Crétin omniscient

L’intelligence artificielle (IA) n’en finit plus de révolutionner nos existences, notre quotidien. Pour le meilleur parfois (progrès de la médecine, maintenance de sites sensibles, automatisation de tâches de routine) et pour le pire souvent (explosion de fake news, d’images de synthèse détournées à des fins malveillantes, chômage); mais il faut se faire à cette nouvelle réalité.

Les réseaux de neurones artificiels qui sont à la base des intelligences artificielles basées sur la statistique (comme GPT, avec son robot conversationnel ChatGPT) sont décrits depuis les années 1940; mais ce n’est que récemment que l’on a pu matérialiser ces systèmes grâce à des puces informatiques surpuissantes et un déploiement de force brute rendu possible par des investissements colossaux. Il n’est d’ailleurs pas du tout certain que ces investissemnts faramineux puissent se concrétiser un jour en de juteux bénéfices, ce qui fait craindre une débâcle plus grave que la bulle Internet à la fin du siècle dernier. Mais les grands patrons de la tech, Sam Altman en tête, vont de l’avant, en déployant de nouvelles fonctionnalités à un rythme effréné, sans jamais se poser la question du caractère judicieux de ce développement incontrôlé. Ainsi, Sora 2 , un logiciel de création de séquences vidéo au réalisme étonnant, est très diversement évalué par les critiques. Permettant de réaliser des séquences vidéo en quelques clics par pratiquement n’importe qui, il est devenu l’outil privilégié des éditeurs de fausses images et de fausses vidèo, mettant en scène tel ou tel personnage dans des situations plus ou moins délicates.

Mais les développements ne s’arrêtent pas en si bon (?) chemin. On nous promet d’ores et déjà une superintelligence dans cinq ans; ce qui ne paraît pas complètement absurde au vu du rythme de développement effréné dans ce domaine. Encore faut-il s’entendre sur ce que sera cette superintelligence, qui, dans le cadre des connaissances actuelles, semble devoir se baser sur les technologies éprouvées dans le cadre de GPT et des IA similaires. On parle d’un réseau neuronal d’une dimension jamais envisagée jusqu’ici, à tel point qu’il nécessiterait plusieurs centrales nucléaires (on parle de 3, 4 voire même 5) pour l’alimenter. Dans cette optique, des pré-commandes de puces électroniques à Nvidia ont fait exploser la quotation en bourse de la société à plus de 5000 milliards de dollars, du jamais vu !

Cette superintelligence, dont le développement est encouragé par les milliardaires de la tech et aussi par le gouvernement américain actuel, serait potentiellement supérieure à l’intelligence humaine, et pourrait donc, dans l’esprit des « visionnaires » que sont Sam Altman ou autres Elon Musk, répondre à certaines grandes interrogations de l’humanité. J’imagine que Elon Musk, dans ses rêves les plus secrets, se voit à la place du staff de l’entreprise US Robotics dans la nouvelle de science-fiction Evasion d’Isaac Asimov (1945), et peut demander à son tour à ce super-robot « Construis-moi un vaisseau spatial capable de voyages interstellaires« .

Mais un réseau neuronal, avec les technologies actuelles, reste limité à des réponses basées sur la statistique lorsque l’on lui pose une question. Dans certains domaines, cela semble fonctionner assez bien; ainsi, dans le domaine médical, le diagnostic des IA est actuellement le plus souvent plus pertinent que celui des médecins « humains », parce que les questions posées sont généralement très pertinentes, et les informations sur lesquelles la réponse est fondée sont des informations scientifiquement vérifiées.

Dans le cas le plus général, le fait que la question soit ou non pertinente, ou que les informations sur lesquels il fonde sa réponse sont ou non vraisemblables n’entre pas (ou très marginalement) en ligne de compte. Il fournit une réponse et se soucie en réalité assez peu de sa vraisemblance ou de son bien-fondé. Même doté d’une connaissance quasi universelle, il reste pratiquement incapable de véritable discernement. Un crétin omniscient, en quelque sorte…

Je peux imaginer qu’une telle superintelligence pourrait être utilisée par un certain président des Etats-Unis, par exemple dans le cadre d’un hypothétique troisième mandat. On aurait alors à la tête des USA un idiot omnipotent secondé par un crétin omniscient. Un scénario qui à ma connaissance n’a jamais été abordé par Isaac Asimov, ni par quelque autre auteur de science-fiction; mais on peut les comprendre : ce n’est hélas probablement plus vraiment de la science-fiction.

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