en place un service de distribution officiel, qui aurait aussi pour tâche de répertorier, tester et distribuer tous les pilotes de périphériques possibles. Dés lors que la suite logicielle est stable, les éditeurs n’auraient plus de raisons techniques pour ne pas porter leurs applicatifs vers la plate-forme européenne. La gratuité du système d’exploitation pourrait être maintenue : il n’est pas prohibitif, pour un ensemble d’états comme l’Europe, de fournir à ses administrés un service informatique cohérent payé par les impôts de ces administrés, même si cela peut choquer certains partisans de l’ultralibéralisme et du « moins d’Etat » à tout prix.

Il y aurait probablement quelques développements à effectuer pour rendre le système plus convivial, notamment dans l’administration et la mise à jour d’applications; mais c’est là un investissement relativement modeste comparé à la somme payée par les Européens en termes de licences Windows, système d’exploitation généralement préinstallé sur les nouveaux ordinateurs, et qu’il faut payer à nouveau lorsque l’on change de modèle.

Ce système d’exploitation européen pourrait bien entendu coexister avec Windows ou MacOS; des ordinateurs made for Europe pourraient inclure d’emblée et sans surcoût, en plus de UE/OS, un gestionnaire de machine virtuelle autorisant l’exécution de plusieurs systèmes d’exploitation sur la même plate-forme en quasi simultanéité et de manière suffisamment transparente pour ne pas perturber l’utilisateur lambda.

Le prix à payer pour les équipes de maintenance et de développement de ce système serait largement compensé par la réduction progressive du nombre de licences payées aux éditeurs de logiciels américains. Quant aux éditeurs de logiciels qui dépendent des licences vendues pour exister (comme DXO, justement), il y a sûrement un modèle de licence à définir pour que ces sociétés puissent continuer à vendre leurs licences sur UE/OS, même si ce dernier reste Open Source et gratuit.

Les apôtres de l’ultralibéralisme vont bien sûr crier à l’ingérence excessive de l’Etat, arguant que la distribution de logiciels et l’installation d’un système d’exploitation ne saurait être gérée que par des privés. Mais je note toutefois que

  1. Un système d’exploitation est. à l’âge numérique, une ressource de base; la société civile a besoin d’un gouvernement et d’une autorité pour organiser la coexistence et appliquer les règles votées par les citoyens ou leurs représentants. C’est exactement ce que réalise un système d’exploitation dans le monde numérique, Il n’est donc pas dénué de sens de confier cette tâche à une organisation étatique.
  2. Un ordinateur personnel manipule des données sensibles, qui actuellement peuvent être localisées un peu n’importe où dans le monde; protéger les données des utilisateurs est aussi une tâche importante qui ne devrait pas être confiée à n’importe quelle société basée on ne sait où.
  3. La cybercriminalité est en forte hausse, et il est plus que probable que la cyberguerre est d’ores et déjà en cours, même si tout le monde n’en a pas encore pris conscience. Protéger les utilisateurs contre les menaces est une des missions du gouvernement. Le protéger contre les cyber menaces par le biais d’outils sécuritaires installés nativement dans le système d’exploitation est certainement plus efficace et moins coûteux que -un exemple vraiment pris au hasard- acquérir des avions de combat.
  4. L’ultralibéralisme ne constitue pas à mes yeux un modèle exemplaire à suivre absolument. Bill Gates, Tim Cook, Sundar Pichai ont réalisé des fortunes indécentes en vendant -entre autres- des systèmes d’exploitation. Voulons-nous vraiment rendre ce genre d’ individus encore plus riches qu’il ne sont ?
  5. La cyber dépendance de l’Europe est presque totale. Si un jour un gouvernement américain, après une saute d’humeur, décide de taxer lourdement les utilisateurs non américains pour l’utilisation de logiciels vendus par des société américaines, il en a théoriquement le pouvoir. Ce serait peut-être une bonne idée que de réduire cette dépendance numérique.

Qui aurait le courage de prendre la décision de lancer l’initiative de quelque chose comme UE/OS ? Des universités et des groupes d’informaticiens enthousiastes ont essayé, mais faute de professionnalisme et en raison de l’inertie du monde des affaires, ils n’ont pas réussi. La gendarmerie nationale française a déployé – initiative intelligente – GendBuntu sur plus de 70000 postes de travail, montrant que ce n’était pas impossible, mais pas forcément facile non plus. L’Union Européenne -qui à mon humble avis est la seule institution politique habilitée à prendre une telle décision- aurait-t-elle le courage de lancer une telle initiative après les problèmes rencontrés avec l’administration Trump ?

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L’idiot utile

Tout le monde a bien sûr suivi cette parodie de réunion au sommet entre le président de la Russie et le président des Etats-Unis à Anchorage, le 15 août 2025. L’ Américain Trump annonçait un cesser le feu rapide (en l’absence de l’un des deux belligérants !), avec des menaces de sanctions très graves envers le Russe de Poutine si aucun accord dans ce sens n’était trouvé. Résultat des courses, du point de vue de l’observateur lambda que je suis : Pas de cesser le feu, rencontre écourtée (Vladimir Poutine avait peut-être oublié de fermer le gaz chez lui en partant ?) et sans aucun résultat publié, et un discours totalement différent après cette pseudo-rencontre de la part de Donald Trump qui à oublié les sanctions promises, et semble rejeter à nouveau la responsabilité de ce conflit sur l’agressé, en l’occurrence le président ukrainien Volodymir Zelenski, non convié à cette réunion.

Bien sûr, on a pris l’habitude de l’incohérence et des sautes d’humeur de Trump; mais ce genre de volte-face a un goût de déjà vu. Un peu comme s’il suffisait que Poutine hausse le ton pour que Trump modifie son discours pour le rendre plus favorable à l’agresseur russe.

On a assisté ensuite au Trump Show qui a convié Zelensky à Washington – et où les dirigeants européens se sont invités -pour parler de paix pendant que les drones et les missiles continuaient de pleuvoir sur le terrain, en Ukraine. On a même décidé d’une réunion entre Poutine et Zelensky, et peut-être Trump, voire plus si entente pour conclure un accord de paix. Toujours du point de vue de l’observateur lambda que je suis, parler d’accord de paix alors qu’il semble impossible de simplement parler de cesser le feu me paraît quelque peu incohérent. Mais apparemment, c’est ainsi que fonctionne la politique, du moins quand il s’agit de Donald Trump.

Une chose est sûre, c’est que cela permet à Poutine de gagner du temps, et que cela occupe ses adversaires pendant qu’il continue à envoyer des missiles et des drones sur les Ukrainiens. Dans cette configuration, Trump joue le rôle de l’idiot utile. Il fait ce que l’on lui dit de faire comme si c’était de sa propre initiative, alors que toutes ses actions sont en réalité dictées par celui qui tient les fils de la marionnette : le président russe Vladimir Poutine. Le rôle évident de la Russie dans l’élection de 2016, ainsi que les nombreux financements russes ayant évité la banqueroute à Donald Trump contribuent à étayer ces soupçons. Car il est rare, en politique comme ailleurs, que ce genre d’aides soient désintéressées. Il n’est pas impossible qu’en l’état, le président américain doive rendre des comptes à son homologue russe, et que la conférence au sommet d’Anchorage n’ait finalement été qu’une manière spectaculaire pour Poutine pour donner ses directives.

En l’état, je ne pense pas qu’il y aura une réunion Zelensky-Poutine, ni à Genève (dans un pays jugé inamical entouré des armées de l’OTAN) ni à Moscou, d’où il n’est pas du tout sûr que Zelensky ne revienne. Ni à Abu Dhabi ou Istanbul d’ailleurs, car il faudra auparavant discuter des modalités, des objectifs et des conditions de part et d’autres, et cela prendra beaucoup de temps. Comme aucun cesser le feu n’est envisagé pour le moment, on pourra continuer pendant tout ce temps à joyeusement massacrer des civils et faire tuer des soldats pour la plus grande gloire de la Sainte Russie. En temps utile, on prétendra que les pourparlers n’avancent pas en raison de la rigidité des positions de l’autre, et on reviendra à la case de départ, où l’idiot utile de Washington pourra de nouveau être mis à contribution.

Mais Donald Trump, de son côté, dispose aussi de quelques idiots utiles : je ne vais pas me livrer ici à une énumération fastidieuse, mais ces derniers temps, on a assisté à une prestation assez déplorable de la diplomatie suisse vis-à-vis des Etats-Unis. De facto, la Suisse est devenue l’idiot utile des Américains. Le fait qu’elle ne soit pas tout à fait la seule ne constitue pas une consolation; le Liechtenstein (incidemment partenaire de l’Espace Economique Européen) ne subit pas la même punition que la Suisse, et pourtant il n’a même pas acheté – à prix fixe – des avions de combat F 35 aux Etats-Unis.

Mais peut-être que je me trompe; Donald Trump considère sûrement la Suisse (comme beaucoup d’autres d’ailleurs) comme un idiot; mais « utile » ? Probablement pas.

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La guerre ? Pas chez nous.

Imaginons un instant le scénario suivant : Une équipe de gens masqués, lourdement armés attaque un hôpital et met hors service tous les équipements sans que personne ne réagisse. Il s’en va ensuite, en laissant l’hôpital dans l’impossibilité de fonctionner, sans que personne (police, autorités, armée) ne daigne intervenir, voire même se déranger pour essayer de réparer les dégâts.

Que penser des autorités du pays où se déroulerait une telle action ?

Je pense que les qualificatifs les moins virulents qui viennent à l’esprit seraient « Incompétence », voire « Impuissance », ce qui implique l’imprévoyance.

Et pourtant, ce genre de scénario se répète plusieurs fois par mois en Suisse et dans nos pays voisins, dans des PME, des entreprises de services, ou dans des services publics comme les hôpitaux, justement Il s’agit d’attaques dites de « ransomware » ou de « rançongiciels » menées par des groupes spécialisés dans les cyberattaques. Ces attaques mettent souvent hors service l’intégralité des infrastructures de réseau et informatiques d’une entreprise, et même un redémarrage à partir de sauvegardes parfaitement coordonnées coûte souvent aussi cher à l’entreprise que le paiement de la rançon exigée. Une PME ou un service victime d’une telle attaque n’a souvent aucun interlocuteur valable vers lequel se tourner pour obtenir de l’aide, la police se déclarant incompétente, et les autorités fédérales se contentant de prendre acte de cette attaque informatique, faute de moyens de riposte ou même d’investigations. Il y a bien un office fédéral pour la cybersécurité, mais selon l’expérience de plusieurs PME ayant été victimes de ce genre d’attaques, cet office ne propose aucune assistance aux victimes, et n’a aucun moyen de poursuivre les agresseurs pour les réduire à l’impuissance ou les traîner devant la justice.

Ces agresseurs sont fortement soupçonnés d’être encouragés dans leurs actions par certaines puissances étrangères qui voient les démocraties occidentales comme un sérieux inconvénient à leur soif de pouvoir et d’hégémonie. D’aucuns n’hésitent pas à dire que l’Occident est d’ores et déjà en guerre, mais que les gouvernements n’en ont pas encore pris pleinement conscience. La cyberguerre est une réalité, et elle ne s’arrête pas aux attaques par rançongiciel, mais inclut la désinformation par le biais des réseaux sociaux et du mensonge tellement répété qu’il en devient une réalité, même pour les systèmes d’entraînement des intelligences artificielles.

L’Occident est d’ores et déjà en guerre; mais la plupart des habitants n’en a pas encore pris conscience. Des milliers d’attaques informatiques, menées par des hackers résidant en Russie, en Corée du Nord ou d’autres pays aux visées similaires affaiblissent nos industries, menacent nos infrastructures et sapent nos capacités de fonctionnement et de développement sans que nos autorités n’investissent particulièrement dans le secteur de la sécurité informatique, sinon en fondant de vagues départements au nom pompeux mais qui ne disposent d’aucun pouvoir et d’aucun moyen réel d’intervention. Mieux, nos systèmes informatiques que nous utilisons tous les jours sont tous d’origines américaines, et la mise à jour -voire parfois le fonctionnement – de ces systèmes dépend grandement du bon vouloir d’un gouvernement qui ne s’embarasse guère des promesses données ou des contrats signés. Que se passerait-il si l’accès au cloud de Microsoft ou Apple venait soudain à être bloqué ? Ou si le démarrage de Windows – après une Nième mise à jour du système d’exploitation – n’était soudain plus possible ?

Plutôt que d’acquérir des drones qui ne fonctionnent qu’en été ou des chasseurs F 35 dont le prix est incertain et le fonctionnement lié au bon vouloir du War Cloud américain (programme JWCC), ne devrait-on pas se préoccuper davantage et de manière plus urgente de notre indépendance et notre sécurité numériques ?

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Un monde de cafards…

Au cours de mon existence, j’ai souvent eu affaire à des insectes que l’on qualifie de nuisibles. Cafards, blattes, asticots; bien sûr ils ne sont pas vraiment nuisibles, car ils remplissent un rôle dans la diversité écologique. Les asticots, par exemple, permettent d’accélérer le processus de décomposition d’un animal et de recycler efficacement les protéines d’un cadavre. A défaut d’être ragoûtant, le mécanisme a le mérite de fonctionner. La blatte de jardin participe à ce mécanisme : elle se nourrit de cadavres et contribue de ce fait aussi à assainir notre environnement.

Il est plus compliqué de justifier l’existence des cafards (ou blattes) domestiques. Attirées par la nourriture ou les déchets ménagers, ce sont de véritables parasites qui peuvent poser de sérieux problèmes dans un habitat, même si celui-ci demeure d’une propreté tout à fait correcte. Je me souviens avoir eu affaire aux blattes lorsque je travaillais en Afrique du Nord : toutes les maisons étaient infestées de cafards; même les baignoires des meilleurs hôtels devaient être soigneusement examinées et rincées avant toute utilisation. La nuit, allumer la lumière de la lampe de chevet avait pour effet de provoquer un léger bruissement de milliers de petites pattes fuyant la lumière… Ce sont ces expériences qui permettent de relativiser l’inconfort relatif de certaines cabanes de montagne.

Il me semble aujourd’hui que les cafards, ou blattes domestiques, probablement inutiles à l’écologie, loin d’être éradiqués, ont pris l’ascendant sur le monde prétendûment civilisé des humains. Nous sommes, me semble-t-il gouvernés par des cafards. Que l’on en juge plutôt :

  • Il y a le cafard de Washington, qui se repaît de dollars, surtout des dollars des nécessiteux d’ailleurs. Après avoir coupé à la tronçonneuse dans les budgets de l’USAID et du Programme Alimentaire Mondial, en mettant en danger de millions de vies humaines dans le monde, il veut taxer les médicaments de 200% à l’entrée aux Etats-Unis, mettant ainsi en danger des milliers de personnes dans son propre pays, dépendantes de médicaments venant de l’étranger, et ne pouvant plus se payer des produits pourtant indispensables à leur propre survie.
  • Il y a le cafard de Moscou, qui se repaît de cadavres, de préférence ukrainiens et russes. Pour agrémenter ses repas, ce sinistre cafard a eu l’idée d’entraîner ses pilotes de drones sur des civils, à Kherson, surtout des vieillards et des enfants, ça court moins vite. C’est comme un jeu vidéo avec différents niveaux de difficulté : les vieillards, c’est le niveau le plus facile, alors que les militaires, c’est plus difficile.
  • Il y a le cafard d’Israël, assez similaire à celui de Moscou, mais proche de celui de Washington; ce dernier l’aide efficacement au besoin. Il aime bien l’odeur des cadavres aussi, et si ces derniers sont civils, il ne s’en formalise pas outre mesure. Il est en lutte aussi avec les cafards islamiques, dont certains financent de célèbres équipes de football en Europe et ailleurs : il paraît que cela fait bien dans le paysage..
  • Et que dire du cafard chinois, qui n’en dit guère, mais attend patiemment que les autres cafards s’entre-déchirent pour profiter du charnier résultant ?
  • Et comment qualifier les divers cafards européens qui profitent des financements de l’Union Européenne, mais qui fricotent ouvertement avec le cafard de Moscou ?

On pourrait citer d’autres exemples; malheureusement, nous semblons désormais gouvernés par des cafards. Mais ce qui est désespérant, c’est que certains de nos dirigeants occidentaux que l’on croyait pourtant loin de la nécrophagie propre aux cafards, n’hésitent pas à s’agenouiller face à ces horribles insectes nuisibles pour obtenir des concessions qui, à supposer qu’elles soient accordées, pourront être invalidées immédiatement si tel est le bon plaisir du cafard. Il y a même des exemples patents dans l’enceinte du gouvernement helvétique. Sans avoir cherché trop précisément dans le bâtiment du Palais Fédéral, je peux affirmer qu’il contient aussi des cafards, et non des moindres.

Nous sommes environnés et bientôt envahis d’insectes nauséabonds et nuisibles; je me demande s’il est encore temps de réagir.

Comment en est-on arrivé là ?

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Pour un sourire…

Je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin.
(Henri de Toulouse-Lautrec)

Je n’ai jamais abusé de l’apéro. Il a toujours été consentant.
(Père Turbé, curé à Juliénas, Rhône)

On ne prête qu’aux riches, et on a bien raison, parce que les autres remboursent difficilement.
(Tristan Bernard)

Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir.
(Pierre Dac)

Quand on ne travaillera plus les lendemains des jours de repos, la fatigue sera vaincue.
(Alphonse Allais)

Ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique : ce ne peut être que par erreur qu’ils ont reçu un cerveau, une moelle épinière leur suffirait amplement.
(Albert Einstein)

L’alcool est dangereux, c’est un ennemi; mais les gens courageux n’hésitent jamais à affronter l’ennemi.
(Père Nissieux, prieur à Saint-Emilion (Gironde))

Pourquoi ces quelques citations à priori absconses ?

Le primate de Washington Donald Trump est en train de démanteler tous les acquis démocratiques aux Etats-Unis, et détruire tout l’Etat social mis en place depuis Franklin Delano Roosevelt en 1938 avec le New Deal; Poutine agresse des Etats souverains et assassine des populations; Benyamin Netanyahou est en train de raser Gaza, Israël et l’Iran échangent des missiles en guise de cadeaux empoisonnés; des conflits oubliés (Somalie, Soudan) font des milliers de morts dans le monde; des catastrophes naturelles magnifiées par le réchauffement climatique dévastent des régions autrefois florissantes (Lötschental, par exemple): la forêt canadienne brûle…

Pas beaucoup d’occasions de rire en ces périodes troublées…


Si l’une ou l’autre de ces citations a pu vous faire esquisser un sourire, alors cela en valait la peine.

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Le théorème de la mésange

C’était un de ces dimanches pluvieux où l’on peine à s’extraire du lit, et où l’on écoute distraitement la radio en attendant de prendre le courage de faire les quelques pas qui nous séparent de la douche. L’émission diffusée concernait le jardinage, et un professionnel répondait patiemment à une auditrice qui cherchait à se débarrasser d’insectes nuisibles (ou considérés comme tels) dans son carré de jardin. Sa question portait sur les produits pesticides à utiliser; mais la réponse du professionnel ne fut pas celle qu’elle attendait, car celui-ci lui conseilla de placer un nichoir à mésanges dans un coin de son jardin.

J’ai depuis repensé à cette réponse, et elle me semble très judicieuse. En effet, un couple de mésanges détruit jusqu’à 500 chenilles ou larves d’insectes par jour en période de reproduction, environ 300 en période normale. Tout ceci sans polluer le sol, gratuitement, et en respectant les insectes « utiles » comme les abeilles et autres pollinisateurs. On peut donc légitimement se poser la question : pourquoi utiliser encore des pesticides ?

Il est vrai que la mésange a aussi quelques exigences. Elle n’aime pas trop se déplacer en terrain découvert, car elle a des prédateurs, comme l’autour des palombes par exemple, qui n’en feraient qu’une bouchée. Et puis, il y a la fatigue qu’engendreraient des va-et-vient trop longs pour nourrir les oisillons. Elle tend donc à restreindre son terrain de chasse à un espace grossièrement circulaire autour de son nichoir. Elle aime aussi à ce que son nichoir soit situé dans un bocage, ou un fourré, à l’abri du soleil ou des grosses intempéries; et bien sûr, qu’il soit difficile d’accès aux chats, fouines ou autres prédateurs. Mais hormis ces conditions somme toutes assez compréhensibles, elle s’avère être un redoutable régulateur de la population d’insectes dans le périmètre qu’elle couvre autour de son nichoir. Ceci m’a amené, au cours d’une réflexion oisive, à formuler l’énoncé du théorème de la mésange, Tout espace circulaire d’un rayon R donné situé autour d’un nichoir de mésanges est protégé des insectes nuisibles et ne nécessite donc pas d’ajout de pesticides. Selon ce théorème, il suffirait donc de placer des nichoirs à mésange de manière judicieuse pour protéger efficacement et gratuitement un champ de dimension arbitraire. Corollairement, un endroit situé en dehors de ces espaces protégés nécessiterait l’emploi de pesticides.

Sur le croquis ci-dessus, on a représenté en jaune un champ et trois nichoirs à mésange disposés arbitrairement sur les abords du champ; les zones orange représentent les zones protégées par la mésange et les zones vertes des zones de bocages, haies ou taillis donnant la protection nécessaire aux nichoirs. Si r est le rayon d’action de la mésange, alors un calcul simple nous indique que le champ ne doit pas avoir une largeur de plus de 1.5*r, et il faut disposer les nichoirs alternativement de chaque côté du champ à une distance d approximative de 0.7*r. Ainsi, selon le théorème de la mésange, le champ est protégé des insectes indésirables, sans utilisation de pesticides.

Mais dans la réalité, beaucoup d’agriculteurs ont privilégié la vision de l’industrie agro mécanique, qui propose des machines de plus en plus volumineuses, qui s’accommodent mal de champs aux dimensions restreintes : les haies ne sont pas souhaitables, et il faut donc, selon le corollaire du théorème de la mésange, protéger les récoltes par des moyens phytosanitaires, des pesticides. L’usage de pesticides éliminera les insectes, mais éloignera aussi les mésanges, puisqu’elles ne trouvent plus de nourriture, ce qui ne constitue pas un cercle vertueux. De plus, ces machines et ces produits coûtent beaucoup d’argent, et nombre d’agriculteurs se retrouvent endettés jusqu’au cou, voire jusqu’au désespoir.

Comment dites-vous ? Je n’y connais rien ? Vous avez mille fois raison, je ne suis ni agriculteur, ni ingénieur agronome, ni lié de quelque façon que ce soit à la chaîne de production alimentaire, si ce n’est à sa toute dernière extrémité, en tant que consommateur. Mais ces paysages de champs à perte de vue, dénués de toute biodiversité, me chagrinent, et je regrette les champs peuplés d’oiseaux, de mulots et de tous ces petits animaux qui contribuent à la vie des champs et des cultures, et qui souvent trouvent refuge dans les haies et les bocages en bordure des cultures. Car bien entendu, il n’y a pas que les mésanges pour participer à la vie saine d’un champ. Mais vous avez raison : globalement, je suis un ignare en la matière.

Reste le théorème de la mésange auquel il manque une démonstration scientifique, rigoureuse, et dont l’énoncé pourrait être amélioré. Mais tel quel, il me suffit pour croire qu’il y a peut-être quelque chose à repenser dans l’exploitation agricole du terrain.

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