Archives par mot-clé : burqa

Burqa Blues

La campagne pour l’initiative « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage » a été finalement lancée en vue d’une soumission au peuple au mois de mars de cette année 2021. Cette initiative vise essentiellement la burqa et le niqab, et construit sur une certaine peur de l’islamisme radical et du terrorisme y associé pour demander d’écrire explicitement dans la Constitution l’illégalité d’avoir le visage masqué dans les lieux publics. Nonobstant la qualité des auteurs de ce texte, il s’agit d’un texte essentiellement populiste. Le problème qu’il entend adresser est pratiquement dénué de toute importance, mais cache de grandes anxiétés et beaucoup d’émotions, ce qui lui donne quelques chances d’obtenir un certain succès.

Beaucoup d’entre nous se sont déjà trouvés nez à nez avec une femme portant le hidjab et en ont ressenti une certaine gêne. Bien que le hidjab n’ait pas grand-chose de commun avec la burqa ou même le niqab, ils participent d’une idéologie commune. Je me souviens avoir donné cours dans une classe où une étudiante arborait une robe grise ou brune ample et longue stricte ainsi qu’un hidjab, et le contact avec cette étudiante m’était particulièrement incommode : elle me paraissait plus indécente que certaines de ses camarades peut-être un peu trop légèrement vêtues. Une indécence du corps opposée à une indécence de l’esprit ? Peut-être bien; du moins était-ce ressenti ainsi par le modeste professeur que j’étais encore assez récemment. Mais ce sentiment qu’il m’est arrivé d’éprouver montre bien que cette initiative peut réveiller des émotions contradictoires chez beaucoup d’entre nous. Au point de nous faire accepter cette initiative ?

Les auteurs de l’initiative dénoncent l’occurrence de plus en plus fréquente dans les villes de Suisse de personnes arborant le niqab ou la burqa; à vrai dire, je n’en ai guère remarqué moi-même, en dehors de la rue du Mont-Blanc à Genève ou de la Kapellbrücke à Lucerne, voire de St. Moritz, Zermatt ou Crans-Montana. Mais on ne peut guère parler de résidents suisses dans ces endroits particuliers. A la place Centrale à Lausanne ou place de la Planta à Sion, quoi qu’en dise le Valaisan Jean-Luc Addor, la burqa est rare, et une loi gravée dans la Constitution pour en interdire le port ne se justifie que malaisément.

D’aucuns dénoncent une certaine exploitation des femmes au travers de l’obligation faite par leur mari ou leur famille du port d’un voile intégral. L’initiative serait dés lors une manière de libérer ces femmes du joug imposé par leurs proches. C’est oublier que certaines de ces femmes sont parfaitement en accord avec cet accoutrement grotesque; interdire le voile intégral ne changera pas fondamentalement la personne qui le porte ou les entités qui lui en imposent le port. Mais l’interdiction. elle, ne sanctionnera que les femmes, alors que les responsables du port de ce déguisement d’un autre âge sont généralement des hommes…

S’appuyant sur des raisons « culturelles », on ne parle guère de limiter le port d’autres vêtements à caractère religieux, comme la soutane de certains ecclésiastiques. Pourtant, cet accoutrement incongru a largement été utilisé par des générations de prêtres pédophiles frustrés par un vœu de chasteté contre nature. Bien sûr, la soutane n’implique en aucune façon la pédophilie; mais la burqa n’implique pas non plus le terrorisme… Alors, pourquoi interdire l’un ou l’autre ? Après tout, certaines modes vestimentaires ne sont guère en reste sur le plan du ridicule.

Il existe une dernière raison pour ne pas interdire niqab ou burqa : une créature accoutrée de cette manière (fût-ce contre son gré) est un indicateur infaillible d’une profonde stupidité, chez elle et dans son entourage immédiat. Supprimer cet indicateur est contre-productif, car ce genre de stupidité est dangereux, et à partir du moment où l’on dispose d’un signal aussi visible, on peut surveiller plus facilement ces énergumènes et anticiper une dérive plus radicale.

Il n’est pas toujours facile d’identifier les cons. Mais lorsqu’ils se déguisent eux-mêmes en cons, il faut les laisser faire et s’en féliciter.