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Ce mois d’août 2015, après une jolie promenade au-dessus de Nendaz en Valais, le long de l’ancien bisse de Chervé entre la station supérieure du télésiège de Siviez à Combatseline et le barrage de Cleuson, nous nous demandions où manger un morceau sur une belle terrasse. Pas à Siviez, de toutes façons, un endroit probablement fonctionnel dans son rôle de point de liaison pour le ski dans le domaine des 4 vallées, mais éminemment désagréable à nombre d’autres points de vue. Nous avons décidé de remonter en télécabine au Plan du Fou pour manger une assiette valaisanne.

Arrivés au sommet, la vue est belle, mais la terrasse est exigüe, et plusieurs tables ne sont pas débarrassées. Nous nous asseyons à une table, et comme personne ne vient, je me relève pour entrer dans le bistrot. Pas grand monde à l’intérieur non plus d’ailleurs, mais après quelques minutes, une dame passe devant moi, apparemment fort occupée par de multiples tâches n’ayant rien à voir avec la restauration ou le service à la clientèle. Quand enfin elle daigne jeter un regard sur moi, je me permets audacieusement à lui demander (après les salutations d’usage) si on peut consommer quelque chose : les salutations resteront sans réponse, mais la dame répond sèchement que le service est à table, et se détourne pour vaquer à ses affaires sans doute très importantes.

Je retourne à ma table non débarrassée, et après quelques minutes, la personne en question daigne venir s’enquérir de nos desiderata avec une expression à faire cailler du lait frais. J’ai le temps de lui commander une assiette valaisanne et de l’eau, et elle est déjà en train de partir alors que je n’ai pas fini de parler. La table n’est en revanche toujours pas débarrassée.

L’assiette valaisanne finit par arriver. De bonne qualité, il faut le souligner. Et la table est enfin débarrassée : sinon, il n’y avait pas la place pour poser l’assiette et les verres. Le service en revanche est profondément désagréable : la personne qui nous sert a très visiblement envie d’être n’importe où ailleurs et avec n’importe qui d’autre que des clients. Bon, on avale notre assiette et on redescend à Siviez rapidement, avec la très nette impression d’avoir gêné les responsables du bistrot du Plan du Fou, bien qu’ils aient tout de même présenté la facture…

Malheureusement, cet exemple, bien qu’un peu extrême, n’est de loin pas unique en Valais. Bien sûr, il y a de nombreux endroits où l’on est bien reçu en Suisse et en Valais; mais il y en a beaucoup trop où le client reste la vache à lait qui devrait remercier les indigènes du privilège qu’ils lui font de lui permettre de venir dépenser son fric chez eux. Navrant. Surtout en comparaison de l’accueil chez nos voisins autrichiens ou italiens, entre autres. Le tourisme a des problèmes en Suisse ? Le franc fort n’aide certes pas le tourisme; mais l’absence de sourire et d’accueil digne de ce nom fait certainement encore beaucoup plus de mal que la conjoncture. Personne n’aime être pris pour un imbécile et de surcroît payer pour ça. Et le mal fait à ceux qui se donnent la peine d’accueillir les gens convenablement est énorme. Tout à fait à la mesure du mal fait aux vignerons (parfois valaisans, aussi) par ceux qui vendent du vin frelaté avec des appellations délictueuses. Des humoristes ont rebaptisé les caves de ce triste sire « Château Consternation« . La consternation est malheureusement trop souvent aussi chez le touriste qui doit payer pour se faire cracher dessus.

Tourisme en Suisse

Ces vacances 2015, je les ai passées en Suisse; dans les Alpes (valaisannes et bernoises, pour l’essentiel). J’ai par exemple passé trois excellentes nuits dans un hôtel charmant à Grindelwald. Le restaurant qui accompagne l’hôtel, sans faire de gastronomie, est de très bonne facture, et dispose de la plus belle terrasse de Grindelwald (enfin, à mon avis, et si l’on excepte des restaurants hors de Grindelwald comme First ou Bussalp). Il faisait grand beau, très chaud, la vue était magnifique et nous avons pu faire de superbes promenades.

DSC_1263Bon, alors, où est le problème ? En fait, Grindelwald et l’Oberland Bernois ne font pas mieux que les Valaisans, et les Suisses dans leur grande majorité. On a un paysage unique, donc les touristes doivent nous remercier du fait qu’on leur propose d’en jouir en petit peu. Pour les autres services (à part ceux que l’on peut faire payer très cher sans qu’ils ne coûtent trop à la commune incriminée), marquez dommage : circulez, y’a rien de plus à voir.

Ainsi, la région abrite l’une des descentes à skis les plus réputées du monde : la descente du Lauberhorn. Mais si vous êtes un Chinois ou un Japonais désirant vivre cette descente sur place, vous pourriez vous attendre (même en été) à pouvoir atteindre sans efforts excessifs le départ de cette descente, pour éventuellement faire une photo dans le portillon de départ, ou même effectuer une descente virtuelle équipé de lunettes genre Oculus Rift avec votre héros préféré comme pilote de vos skis virtuels, non ? Ben non. Vous voudriez aller au départ de la descente ? Zut, le télésiège ne fonctionne pas en été. Bon, allons-y à pied; mais c’est vrai que c’est long, que ça monte et qu’il fait chaud… Et là-haut, rien à boire (mais une vue exceptionnelle tout de même, c’est vrai que là, ça ne demande pas d’investissement particulier). Une descente virtuelle ? Le concept n’a probablement pas encore atteint les Alpes Bernoises, ou alors, il y a quelque part quelqu’un qui n’a rien compris.

En bref, la région continue de fonder son offre touristique sur des infrastructures certes pittoresques, mais dépassées. Même en hiver, se rendre au départ de la mythique descente du Lauberhorn est une gageure, à tel point que les coureurs de la Coupe du Monde s’en plaignent régulièrement. D’ailleurs, quand on constate que la gare de Grindelwald est située à une distance très respectable des remontées mécaniques de la région, on se rend compte assez vite que rien n’a été fait pour encourager le skieur à venir skier dans la région, sinon le magnifique panorama qui lui, n’a pas demandé trop d’investissements.

Je critique Grindelwald, mais vous pouvez écrire Anzère, Verbier, Saas Fee ou n’importe quel nom de station en lieu et place : les stations suisses ont pris une bonne génération de retard sur leurs homologues d’Autriche et d’ailleurs… Combien de temps leurs clients japonais ou chinois se satisferont-ils de la seule vue de l’Eiger ou du Cervin pour leurs vacances en Europe ?