Skolstrejk

for Klimatet (Grève étudiante pour le climat). Ces quelques mots de suédois sont devenus indissociables de la jeune égérie de la contestation climatique Greta Thunberg, personnalité de l’année 2019 pour le Time Magazine. Au-delà de son combat pour la problématique du climat, elle a popularisé la manifestation non-violente comme moyen pour les jeunes de se faire entendre. Considérée comme légitime par les uns et illégale, voire antidémocratique par d’autres. cette manière de faire a divisé profondément les opinions récemment. Un procès retentissant ayant très provisoirement débouché sur un acquittement des manifestants accusés a crée un buzz monumental, totalement hors de proportion avec la manifestation incriminée qui s’apparenterait plutôt à une aimable plaisanterie de potaches, n’était la gravité de la thématique abordée.

Plusieurs débats ont abordé ce jugement surprenant du point de vue légal; je n’ai suivi que celui organisé par la RTS dans l’émission Infrarouge; y participaient notamment (à part une jeune activiste dans le rôle d' »accusée ») Céline Vara, Philippe Nantermod et Peter Rothenbühler, ancien rédacteur en chef du quotidien « Le Matin ». L’avocat libéral-radical Nantermod était il y a quelques années un brillant jeune politicien bourré d’idées et de convictions : j’ai retrouvé un politicien ayant incontestablement pris de la bouteille (aussi bien en termes d’expérience qu’au niveau de la ceinture) et figé sur ses positions, avec l’attitude fermée typique (épaules légèrement voûtées, bras croisés) du procédurier sûr de la légitimité que lui apporte un texte de loi par essence indiscutable. Un fonctionnaire parfaitement maître d’un règlement justifiant sa propre existence, en d’autres termes. L’avocate écologiste Céline Vara s’est d’ailleurs rapidement laissé enfumer par M. Nantermod : en guise de défense de la jeune activiste présente autour de la table, elle ne trouva à dire, en substance, que « pour sa part, elle avait choisi un autre mode de lutte que l’activisme ». Bravo madame, fermez le ban et votez pour le parti écologiste.

La critique la plus insidieuse venait de M. Rothenbühler : son discours paternaliste et condescendant décrédibilise les activistes plus sûrement que les tirades légalistes de Nantermod. A la fin de l’émission, une tirade de Philippe Nantermod sur la démocratie et le fait que les électeurs n’avaient pas voulu élire plus de représentants verts et donc que le parti libéral-radical poursuivait ses propres objectifs fut particulièrement mal venue : implicitement, M. Nantermod avoue que le climat ne figure pas parmi les préoccupations politiques de son parti (on s’en doutait bien, notez) et néglige le fait que les partis écologistes ont obtenu un résultat exceptionnel lors des dernières élections en Suisse. Mme Vara aurait pu au moins relever ce trait de mauvaise foi…

En fin d’émission, tout le monde semblait d’accord (on n’a pas trop posé de questions à la jeune activiste visiblement intimidée) et on s’est quitté ainsi. Je pense pour ma part (et j’espère) qu’il y aura d’autres occasions de débattre de ce genre d’activisme à l’avenir. Que reproche-t-on à ces activistes dans ce cas particulier ? D’avoir joué à la baballe dans une succursale de la banque « Crédit Suisse » pour dénoncer les investissements dans les énergies fossiles. Ils n’ont rien cassé, au contraire de certains activistes antispécistes qui se livrent à des déprédations inadmissibles de boucheries ou de fast-food, et ont permis d’attirer l’attention sur une problématique qui concerne tous les habitants de cette planète (sauf ceux qui ne veulent absolument pas se sentir concernés, comme apparemment M. Nantermod).

Pour ma part, je souhaiterais qu’il y ait d’autres manifestations de ce genre à l’avenir (bien que je ne les approuve pas forcément). Un pique-nique salades dans l’entrée de Philip Morris à Neuchâtel, une marelle devant l’UBS à Lausanne, un tournoi de roller dans un endroit improbable, un grand garage par exemple… Et je souhaiterais que, pour le plus grand plaisir de M. Nantermod, on sanctionne ces actions. Ceux qui émettent ces jugements sanctionnent leurs propres enfants, pour une action qu’ils ont eux-même, par les impérities de leur génération (la mienne, par la même occasion), provoquée. Les politiciens censés voter les lois qui permettent de sanctionner ces activistes partagent entièrement cette responsabilité : qu’on le leur dise et le répète. ils condamnent leurs enfants parce ces derniers manifestent contre un état de faits dont leurs juges et parents sont directement responsables. On peut espérer que ces braves gens développent un sentiment de culpabilité à force de condamner leur propre descendance. Et que M. Nantermod ne vienne pas répéter qu’il n’y a qu’à voter au lieu de manifester : nombre de ces manifestants n’ont pas le droit de vote, et le parti de M. Nantermod est opposé à leur accorder ce droit : on devine aisément pourquoi.

Peut-être que les Trump, Bolsonaro, Köppel ou autres Nantermod peuvent garder l’inconscience tranquille devant cet état de fait; mais les gens normaux, et conscients de leur responsabilité envers les générations futures ?

Si nous arrêtions toute émission de CO2 demain (enfin, celle due aux énergies fossiles, parce qu’il faut bien que nous continuions à respirer), une inversion de la tendance au réchauffement climatique n’interviendrait probablement pas avant l’an 2500. Du moins, c’est ce que les modèles climatiques actuels prédisent. Au mieux, on pourrait stabiliser la température vers 2060 ou 2100; pour améliorer les choses, il faudrait recourir à des solutions technologiques de récupération du CO2. Technologies coûteuses et terriblement complexes, mais les jeunes activistes actuels devront probablement en passer par là.

En attendant, rappelons-nous que les énergies fossiles, ce sont les restes des forêts de l’ère justement appelée Ere Carbonifère. Le développement des grandes forêts permit alors d’absorber le CO2 et de rendre possible l’avènement d’espèces vivantes terrestres. C’est ce CO2 que nous relâchons actuellement dans l’atmosphère. Ce CO2 que la nature a mis 100 millions d’années à absorber, nous le rejetons en moins d’un siècle ! A charge de nos enfants et petits-enfants de se débrouiller pour refaire ce que la nature a mis tant de temps à réaliser… Mais M. Nantermod et les autres ont fondamentalement raison: ce n’est pas notre problème, c’est celui de nos descendants. Et les lois doivent être respectées et appliquées. Jusqu’à en crever.

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