Les plaisirs du ski

Cette saison d’hiver 2018-2019, j’ai décidé de faire l’acquisition d’une paire de skis plus typée « piste ». Suite à divers problèmes de santé, je skie en effet de plus en plus dans la foule des skieurs qui empruntent les remontées mécaniques et par conséquent souvent aussi les pistes. Cela fait des années que je n’ai plus utilisé de skis de piste, je choisis du coup de me faire conseiller dans un magasin de sport bien connu dans une station ensoleillée des Préalpes vaudoises, dans le Chablais plus exactement, un site dominant la vallée du Rhône. J’ai par le passé acheté plusieurs paires de skis dans cette enseigne, et je pense qu’ils pourront me conseiller valablement, probablement plus qu’une grande surface, même si le prix sera peut-être un peu plus élevé.

Au mois de novembre, je pénètre donc dans ce magasin, et c’est la patronne qui vient me conseiller. Je cherche un ski polyvalent, pas trop orienté « carving », parce que c’est une technique certes hyper aisée à pratiquer, mais que je trouve très vite lassante: aligner des séries de virages au rayon quasi-préprogrammé à 70 km/h sur un boulevard damé au laser m’inciterait assez vite à me réfugier sur une terrasse; bref, elle me montre son assortiment. Elle répète plusieurs fois qu’il n’y a que des bons skis exposés (tu m’étonnes ! Un vendeur qui te propose des skis qu’il qualifie lui-même de mauvais , j’ai jamais vu…), mais ne donne que peu d’indications sur les points qui m’intéressent, à savoir la polyvalence essentiellement.

Vaille que vaille, je finis par poser mon choix sur une paire d’un fabricant autrichien (peu importe lequel); elle essaie de me vendre des godasses dans la foulée, en insinuant que les miennes ne valent pas grand-chose, mais je ne me laisse pas faire, bien m’en a pris d’ailleurs. Bien, me voilà équipé, et j’attends l’occasion favorable qui va se présenter dans le courant de janvier.

Les skis, après 2-3 jours de tests, se révèlent très typés « carving », contrairement à ce que j’avais souhaité (vérification faite ultérieurement, le constructeur met d’ailleurs cette caractéristique en avant dans sa publicité). Mais ce sont de bons skis, indubitablement. Je les emmène dans un terrain qui m’est plus agréable, des pentes raides en neige poudreuse, dure ou soufflée; en poudreuse, pas trop de problème, encore que le ski n’est visiblement pas à l’aise : le skieur doit y mettre du sien ; les petits soucis commencent en neige dure et pente raide : les skis accrochent raisonnablement bien, mais l’un des skis a tendance à se dérober lors de changements de carres rapides et appuyés. Comme les skis sont symétriques, c’est bien sûr tantôt le gauche, tantôt le droite, au hasard des remontées en télécabine, mais sur une descente, c’est clairement toujours le même ski qui tend à « fuir ». Rien de bien grave, il faut appuyer fort pour le remarquer, mais c’est tout de même assez net. Pendant que je cherche à mieux définir les limites de ce comportement du ski, je tombe sur un autre petit problème plus gênant celui-là. Lorsque le ski se dérobe, selon le sens de la dérobade, il arrive que les pointes des skis se touchent. Or, ce modèle dispose de protèges-pointes assez disgracieux à l’avant, fixés par deux vis proéminentes (!) au dessous de la spatule. Lorsque les deux protections entrent en contact, il arrive que les pointes s’accrochent légèrement l’une à l’autre, mais avec l’effet de surprise, il n’est pas aisé de les séparer pour retrouver l’indépendance des deux skis, le tout en pleine action. Du coup, la chute n’est pas très éloignée, ce qui tend à fortement réduire la confiance que l’on peut avoir dans le matériel. Ce problème est indépendant du précédent; la dérive du ski a simplement mis en évidence plus rapidement ce défaut. Quant à savoir ce qui « accroche », je ne sais pas; je soupçonne les fameuses vis apparentes, mais je n’ai pas de certitude, n’ayant pas le loisir de fixer une caméra de ralenti sur les spatules pour détailler le problème.

Incidemment, j’ai déjà eu ce genre de problème il y a fort longtemps, avec un ski de marque française. Malgré l’utilisation intensive de plusieurs dizaines de paires de skis, sans compter les paires de location, ce sont les deux seuls exemples de ce type de défaut dont je puisse me souvenir. J’avais à l’époque discuté avec le vendeur (ce n’était pas le même magasin, en l’occurrence) qui avait fait remonter le problème au fabricant, qui avait effectivement reconnu et corrigé le problème. C’est aussi un service rendu aux prochains acquéreurs de ce matériel, d’ailleurs. Je me dis que je vais faire de même avec ces skis, et je décide de retourner chez le vendeur, mi-janvier 2019, mes skis sous le bras.

J’arrive dans un magasin désert (apparemment, le ou les patrons sont en vacances), avec une jeune dame qui me dirige vers le « technicien », un type qui débarque à l’instant, et qui semble ennuyé de voir un client. Il ne salue pas (ou alors très très discrètement, je n’ai rien remarqué), et lorsque j’ouvre la bouche, il me coupe plutôt sèchement pour me signaler d’un ton assez arrogant, limite agressif, que je ne sais pas transporter des skis. Bon, il a peut-être raison, je ne sais pas trop, mais l’attitude est digne d’un procureur et inadmissible de la part d’un vendeur; peut-être souhaite-t-il asseoir son « autorité technique » sur le client ignare supposé être impressionné ? Pour ce qui me concerne, il me fait du coup penser à Popeye dans « les Bronzés font du ski », le charme et l’élégance de Thierry Lhermitte en moins, toutefois. Quand enfin je peux lui exposer le problème, il commence par dire qu’on ne peut pas toucher au protège-pointes, parce que cela fait « partie de la structure du ski ». Ben voyons… Un enjoliveur de roues ou un pare-chocs font aussi partie de la structure d’une voiture, je suppose. Je commence à soupçonner qu’il me prend pour un con. Soupçon confirmé dès la tirade suivante, où il m’explique que le ski se pratique avec les skis parallèles, pas avec les skis croisés (je n’invente rien), parce que là, on risque effectivement d’accrocher les pointes. Bien sûr, suis-je bête ! Si j’avais su ça, l’aiguille d’Argentières, le Grand Muveran ou Roccia Nera auraient été plus faciles à descendre ! Non seulement Popeye me prend pour un con, mais il me traite quasi ouvertement de con. J’avais appris à l’époque que le client était roi; apparemment il y a quelque chose de changé, du moins dans ce magasin de sports. C’est ce que ce magasin appelle un service après-vente, je suppose…

Il continue, en m’expliquant que ce que je lui dis est impossible, cela n’arrive jamais. Il ne dit tout de même pas explicitement que je suis un menteur, mais dans les faits c’est bien le message qu’il transmet. Là, je m’énerve un peu, et je quitte le magasin en laissant mon numéro de téléphone à tout hasard, mais sans grande conviction (« On vous contactera » est une formule de prise de congé bien connue). J’ai le sentiment désagréable de m’être fait balader (pour ne pas dire rouler) du début à la fin; le lendemain, je skie avec mes anciens skis, du coup, pour jouir pleinement du privilège d’avoir dépensé plus de CHF 1000.- pour me faire traiter de con (et aussi parce que j’ai désormais davantage confiance en mes anciens skis). Bien sûr, CHF 1000.- est probablement un détail dans le chiffre d’affaires de ce magasin; mais en ce qui me concerne, ce n’est pas tout à fait une sinécure, surtout si je n’ai guère le plaisir de jouir de mon achat.

On parle beaucoup, pour les stations de moyenne montagne, du manque de neige en ces périodes de réchauffement climatique. En fait, la mort annoncée de ces stations n’est pas une fatalité, il y a de nombreux exemples pour montrer des voies alternatives; mais toutes passent par une qualité d’accueil du touriste irréprochable. Une mauvaise réputation est facile à faire, surtout en ces temps de réseaux sociaux prompts à la critique et au démolissage. Si Jean Dupont poste sur Fesses-Bouc « Le magasin Truc de la station Machin dans les Alpes Vaudoises propose un accueil déplorable« , il y a de bonnes chances pour que ce post devienne, quelques brefs tweets plus tard, « Dans les Alpes Vaudoises, on est très mal accueilli« . Relayé sur un site chinois, je ne vous dis pas les dégâts d’image… Le comportement de certains membres du personnel de ce magasin est une nuisance pour la station -voire la région- entière et mériterait d’être sanctionné dans ce sens. Je rachèterai probablement des skis la saison prochaine, mais j’irai en grande surface. Sans états d’âme, vu la qualité des conseils dispensés.

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