Le rêve américain

En 1970, le regretté Joe Dassin chantait l’Amérique sur un texte de Pierre Delanoë et une musique de Jeffrey Christie qui avait composé l’original, Yellow River interprété par le groupe Christie cette même année 1970.

Le texte de Delanoë chante un rêve d’Amérique, tel qu’ont pu le ressentir nombre d’émigrants à l’époque où on assimilait l’Amérique à un Eldorado où tout était possible. La chanson peut être écoutée sur youtube. Voici ce texte in extenso; on remarquera la notion de rêve et de promesse qui constitue le fil rouge de la chanson.

Les amis, je dois m’en aller
Je n’ai plus qu’à jeter mes clés
Car elle m’attend depuis que je suis né
L’Amérique

J’abandonne sur mon chemin
Tant de choses que j’aimais bien
Cela commence par un peu de chagrin
L’Amérique

Mais L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai
L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le saurai
Tous les sifflets de trains, toutes les sirènes de bateaux
M’ont chanté cent fois la chanson de l’Eldorado
De l’Amérique

Les amis, je vous dis adieu
Je devrais vous pleurer un peu
Pardonnez-moi si je n’ai dans les yeux
Que l’Amérique

Je reviendrai je ne sais pas quand
Cousu d’or et brodé d’argent
Ou sans un sou, mais plus riche qu’avant
De l’Amérique

L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai
L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le saurai
Tous les sifflets de trains, toutes les sirènes de bateaux
M’ont chanté cent fois la chanson de l’Eldorado
De l’Amérique

L’Amérique, l’Amérique, je veux l’avoir et je l’aurai
L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le saurai
L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je rêverai
L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je veux rêver

Source : Paroles.net

Que reste-t-il du rêve 50 ans plus tard ?

La mascarade de débat entre Trump et Biden fournit des éléments de réponse peu encourageants : deux vieillards cacochymes en quête d’un pouvoir dont la responsabilité les dépasse visiblement s’insultent copieusement devant un journaliste consterné par le niveau de débilité des deux protagonistes. Si des écoliers s’apostrophaient de manière similaire en classe de primaire, on les enverrait au coin, ou chez le proviseur. Mais ce sont des adultes, un peu diminués certes, mais ayant théoriquement la sagesse et la modération nécessaires pour contrôler l’une des nations les plus puissantes du monde. Quand un candidat dit en substance « Ferme ta gueule, mec » en public à un président en exercice, l’une des rares personnes au monde ayant le pouvoir de lancer l’arme nucléaire, il y a un souci. Même si en l’occurrence on peut comprendre et excuser le mouvement d’humeur de Joe Biden.

Des traumatismes raciaux récurrents qui ressortent avec une violence sans cesse renouvelée et exacerbée par des mouvements suprémacistes souvent proches du pouvoir pourrissent le climat social de plusieurs états de l’Union. Divers mouvements citoyens (comme Black Lives Matter pour la communauté afro-américaine, avec des mouvements correspondants dans les communautés amérindiennes, latino ou asiatiques) se sont constitués pour lutter contre le racisme encore très présent dans les milieux conservateurs; mais ces mouvements tendent à être considérés comme des fauteurs de trouble et de désordre plutôt que comme des interlocuteurs sociaux.

Les Etats-Unis d’Amérique sont l’un des principaux pollueurs de la planète, en tant que pays. Notons toutefois que les Américains, pris comme individus, ne sont pas les pires pollueurs; c’est les habitants du Qatar qui remportent ce trophée discutable. Quoi qu’il en soit, le dérèglement climatique génère des intempéries de plus en plus meurtrières, et les incendies atteignent des niveaux de gravité jamais constatés; néanmoins, les autorités nient toute relation de cause à effet, et persistent allègrement dans la voie des énergies fossiles.

A la pointe de la technologie, et comptant quelques-unes des universités les plus prestigieuses du monde, les Etats-Unis d’Amérique sont aussi une confédération d’Etats où l’enseignement obligatoire inclut les thèses créationnistes (en parallèle avec la théorie de l’évolution darwinienne), aussi bien dans sa version biblique que dans la variante « intelligent design« . C’est aussi aux Etats-Unis que le mythe de la Terre Plate rencontre la plus large audience (The Flat Earth Society est basée à Lancaster, Californie), si l’on omet les dictatures théocratiques obscurantistes (un pléonasme ?), le plus souvent d’obédience islamique. C’est aussi devenu l’un des pays où les diverses théories complotistes débiles (à l’exemple de QAnon) reçoivent l’audience la plus attentive.

Faire fortune aux Etats-Unis est également devenu plus compliqué; à l’époque de la chanson de Joe Dassin, il était possible, à partir d’une idée de collégien, de souder quelques composants sur un circuit imprimé et d’appeler le résultat un « Apple 1« . Actuellement, un nombre relativement restreint d’entreprises (les GAFAM, Tesla, Space X, etc…) détient un quasi monopole sur l’innovation technologique : il est devenu très compliqué de mener à bien un projet innovant, et ceux qui y parviennent se font le plus souvent racheter, ou se heurtent à un produit concurrent (mais soutenu par un marketing d’enfer) développé en quelques mois par l’un des géants du numérique.

Restent les parcs nationaux, les grands espaces… Grand Prismatic Spring dans le Yellowstone, Bryce Canyon, le Grand Canyon avec le Lake Powell et Antelope Canyon, Monument Valley, Arches, Glacier Bay et tant d’autres. Le rêve américain est devenu au mieux un rêve touristique; cela suffit peut-être à faire une chanson et un projet de vacances, mais guère plus…

Que Trump ou Biden gouverne les Etats-Unis d’Amérique durant les prochaines années, peu importe finalement : le rêve américain paraît de toutes façons bien faisandé…

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