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CHF 2 000 000 000

Une motion émanant surtout de partis de droite (et soutenue par le Conseil Fédéral ) veut majorer le budget de la défense nationale suisse de 2 milliards de francs d’ici 2030. L’argument est de se protéger contre des agressions étrangères à l’exemple de l’agression russe en Ukraine. Malgré la situation préoccupante, on se demande tout de même qui seraient ces vilains étrangers qui souhaiteraient venir nous envahir. La Russie semble peu susceptible d’agression envers la Suisse, car pour parvenir à nos frontières, il faudrait commencer par vaincre l’OTAN, et même si cela ne semble pas impossible, cette éventualité rendrait assez symbolique les hypothétiques volontés de résistance suisse.

Alors qui ? La France de Ramene Ta Peine à l’horizon 2030, décidée à annexer la Suisse Romande pour raison de compatibilité culturelle ou pour rembourser sa dette russe ? Jean-Luc Méchenlon pour faire plaisir à son copain et modèle Poutine? (J’avais à l’origine utilisé d’autres pseudonymes, mais j’essaie de ne pas sombrer trop dans le grossier…). Je leur souhaite bien du plaisir avec les Valaisans, déjà qu’ils n’arrivent pas à s’entendre avec la Corse…

L’Allemagne du parti «AfD», qui annexerait la Suisse Alémanique et l’Autriche pour des raisons linguistiques et culturelles ? Je vois mal l’Allemagne se reconnaître dans la langue et la culture de la Suisse Alémanique ; le journal télévisé de la ZDF passerait probablement mal en Züritütsch.

L’Italie d’un successeur de Matteo Salvini, décidé à accaparer les ressources en eau du Tessin au profit de la Lombardie ? Mais ils jouissent déjà de ces ressources, alors pourquoi se battre ?

Une autre question que je me pose, c’est ce que deviendrait cette somme de deux milliards attribuée à la Défense Nationale. Un expert à qui on a posé la question sur les ondes de la Radio Suisse Romande s’est montré quelque peu évasif. Après avoir signalé l’obsolescence de certains outils de notre armée, il s’est montré plus hésitant lorsque l’on l’a questionné sur la nature des investissements à prévoir. On aurait pu songer à une flotte de camions à hydrogène, ou un renouvellement du parc de véhicules dans la même optique. Il a finalement parlé de chars de combat à renouveler ; mais je n’ai guère été convaincu. Un char de combat a une durée de vie en engagement réel relativement limitée ; cela me paraît donc cher payé pour un moyen de défense visiblement peu efficace. Une proposition apparemment sérieuse est de retaper les vieux chars de combat « Leopard » dont il reste quelques 100 exemplaires dans une poubelle de luxe quelque part en Suisse Alémanique. Selon les dires de M. Vautravers, colonel, rédacteur en chef de la Revue Militaire Suisse et spécialiste de l’armement, ce char n’aurait rien perdu de sa modernité et resterait actuellement un outil tout à fait efficace et en aucune façon obsolète, voire même très actuel. Un bidule mis en service en 1979 encore d’actualité quarante ans après ? Les dameuses de piste, tracteurs et autres engins agricoles multifonctions se sont massivement équipés en informatique, GPS, algorithmes de mise en réseau des machines pour le travail collaboratif, drones d’accompagnement, capteurs pour analyser le terrain ou la neige, et un char de combat ne disposerait pas de ces outils pour gérer sa progression ? Je n’ai aucune raison de douter des affirmations de M. Vautravers, donc, on peut en déduire que le développement des chars de combat a été abandonné à la fin des années 1970 à l’échelle mondiale, ce qui semble confirmer la vulnérabilité de ce type d’engins en engagement.

Plus généralement, on peut se demander pourquoi les pays s’encombrent encore de chars d’assaut vu la facilité avec laquelle ils peuvent être détruits. Quant à moi, je ne vois qu’une explication possible : c’est pour justifier le fait de s’équiper de défenses antichars. Pas de chars, pas de missiles antichars, donc moins de chiffre d’affaires. Conclusion, il faut persuader les gouvernements et leurs départements militaires à s’équiper de chars de combat, et ensuite on peut leur vendre l’antidote : CQFD. En informatique, on a des programmeurs à Saint-Pétersbourg (et ailleurs) qui travaillent à la fois dans une boîte de logiciels anti-virus et dans une autre boîte plus discrète, souvent gouvernementale, qui fabrique des virus. C’est un peu le même principe.

Il y a pourtant un ennemi qui est en train de nous envahir, depuis pas mal de temps déjà, et qui va très probablement gagner sa guerre à défaut d’une action rapide et massive. Contre cet ennemi, des chars de combat ou des avions aussi sophistiqués soient ils, nourris d’hydrocarbures de la meilleure qualité fournis par Poutine ou autre Mohamed Ben Salmek ne peuvent rien et sont au contraire largement contre-productifs. Je veux parler du réchauffement climatique. C’est un exploit de communication de Poutine qui est parvenu en quelques semaines à étouffer le dialogue de transition énergétique, beaucoup plus efficacement que le COVID ou les Jeux Olympiques sans neige de Pékin. Deux milliards pour l’Armée, c’est deux milliards de moins pour la recherche et pour la transition énergétique: c’est se tirer une balle dans le pied. Les faucons de droite (qui a dit «et les vrais de gauche», au fond de la classe ?) feraient bien d’y songer avant de dilapider l’argent du contribuable dans des joujoux à l’utilité pour le moins discutable, alors que la catastrophe annoncée depuis soixante ans frappe à la porte de l’Humanité.

La seule utilité que je pourrais voir à un investissement de ce genre pour l’Armée en Suisse, c’est pour contrôler les manifestations qui vont probablement voir le jour dans un futur proche, lorsque les ressources alimentaires et énergétiques commenceront réellement à manquer partout dans le monde. Un char de combat, même datant d’il y a quarante ans, reste redoutable en l’absence d’armes antichars. La répression d’émeutes populaires fait aussi partie des missions exceptionnelles de notre armée, et de toutes les armées du monde. Vous vous souvenez ?

Tank Man, Tian Anmen, (JEFF WIDENER / AP / SIPA)

Si la situation se dégrade jusqu’à la pénurie de ressources essentielles, des situations d’émeute vont alors se produire. L’armée pourrait alors se révéler utile : cela s’est produit par le passé, il y a longtemps il est vrai. Verra-t-on un jour une image similaire sur une place dans une ville de Suisse ? L’un ou l’autre de vos enfants ou petits-enfants en sera-t-il un acteur ? Et de quel côté du canon sera-t-il ?

Ne serait-il pas plus sage d’investir dans des moyens qui permettraient d’éviter d’en arriver là en contrôlant, tant que faire se peut, les effets du réchauffement, plutôt que de prévoir d’emblée les moyens de réprimer la colère des citoyens nécessiteux ?