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Autogoal

Ces dernières semaines, le gouvernement suisse a réussi le rare exploit de marquer par trois fois contre son propre camp (et on ne comptera pas ici l’autogoal de l’infortuné joueur de football suisse Zakaria en quarts de finales contre l’Espagne lors de l’Euro).

I. Rejet de l’accord-cadre avec l’UE

Tiraillé entre une extrême-droite xénophobe prompte à voir le diable de l’autre côté des frontières, et une gauche syndicaliste et dogmatique, le Conseil Fédéral a finalement laissé se déchirer l’accord-cadre qui devait servir de base aux futures relations avec l’Union Européenne. Les premiers effets négatifs de cette « réussite » se sont déjà manifestés : nos chercheurs universitaires sont relégués sur les strapontins des programmes de recherche européens, quand ils ne sont pas relégués tout court. Pour l’instant, il n’y a aucun plan B prévu; mais ça, ce n’est pas une surprise, cela fait déjà pas mal de temps que l’actuel gouvernement navigue à vue.

II. Choix d’un avion de combat américain

Alors que les relations avec l’UE sont déjà mises à mal par l’autogoal précédent, le département militaire fédéral et sa cheffe, madame Viola Amherd, ont choisi d’acheter un nouvel avion de combat américain, le F-35 du constructeur Lockheed Martin. Des critères « purement techniques » (sic) ont été retenus, et cet avion est le « meilleur au rapport Coût / Utilité ». On veut bien, mais comme un avion de combat en Suisse a une utilité proche de zéro, le rapport doit être vraiment déplorable pour tous les avions. Et quand des spécialistes (enfin, des personnes qui se présentent comme telles) parlent d’une stratégie pour les quarante prochaines années, il serait tout de même opportun de leur demander si dans cinq ans, ils pensent que les avions de combat seront encore pilotés par des êtres humains, alors que maintenant déjà, l’assistance au pilotage est omniprésente, ces avions étant inutilisables sans soutien informatique massif et permanent ! Il est vrai que je ne connais pas grand-chose aux avions de combat (comme j’ai eu l’occasion de le signaler précédemment) ; mais j’ai quelque connaissance en informatique et en télécommunications : dans cinq ans, la présence d’un pilote humain, incapable de supporter les accélérations dont est capable l’appareil, sera un handicap insurmontable pour un avion de combat. Tant qu’à jeter de l’argent par les fenêtres, il eût mieux valu le jeter par delà une frontière proche; un choix européen eût semblé aller de soi. Mais pas pour l’équipe de sélection de madame Amherd, qui semble plus soucieuse de la disponibilité de beaux joujoux technologiques pour survoler les Alpes. D’ailleurs, les personnes choisies pour soutenir la cheffe de département dans la campagne de promotion des avions de combat (Fanny Chollet et Claude Nicollier, deux pilotes) soulignent cet état de fait si nécessaire. Apparemment, on manque de stratèges ayant une vision quelque peu élargie de la politique mondiale…

III. Choix d’une solution de cloud sino-américaine

La confédération helvétique va utiliser des solutions de cloud fournies par des entreprises américaines et chinoises. C’est peut-être l’autogoal le plus spectaculaire des trois ! Il existe des dizaines de fournisseurs de renom européens ou même suisses en mesure de fournir ce genre de services à la Confédération, avec un niveau de sécurité excellent et des règles de fonctionnement transparentes (et qu’il est possible d’influencer le cas échéant, parce que les hébergeurs sont locaux); mais on préfère travailler avec des entreprises dont les serveurs sont localisés on ne sait où, alimentés par des centrales à charbon, avec des règles susceptibles de changer à bien plaire, et proposant un droit de regard sur la sécurité des données pour le moins minimaliste. Cela ressemble fortement à une solution inspirée par un service informatique constitué de fonctionnaires soucieux de leur petit confort : on choisit les plus grosses entreprises possibles en se disant qu’ainsi, on ne risque pas de se voir reprocher une éventuelle cessation d’activité. Et si cela arrive tout de même, on a quelque chance de se retrouver en bonne compagnie, donc moins sujet à des critiques pour prise de risques inconsidérés… Ceci dit, choisir le Chinois Alibaba enfonce tout de même à grand fracas les limites de l’invraisemblable. Désormais, les documents confidentiels de la Confédération (comme par exemple les tractations avec les partenaires (?) européens) passeront par la Chine, et éventuellement par les Etats-Unis.

Le commentaire de Christophe Grudler, secrétaire d’Etat français aux affaires européennes, est probablement le reflet du sentiment de plusieurs européens qui travaillent sur le dossier suisse depuis de nombreuses années : « Comme un bras d’honneur« … Petros Mavromichalis, ambassadeur de l’UE en Suisse, avertit de son côté que la suite des opérations ne sera peut-être pas simple : « La Suisse ne peut plus avoir le beurre et l’argent du beurre« .

Alors, qui va devoir faire l’effort pour remonter ce handicap de trois autogoals ? Le Conseil Fédéral actuel a démontré largement son incapacité en la matière. Peut-être devrait-on demander à quelques-uns des principaux instigateurs (souvent des politiciens de droite ou d’extrême-droite) de la situation actuelle de proposer des solutions. Mais bon, l’examen de la liste des personnes incriminées laisse une place très mesurée à l’optimisme : ce n’est pas gagné…

Accueil

Ce mois d’août 2015, après une jolie promenade au-dessus de Nendaz en Valais, le long de l’ancien bisse de Chervé entre la station supérieure du télésiège de Siviez à Combatseline et le barrage de Cleuson, nous nous demandions où manger un morceau sur une belle terrasse. Pas à Siviez, de toutes façons, un endroit probablement fonctionnel dans son rôle de point de liaison pour le ski dans le domaine des 4 vallées, mais éminemment désagréable à nombre d’autres points de vue. Nous avons décidé de remonter en télécabine au Plan du Fou pour manger une assiette valaisanne.

Arrivés au sommet, la vue est belle, mais la terrasse est exigüe, et plusieurs tables ne sont pas débarrassées. Nous nous asseyons à une table, et comme personne ne vient, je me relève pour entrer dans le bistrot. Pas grand monde à l’intérieur non plus d’ailleurs, mais après quelques minutes, une dame passe devant moi, apparemment fort occupée par de multiples tâches n’ayant rien à voir avec la restauration ou le service à la clientèle. Quand enfin elle daigne jeter un regard sur moi, je me permets audacieusement à lui demander (après les salutations d’usage) si on peut consommer quelque chose : les salutations resteront sans réponse, mais la dame répond sèchement que le service est à table, et se détourne pour vaquer à ses affaires sans doute très importantes.

Je retourne à ma table non débarrassée, et après quelques minutes, la personne en question daigne venir s’enquérir de nos desiderata avec une expression à faire cailler du lait frais. J’ai le temps de lui commander une assiette valaisanne et de l’eau, et elle est déjà en train de partir alors que je n’ai pas fini de parler. La table n’est en revanche toujours pas débarrassée.

L’assiette valaisanne finit par arriver. De bonne qualité, il faut le souligner. Et la table est enfin débarrassée : sinon, il n’y avait pas la place pour poser l’assiette et les verres. Le service en revanche est profondément désagréable : la personne qui nous sert a très visiblement envie d’être n’importe où ailleurs et avec n’importe qui d’autre que des clients. Bon, on avale notre assiette et on redescend à Siviez rapidement, avec la très nette impression d’avoir gêné les responsables du bistrot du Plan du Fou, bien qu’ils aient tout de même présenté la facture…

Malheureusement, cet exemple, bien qu’un peu extrême, n’est de loin pas unique en Valais. Bien sûr, il y a de nombreux endroits où l’on est bien reçu en Suisse et en Valais; mais il y en a beaucoup trop où le client reste la vache à lait qui devrait remercier les indigènes du privilège qu’ils lui font de lui permettre de venir dépenser son fric chez eux. Navrant. Surtout en comparaison de l’accueil chez nos voisins autrichiens ou italiens, entre autres. Le tourisme a des problèmes en Suisse ? Le franc fort n’aide certes pas le tourisme; mais l’absence de sourire et d’accueil digne de ce nom fait certainement encore beaucoup plus de mal que la conjoncture. Personne n’aime être pris pour un imbécile et de surcroît payer pour ça. Et le mal fait à ceux qui se donnent la peine d’accueillir les gens convenablement est énorme. Tout à fait à la mesure du mal fait aux vignerons (parfois valaisans, aussi) par ceux qui vendent du vin frelaté avec des appellations délictueuses. Des humoristes ont rebaptisé les caves de ce triste sire « Château Consternation« . La consternation est malheureusement trop souvent aussi chez le touriste qui doit payer pour se faire cracher dessus.