Indépendance

La Suisse a obtenu des droits de douane similaires à ceux des Européens; ce résultat a été salué comme un succès, en particulier par l’UDC, qui y voit le résultat des efforts de son conseiller fédéral Guy Parmelin. On oublie un peu vite qu’en réalité, il y a six mois, ces droits de douane étaient pratiquement nuls, et que le président des Etats-Unis a fait passer de 0 à 15% ces tarifs douaniers. Alors oui, 15%, c’est indiscutablement mieux que 39%. Mais finalement, tout le monde est perdant, et probablement les Etats-Unis aussi, mais ils ne s’en rendront compte que plus tard, je suppose.

Devant le soulagement général, on a un peu envie de réagir comme certains caciques de l’UDC, qui se félicitent de l’indépendance de la Suisse, qui toute seule (avec une Rolex et un lingot d’or toutefois) est capable d’obtenir des Etats-Unis un traitement similaire à celui réservé à l’Europe, sans avoir à s’aligner sur un droit européen qui leur semble fatal pour l’indépendance du pays, et de ce fait appellent au rejet des accords bilatéraux avec l’Europe. Au nom de notre indépendance, disent-ils… Ce sont souvent les mêmes individus qui dissimulent assez mal leur admiration pour le président américain et sa philosophie de rapports de forces excluant une diplomatie à leurs yeux inutilement chronophage. Mais ils ont tendance à oublier (ou peut-être n’en ont-ils pas encore pris conscience) qu’ils y a d’autres domaines que les droits douaniers sur les produits où cette indépendance est mise en danger.

Au fait, que se passerait-il si Donald Trump s’avisait à taxer les services ? Il en a le pouvoir; certains ont peut-être suivi les tribulations récentes de M. Nicolas Guillou, citoyen français, juge à la Cour Pénale Internationale (CPI). Cette institution a récemment condamné Benyamin Netanyahu, Premier Ministre Israëlien, pour crimes de guerre dans le cadre du conflit opposant l’Etat Hébreu au Hamas dans la bande de Gaza. Le président américain en a pris ombrage, et a voulu sanctionner les juges de la CPI qui ont à son sens injustement condamné son ami et allié israëlien. Depuis cette condamantion, Nicolas Guillou (parmi d’autres) est privé de tous services fournis par des sources américaines; la liste est trop longue pour être exhaustive, mais citons tout de même Google, Amazon, Microsoft, Paypal, Mastercard, Visa… Vous avez bien lu : M. Guillou n’a plus accès à ses cartes de crédit, ni aux services de Google ou de Microsoft, par exemple. Si il avait stocké ses données sur OneDrive, par exemple, c’est dommage pour lui. Si son agenda est synchronisé par Google Agenda, c’est regrettable pour son agenda. Si il aime payer son hôtel avec une carte de crédit lorsqu’il participe aux séances de la CPI (ou lors de ses autres déplacements), eh bien il devra recourir à nouveau à de l’argent liquide, et en monnaie locale s’il vous plaît. Donald Trump peut sanctionner un citoyen non-américain pour une action tout à fait légale commise hors des Etats-Unis d’Amérique, mais qu’il désapprouve.

Les inconditionnels de Donald Trump à l’UDC ou ailleurs devraient méditer cette leçon même s’ils n’aiment-ils pas non plus la CPI ou autres institutions crées pour réguler les relations entre les peuples du monde. Si Donald Trump décide un jour de taxer les services numériques, il le fera à son habitude, par le biais d’une décision unilatérale avec effet quasi-immédiat. Imaginez un monde sans cartes de crédit; imaginez un écran noir lorque vous essayez de vous connecter aux services Microsoft (Windows 11, Office 365, OneDrive, etc…). Votre téléphone mobile ne connaît plus What’s App, LinkedIn, ou X-Twitter, et votre agenda ainsi que vos contacts sont perdus. Les fonds de l’AVS sont gérés par une compagnie américaine et le versement des primes pourrait même être impacté. Les administrations fiscales cantonales et fédérales sont presque toutes équipes de postes informatiques utilisant le système d’exploitation Windows, qui est considéré depuis Windows 10 comme un service; je vous laisse imaginer le problème que cela peut représenter. Pour ne rien dire des systèmes informatiques dans les hôpitaux et les autres services que nous utilisons au quotidien. La Suisse indépendante ? Ce concept mériterait un vaste éclat de rire si cela n’était pas si tragique. Mais je suppoose qu’il n’y a pas qu’à l’ASIN que des inconscients ont décidé de ne rien voir…

Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas, ou plus, un pays ami. La Suisse ferait bien de se le tenir pour dit, et se tourner vers les voisins européens pour une collaboration plus étroite; même si ces pays ont leurs défauts, ils représentent une communauté de vues plus susceptible de correspondre à notre manière de voir les choses; par ailleurs, nous avons besoin d’alliés face aux défis qui s’amoncellent dans notre proche avenir. La Russie militaire, la Chine commerciale, les Etats-Unis protectionnistes, repliés sur eux-même et sur leur pétrole… L’Europe a les moyens de s’affranchir, au moins partiellement, de ces dépendances numériques; ce n’est pas facile, mais c’est faisable car les outils existent. Mais il est nécessaire de disposer d’une masse critique pour cela, une condition que l’Europe remplit avec près de 750 millions d’habitants, mais dont la Suisse (9 millions) semble trop éloignée.

La Suisse n’est plus indépendante; mais l’a-t-elle jamais été ? Dans l’esprit de certains peut-être…

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